En 2001 a pu être observée une supernova d'un type assez rare : une supernova de type IIb (SN2001ig), une supernova dite à enveloppe dépouillée. 17 ans plus tard, des astronomes viennent de mettre en évidence l'étoile compagne qui est à l'origine de ce dépouillement, et qui a survécu à la violente explosion de sa compagne d'infortune.
SN2001ig a eu lieu dans la galaxie NGC 7424 située à 40 millions d'années-lumière. L'astronome australien Stuart Ryder (Australian Astronomical Observatory, Sydney,) et son équipe ont voulu observer l'endroit précis de cette explosion plus de 15 ans après pour essayer de trouver une étoile compagne qui aurait survécu.
Peu de temps après sa découverte, la supernova avait été observée de près avec le Very Large Telescope en 2002, puis ce fut au tour du telescope Gemini South en 2004. C'est à ce moment que les astronomes eurent un indice de la présence d'une étoile compagne survivante. Mais il fallut attendre que la luminosité de la supernova soit quasi disparue pour repointer un nouvel instrument vers cette position. Ryder et ses collègues ont obtenu du temps de télescope sur le HST en 2016 pour faire des observations dans l'ultra-violet. Ils publient aujourd'hui leurs résultats dans The Astrophysical Journal.
Les astrophysiciens observent bien une étoile exactement là où a explosé SN2001ig, il ne s'agit bien sûr pas du résidu de l'étoile explosée, mais de l'étoile qui l'accompagnait avant son explosion, et qui a survécu au choc. Mais c'est surtout l'étoile responsable de l'explosion de sa compagne. Les chercheurs estiment que cette étoile a en effet siphonné presque tout l'hydrogène de l'enveloppe de sa compagne. Et avant de lui accaparer son hydrogène, plusieurs millions d'années avant l'explosion, elle aurait provoqué des instabilités sur l'étoile moribonde, causant des éruptions massives éjectant un cocon massif de gaz. Il n'en fallait pas plus pour que cette étoile massive dépouillée de la quasi totalité de son enveloppe finisse par exploser sous la forme d'une supernova de type IIb.
Ce type de supernova a été identifié pour la première fois en 1987 par l'astronome américain Alex Filippenko, qui co-signe cet article.
Le processus de dépouillement de l'enveloppe précédent ces supernovas n'est pas encore très clair; Les chercheurs pensaient initialement qu'il n'y avait pas besoin d'une étoile compagne et que seule, une étoile massive pouvait produire suffisamment d'éruptions et de vents intenses pour souffler elle-même son enveloppe d'hydrogène. Mais des étoiles capables de faire ça devraient être à la fois très massives et très brillantes, et de telles étoiles se trouvaient être extrêmement rares, bien plus rares que le nombre, déjà faible, des supernovas de type IIb. Dans ce scénario, le nombre de supernovas de type IIb était bien trop élevé par rapport à ce qui était attendu. Un nouveau scénario a donc été proposé au fil des années, faisant intervenir des étoiles moins massives, mais surtout accompagnées dans un système binaire par une étoile capable d'arracher de grosses quantités de l'enveloppe de la future supernova.
C'est pour prouver ce scénario que Stuart Ryder est ses collaborateurs se sont intéressés à SN2001ig. L'observation n'a pas été aisée car la luminosité de l'étoile compagne est très très faible à 40 millions d'années-lumière. Seul le télescope Spatial Hubble était à même de résoudre une telle étoile avec une précision suffisante, et les chercheurs pensent qu'ils étaient à la limite de ce que peut offrir le HST.
En 2014, une autre tentative avait été effectuée avec Hubble sur une autre supernova de type IIb (l'archétype SN 1993J, dans la galaxie M81), mais elle n'avait pu que produire un spectre et non une image d'une étoile compagne. C'est donc aujourd'hui la première fois qu'est imagée la compagne survivante d'un système binaire ayant connu une supernova, qui plus est, une étoile qui est à l'origine de l'explosion de sa compagne.
Ryder estime qu'environ la moitié des supernovas de type IIb pourraient avoir été produites de cette façon dans un système binaire, l'autre moitié étant produite par des étoiles seules expulsant violemment leur enveloppe de gaz.
D'après les chercheurs, l'étoile progénitrice de SN2001ig était dépouillée de son enveloppe à 90% "seulement", ils se sont ainsi mis à la recherche de supernovas de type IIb produites par des étoiles dépouillées à 100%. L'intérêt de ces étoiles complètement dépouillées est que leur enveloppe aurait été éjectée depuis longtemps au moment de l'explosion, donc un cocon plus éloigné et moins dense, ce qui induit l'absence d'onde de choc importante et donc un affaiblissement de la luminosité plus rapide de la supernova; l'étoile compagne survivante commencerait à pouvoir être visible seulement 2 à 3 ans après l'explosion. Evidemment, le futur télescope spatial Webb pourra être d'un grand secours dans cette quête.
Source
Ultraviolet Detection of the Binary Companion to the Type IIb SN 2001ig
Stuart D. Ryder, Schuyler D. Van Dyk, Ori D. Fox, Emmanouil Zapartas, Selma E. de Mink, Nathan Smith, Emily Brunsden, K. Azalee Bostroem, Alexei V. Filippenko, Isaac Shivvers
The Astrophysical Journal, Volume 856, Number 1 (27 mars 2018)
Illustration
Images de la supernova SN2001ig (par le VLT en 2002), puis par Gemini South en 2004 (encadré au centre) et image de l'étoile compagne par le HST en 2016 (encadré à droite) (NASA, ESA, S. Ryder (Australian Astronomical Observatory), and O. Fox (STScI))
3 commentaires :
Bonjour,
Comment les chercheurs s'assurent-ils qu'il s'agit de l'étoile compagne et pas d'une étoile en arrière plan?
Bonne question. En arrière plan ou en avant plan d'ailleurs. En fait, le premier critère est la distance. Il l'évaluent à partir de la magnitude absolue qu'ils déterminent via la température de l'étoile (entre 19000 et 22000 K) et donc son type, une étoile de type B sur la séquence principale (avec le diagramme HR). Cette distance est cohérente avec la distance de la galaxie mais cette dernière n'est pas connue avec une grande précision (entre 10,9 et 11,5 Mpc). L'étoile pourrait donc se trouver dans la galaxie NGC7424 mais légèrement devant ou derrière le site de la supernova. Mais le spectre de cette étoile a tous les traits d'une étoile d'un système binaire qui aurait récupéré du gaz de sa compagne explosée (mesure via sa métallicité, montrant un peu trop d'hydrogène pour son type), et en plus, elle montre une raie de l'hélium très rare pour son type (la raie He II à 4686 A) qui ne peut être due qu'à l'interaction avec le résidu de la supernova (enveloppe d'hélium éjectée). Ensuite, tout est une question de probabilités. Elle n'est pas de 100% mais pas loin.
Merci pour cette explication
Enregistrer un commentaire