Vous vous souvenez sans doute de cette image magnifique d’un disque de poussière protoplanétaire strié de bandes claires et sombres observé par ALMA autour de l’étoile HL Tau en novembre 2014. Des hypothèses ont été émises sur la présence de planètes qui auraient « nettoyé » leur orbite, formant ces espaces intercalaires dans le disque. Or une nouvelle observation tend aujourd’hui à montrer que si planètes il y a, elles sont à chercher non pas dans les interstices vides mais au sein des anneaux de poussière.
Image combinée de HL Tau par ALMA (rouge) et VLA (jaune) (Carrasco-Gonzalez, et al.; Bill Saxton, NRAO/AUI/NSF.) |
Les images de ALMA avaient déclenché de nombreuses études théoriques pour comprendre cette structure, des études sur les interactions disque-planètes, d’autres sur les effets que peuvent produire des champs magnétiques sur un tel disque, ou encore sur l’évolution naturelle des grains de poussière de différentes tailles. La zone la plus intéressante est sans nul doute la partie interne du disque de HL Tau, où pourraient s’être formées des planètes telluriques. Malheureusement, ALMA ne peut pas imager cette zone la plus interne à cause de l’absorption trop grande dans les longueurs d’ondes que ses radiotélescopes utilisent.
Une équipe d’astrophysiciens a donc décidé d’utiliser un autre réseau de radiotélescopes travaillant à des longueurs d’ondes légèrement plus grandes (7 mm) afin de pouvoir imager avec une très bonne résolution la partie centrale du disque de HL Tau. Ils ont exploité le Karl Jansky Very Large Array qui leur a permis d’atteindre une résolution comparable à celle de ALMA pour la zone étudiée.
Les chercheurs parviennent à mesurer la masse totale de poussière du disque de HL Tau (environ 0,001 masse solaire) et observent une croissance rapide des grains de poussière, de la fragmentation, ainsi que la formation de globules denses dans les parties les plus denses en poussière du disque.
C’est dans le tout premier anneau de poussières que l’astrophysicien mexicain Carlos Carrasco-Gonzalez et ses collaborateurs observent cette structure particulière asymétrique. Les chercheurs ont produit plusieurs images avec plusieurs résolutions angulaires et différentes bandes spectrales et ont noté que le globule dense persistait, a contrario des autres fluctuations dans le reste de l’anneau.
La position de cette surdensité correspond par ailleur parfaitement à un maximum d’intensité observé par ALMA à une longueur d’onde de 1,3 mm. Les chercheurs en concluent à la présence de « quelque chose » dans ce premier anneau du disque de HL Tau. Les observations dans plusieurs longueurs d’ondes millimétriques suggèrent qu’il peut s’agir d’une accumulation de gros grains de poussière. Carlos Carrasco-Gonzalez et ses collègues en ont même déterminé la masse, qui vaut entre 3 et 8 fois la masse de la Terre.
Images de HL Tau (ALMA à gauche, VLA à droite) Carrasco-Gonzalez, et al.; Bill Saxton, NRAO/AUI/NSF. |
L’interprétation selon laquelle ce sont des planètes en formation qui ont produit les espaces interstitiels dans le disque de HL Tau en « nettoyant » leur orbite a été souvent proposée, mais elle se trouve en difficulté du fait de l’âge très jeune de HL Tau. La présence de protoplanètes suffisamment massives pour être à même d’avoir déjà sculpté le disque de poussières paraît en effet peu plausible. Par ailleurs, il existe d’autres processus qui conduisent à la formation d’interstices dans un anneau de poussière sans avoir recours à la présence de planètes. Et la recherche intensive de planètes dans ces espaces interstitiels n’a jamais rien donné depuis la découverte de cette étonnante structure de HL Tau.
Ce que proposent Carlos Carrasco-Gonzalez et ses collaborateurs dans leur étude à paraître dans the Astrophysical Journal Letters, c’est que HL Tau n’aurait pas encore formé de planètes, mais serait tout juste en train de le faire, par la condensation de la matière dans ses anneaux de poussière. Le globule dense observé serait le premiers instant d’une planète en devenir. Les anneaux de poussière les plus internes de HL Tau sont très denses et massifs et peuvent facilement se fragmenter, d’après les chercheurs. Il est ainsi possible que chaque anneau finisse par former un ou plusieurs globules denses qui deviendront autant de planètes en accrétant de la masse dans leur voisinage.
Rien ne vaut une observation complémentaire pour interpréter correctement l’image d’un objet astrophysique, fut-elle d’une esthétique incomparable. De nouvelles études sont désormais en cours pour modéliser en détails le disque de HL Tau et essayer de montrer que le globule observé est en train de grossir en attirant à lui de la matière, et à quelle vitesse cet embryon de planète peut évoluer.
Source :
The VLA view of the HL Tau Disk - Disk Mass, Grain Evolution, and Early Planet Formation
Carlos Carrasco-Gonzalez et al.
The Astrophysical Journal Letters, à paraître
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