10/10/16

Observation pour la première fois d'une asymétrie matière-antimatière dans la désintégration d'un baryon

Pour la première fois, une particule de type baryon, le Λb , montre des signes d'asymétrie entre matière et antimatière. Ce résultat vient d'être obtenu par l'expérience LHCb au CERN. Il s'agit de la première mesure du genre sur un baryon (les particules de la famille des protons et des neutrons), un phénomène encore jamais vu, et ouvre la voie vers l'explication de la domination de la matière sur l'antimatière dans l'Univers.





De précédentes expériences au CERN avaient pu montrer l'existence de différences entre particules et antiparticules associées sur des mésons K et B, des particules constituées d'un quark et d'un antiquark, mais encore jamais sur un baryon, composé de trois quarks/antiquarks.

Ce qu'ont vu les physiciens de LHCb, c'est une différence dans la symétrie CP, la symétrie de charge-parité, c'est à dire la symétrie qui change une particule en son antiparticule en opposant toutes ses charges et nombres quantiques (la symétrie C), et la symétrie de direction, la symétrie miroir (P). Lorsque la symétrie CP est violée, la matière et l'antimatière se comportent différemment. C'est dans la désintégration du Λb que les physiciens ont observé des indices de violation de la symétrie CP. Ils trouvent que les particules produites lors de la désintégration du  Λb (un proton et des mésons pi) sont émises avec un angle et une quantité de mouvement différents selon qu'il s'agit du Λb ou de son antiparticule.



Juste après la singularité initiale du Big Bang, la quantité de particules et de leurs antiparticules devait être égale. Mais à mesure que l'Univers évoluait, les lois de la physique auraient pu favorisé la matière à travers de la violation de la symétrie CP. L'antimatière aurait pu alors quasi disparaître. 
Le baryon Λb est un cousin du proton et du neutron. Il est composé des mêmes quarks que le proton sauf un quark u (up) qui est remplacé par un quark b (beauty). Le modèle standard des particules inclut certaines violations de CP, mais elles concernent de trop rares particules pour pouvoir expliquer le ratio matière/antimatière observé. C'est pour cela que les physiciens cherchent ardemment d'autres pistes de violations de CP, notamment avec le détecteur LHCb du CERN. 
Le niveau de signification statistique associé au processus observé par LHCb montrant une asymétrie dans la désintégration du Λb en un proton et trois pions est de 3,3 sigmas, ce qui commence à être très significatif.
Ces résultats, dont les détails doivent être publiés sous peu dans la revue Nature Physics, viendraient ainsi confirmer les signes d'asymétrie déjà observés chez certains mésons, et pourraient peut-être révéler à terme de vrais écarts vis à vis des prédictions du modèle standard et pourquoi pas fournir enfin une réponse au mystère de l'absence de l'antimatière.


Source : 

Measurement of matter-antimatter differences in beauty baryon decays
LHCb collaboration
à paraître dans Nature Physics
https://arxiv.org/pdf/1609.05216v1.pdf (16 septembre 2016)

Illustrations :

1) Diagrammes de Feynman de la désintégration du baryon Λb

2) Le détecteur LHCb (CERN)

3 commentaires :

Thomas a dit…

Je pensais qu'un indice de confiance statistique de 3.3 sigmas n'était pas suffisant pour affirmer qu'il s'agit bien d'une découverte en physique des particules ?

Dr Eric Simon a dit…

Vous avez tout à fait raison et vous aurez sans doute remarqué qu'on n'utilise jamais le mot "découverte" ici. C'est une observation qui donne un signe du processus, mais paq clamée comme découverte. ..
Il s'agit d'une petite subtilité. ..

Thomas a dit…

Bien reçu, mais je trouve quand même cela étrange que ce résultat soit publié (qui plus est dans Nature Physics) quand on repense à la fausse détection de la fameuse particule X annoncée en décembre 2015, celle-ci s'étant finalement avérée être une fluctuation statistique. En effet, l'indice de confiance statistique correspondant atteignait alors "4.4 sigmas en combinant les données d'Atlas, de CMS, et des années passées" (cf. article Pour la science sur le sujet). Dans le cas présent de cette observation d'une asymétrie matière-antimatière, le CERN prend donc le risque de se contredire dans le futur ?