Il s'agit d'une masse de données considérable. La collaboration exploitant le télescope spatial Gaia vient de rendre public aujourd'hui le deuxième jeu de données astrométriques de Gaia après une première publication préliminaire en septembre 2016. C'est aujourd'hui 1,7 milliards d'étoiles de notre Galaxie qui sont mesurées avec précision pour leur position et 1,3 milliards pour leur distance et leur mouvement propre.
Cette publication de données était très attendue par toute la communauté astronomique, car la connaissance non seulement des caractéristiques physiques des étoiles (luminosité et couleur) mais aussi de leur position exacte et de leur vitesse, sont des paramètres très importants pour comprendre de nombreux autres phénomènes dans notre Galaxie. Ces données sont basées sur 22 mois d'enregistrements, entre 2014 et 2016 (Gaia a été lancé en décembre 2013). Le décompte de cette seconde livraison de données donne presque le tournis :
- Position et luminosité : 1,7 milliards d'étoiles
- Couleur : 1,4 milliards d'étoiles
- Distance et mouvement propre : 1,3 milliards d'étoiles
- Température de surface : 163 millions d'étoiles
- Effet de la poussière interstellaire : 87 millions d'étoiles
- Rayon : 77 millions
- Vitesse radiale : 7 millions
- Variation de luminosité et couleurs : 500000 étoiles (variables)
Des analyses préliminaires de ces données révèlent des détails sur la population stellaire de notre Voie Lactée, surtout sur leur mouvement. Gaia parvient à séparer le mouvement de parallaxe des étoiles les plus proches et leur mouvement propre dans la Galaxie. Et pour les 10% les plus précises des mesures de parallaxe, les astronomes arrivent à estimer directement la distance des étoiles individuelles.
Pour comparaison, le précédent satellite astrométrique qui avait été lancé il y a une trentaine d'année, déjà par l'ESA, avait catalogué seulement 118000 étoiles.
Et Gaia n'a pas seulement mesuré des étoiles de notre Galaxie, mais aussi des petits corps situés dans notre système solaire, pas moins de 14000 astéroïdes, ce qui permet de calculer très précisément leur orbite.
Mais Gaia a aussi mesuré des objets très très lointains, bien au-delà de notre Galaxie. Il a mesuré les positions d'environ 500 000 quasars (des noyaux actifs de galaxie énergisés par un trou noir supermassif). Ces quasars lointains sont utilisés comme référentiel pour les coordonnées célestes de tous les objets du catalogue de Gaia. C'est la première fois qu'une telle référence sur des quasars est effectuée dans le domaine visible (elle était couramment faite auparavant dans le domaine des ondes radio).
Les données de Gaia sur les étoiles de notre galaxie sont d'une qualité si exceptionnelle que d'ores et déjà, avant même de futures études qui les exploiteront, les chercheurs ont construit le diagramme de Herzprung-Russell le plus détaillé jamais fait sur la totalité du ciel. Les astronomes de la grande collaboration Gaia (450 chercheurs, ingénieurs et techniciens) peuvent déjà pointer certaines tendances intéressantes. Le diagramme H-R positionne les étoiles en fonction de leur luminosité et de leur couleur. Ce diagramme est un outil fondamental en astrophysique pour étudier les populations d'étoiles et leur évolution. Le nouveau diagramme H-R bâti à partir des données de Gaia est fondé sur 4 millions d'étoiles situées à une distance maximale de 5000 années-lumière du Soleil. En regardant de près, les chercheurs ont trouvé la signature de plusieurs types de naines blanches qui peuvent ainsi être différenciées : celles qui sont encore riches en hydrogène et celles qui sont riches en hélium.
Avec ce nouveau diagramme H-R, les chercheurs peuvent également, en le combinant avec les données de position et de vitesse, trier les populations d'étoiles en fonction de leur âge et de la région où elles se situent (disque galactique ou halo). Les astrophysiciens ont ainsi pu constater une chose étonnante qui méritera un approfondissement : les étoiles possédant une grande vitesse et se trouvant dans le halo galactique semblent former deux populations distinctes qui auraient une origine ou une formation différentes.
Pour une certaines quantité d'étoiles relativement proches, Gaia a pu mesurer leur vitesse en trois dimensions, ce qui montre des structures particulières dans les mouvements de ces étoiles qui tournent pourtant toutes à des vitesses similaires. Des études futures devront se pencher sur ces particularités pour savoir si elles seraient liées à la présence d'une barre galactique (une surdensité d'étoiles de forme allongée au centre du disque), ou bien à l'architecture des bras spiraux. Elles pourraient également être liées à l'interaction passée de petites galaxies qui auraient fusionné avec la Voie Lactée il y a plusieurs milliards d'années.
Et ce n'est pas tout! La grande précision des mesures astrométriques de Gaia permet aussi de voir les mouvements des étoiles à l'intérieur de certains amas globulaires, et des galaxies satellites que sont le Grand Nuage et le Petit Nuage de Magellan, et même de galaxies proches, à l'image de la galaxie d'Andromède. Gaia a permis de déduire les orbites de 75 amas globulaires et 12 galaxies naines, ce qui offre au passage des informations cruciales pour l'étude de l'évolution de notre Galaxie et de son environnement proche, y compris les effets gravitationnels compris ou encore incompris, reliés à la présence de matière noire par exemple.
On le voit, les données de Gaia sont extrêmement riches pour la communauté astronomique. Les spécialistes ont désormais suffisamment de données pour travailler de nombreuses années dans divers domaines et faire des découvertes insoupçonnées. Mais Gaia n'a pas encore fini son impressionnant catalogue. La mission a été prolongée au moins jusqu'à la fin 2020 alors qu'elle était prévue pour s'arrêter mi-2019. Le catalogue définitif, encore plus riche, devrait être publié dans cinq ans.
Vous pouvez retrouver toutes les données de Gaia (ainsi que des visualisations démentes) sur le site du CDS de Strasbourg ici : http://cdsweb.u-strasbg.fr/gaia
Vous pouvez retrouver toutes les données de Gaia (ainsi que des visualisations démentes) sur le site du CDS de Strasbourg ici : http://cdsweb.u-strasbg.fr/gaia
Sources
Gaia Data Release 2. Summary of the contents and survey properties
Gaia Collaboration: A. G. A. Brown, A. Vallenari, T. Prusti, J. H. J. de Bruijne, et al.
Astronomy&Astrophysics, Accepted: 14 April 2018
Illustrations
ESA/Gaia/DPAC
1) Carte du ciel entier
2) La galaxie d'Andromède (M31)
3) Diagramme de Herzsprung-Russell construit à partir des données de Gaia
4) Le Petit Nuage de Magellan, accompagné de l'amas globulaire 47 Tucanae
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