Une équipe d’astronomes a été
tout particulièrement soulagée d’apprendre le retour en fonctionnement normal
du télescope chasseur d’exoplanètes Kepler suite à sa mise en mode d’urgence impromptue apparue
au début du mois d’avril : l’équipe qui l’utilise pour trouver des
exoplanètes avec une nouvelle technique, les microlentilles gravitationnelles.
L’arrêt brutal du fonctionnement
de Kepler avait eu lieu seulement quelques heures avant le début de la campagne
d’observation des microlentilles gravitationnelles prévue pour durer 80 jours.
Tout étant désormais rentré dans l’ordre, cette campagne a enfin pu commencer.
Le télescope Kepler (NASA) |
L’effet de lentille
gravitationnelle existe à toutes les échelles. La masse d’une simple étoile est
suffisante pour défléchir suffisamment la lumière d’une étoile située plus loin
derrière elle pour que la luminosité de cette dernière soit augmentée
artificiellement. C’est ce qu’on appelle les microlentilles gravitationnelles.
Et le télescope Kepler est
capable de détecter des sursauts de luminosité si faibles qu’il devrait être
capable de déceler ce phénomène non seulement quand il est produit par des
étoiles, mais aussi par des planètes. C’est le passage d’une étoile (entourée
d’une ou plusieurs planètes) devant une
autre étoile située beaucoup plus loin, telle qu’elle est vue depuis la Terre,
qui permettra à Kepler d’observer ces phénomènes de microlentille en mesurant
l’évolution de la luminosité sur plusieurs semaines.
Le phénomène de microlentille
gravitationnelle a été utilisé dès les années 1980 pour rechercher des astres
sombres, des naines brunes. La recherche par cette méthode de corps plus petits
comme des planètes a été mise en œuvre à
la fin des années 1990 à partir de télescopes terrestres, comme le programme
OGLE (Optical Gravitational Lensing
Experiment) qui exploite les instruments de l’observatoire chilien de Las
Campanas. Les astrophysiciens doivent suivre des millions d’étoiles durant
plusieurs mois pour trouver un seul effet de microlentille. Et parmi ces événements
de microlentille, la très grande majorité (99%) est dûe à une étoile seule, le
pourcent restant montrant une courbe de lumière avec un petit pic accompagnant
le pic principal, qui signe la présence probable d’une planète.
Exemple d'une courbe de lumière d'une microlentille gravitationnelle produite par une étoile accompagnée d'une planète, le petit pic signe la présence de la planète (Caltech) |
Jusqu’à aujourd’hui, les télescopes
terrestres ont permis de trouver environ 60 exoplanètes par cette méthode, mais
les astronomes espèrent en trouver d’avantage avec Kepler.
On se souvient que Kepler a subi
une avarie de ses roues gyroscopiques en 2013, qui l’empêche désormais de se
positionner dans n’importe quelle position. Les ingénieurs de la NASA ont
trouvé le moyen de continuer à l’utiliser malgré son handicap, en le
stabilisant grâce au vent solaire, mais il doit du coup pointer toujours vers
la même direction, qui ne varie qu’en fonction des saisons. D’avril à juillet,
le champ de vue de Kepler se situe dans la direction du bulbe de notre
galaxie, peuplé de nombreuses étoiles, et donc un terrain de chasse idéal pour
débusquer des microlentilles gravitationnelles.
Et Kepler ne va pas travailler
seul : les astronomes ont eu l’idée d’utiliser le fait que Kepler se
trouve à plus de 100 millions de kilomètres de la Terre (sur une orbite autour
du Soleil), pour comparer ses mesures avec des mesures enregistrées par une
trentaine de télescopes terrestres répartis sur tous les continents.
L’observation des mêmes microlentilles simultanément avec Kepler et sur Terre
permettra de mesurer la distance du système planétaire qui en est la cause par
la mesure de parallaxe. Et les astronomes ont même prévu de faire mieux, car
avec un calcul de parallaxe plus complexe impliquant la comparaison des courbes
de lumière obtenues avec les différents télescopes, ils pourront déduire la
masse du système lentille (étoile+ planète).
Steve Howell, du Ames Research Center de la NASA, et membre
de la mission scientifique Kepler, estime que le télescope devrait permettre d’observer
durant cette campagne environ 100 microlentilles, dont la moitié pourraient
être dûes à des planètes vagabondes et l’autre moitié à des étoiles, dont seule
une petite fraction montrerait la présence de planètes en orbite.
Les chercheurs exploiteront tout
ce qu’ils trouveront avec Kepler, en attendant la mise en service vers 2025 du futur
télescope spatial WFIRST (Wide-Field
Infrared Survey Telescope), qui a d’ores et déjà les microlentilles dans son
programme de recherche d'exoplanètes, et qui pourrait révolutionner le domaine dans la prochaine décennie, dans les pas du pionnier Kepler.
Source :
Kepler enlists relativity to find planets
Daniel Clery
Science
29 Apr 2016: Vol. 352, Issue 6285, pp. 504-505
2 commentaires :
"l’équipe qui l’utilise pour trouver des exoplanètes avec une nouvelle technique, les microlentilles gravitationnelles."
Cette phrase porte à confusion, ici on parle d'une nouvelle technique en utilisant Kepler.
La 1ere découverte d'un exoplanète avec cette technique date de 2004.
La confusion n'est que courte durée car je parle d'OGLE un peu plus loin dans le texte...
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