Les quatre satellites Galiéens de Jupiter : Europe, Io, Ganymède et Callisto ont dû se former dans un disque de matière qui entourait une Jupiter naissante, mais l'origine exacte des briques qui ont formé ces gros satellites reste une inconnue. Une équipe d'astronomes français vient de montrer que l'autre planète géante, Saturne, pourrait avoir joué un rôle clé dans cette histoire...
La naissance de Jupiter dans le disque protoplanétaire du Soleil il y a 4,5 milliards d'années s'est faite par l'ouverture d'un interstice dans le disque circumsolaire et l'accrétion de matière autour d'une surdensité. L'ouverture d'un tel intervalle a dû permettre d'isoler Jupiter très efficacement, mais cela a dû également produire un grand réservoir de petits corps solides, des planétésimaux, sur la partie externe de l'interstice, où ils se seraient accumulés au cours des dizaines de millions d'années et restés bloqués sans pouvoir se rapprocher de la jeune Jupiter. Difficile dans cette situation de comprendre comment les satellites de Jupiter ont pu se former.
Thomas Ronnet, doctorant au Laboratoire d'Astrophysique de Marseille (Université Aix-Marseille) et ses collègues de l'équipe Systèmes Planétaires, se sont intéressés à ces planétésimaux du bord de l'interstice et si par hasard, ils ne pourraient pas expliquer la formation des gros satellites Joviens via un mécanisme particulier. Ils ont effectué pour cela de nombreuses simulations hydrodynamiques du disque de petits corps qui peuplaient alors le système solaire naissant. Les chercheurs montrent que la formation du cœur de Saturne à partir de ce réservoir de planétésimaux ou bien sa brusque migration vers l'intérieur du système solaire, produit une grande redistribution de ces planétésimaux justement vers l'orbite de Jupiter, et même plus loin vers la région interne du système solaire. L'influence de Saturne aurait suffi non seulement pour fournir suffisamment de matériau autour de Jupiter pour former ses gros satellites, mais aussi pour peupler la Ceinture d’astéroïdes principale, située entre Mars et Jupiter.
Ronnet et son équipe trouvent que l'orbite des planétesimaux qui se retrouvent capturés dans l'orbite de Jupiter, dans ce qui était le disque circumjovien, subissent d'intenses frictions avec le gaz présent, ce qui produit un système compact de blocs solides dont la dimension est comparable à l'extension radiale des quatre satellites galiléens. Les calculs montrent en plus que Saturne aurait pu également aider à diffuser de grandes quantités de glace vers les régions internes du système solaire, l'enrichissant en eau.
Ce qu'implique cette découverte par simulation que Saturne aurait joué un rôle important dans la formation des satellites massifs de Jupiter, c'est que les mêmes mécanismes doivent exister ailleurs dans d'autres systèmes stellaires. Les gros satellites d'exoplanètes gazeuses du type de Jupiter ne pourrait exister que dans des systèmes à planètes géantes multiples.
La présence de planètes géantes semblent donc avoir le pouvoir de modeler des systèmes planétaires entiers, à commencer par la distribution de leurs petits corps. Reste maintenant à tester ces calculs en allant analyser la composition des satellites joviens in situ pour voir si leur composition ressemble à celle des astéroïdes de la Ceinture principale. Les futures missions autour de Jupiter JUICE (Jupiter Icy moons Explorer) et Europa Clipper devraient fournir quelques réponses.
Source
Saturn's formation and early evolution at the origin of Jupiter's massive moons
Thomas Ronnet, Olivier Mousis, Pierre Vernazza, Jonathan I. Lunine, Aurélien Crida
accepté pour publication dans The Astrophysical Journal
Illustration
Les quatre satellites joviens imagés par la sonde Galileo, à l'échelle par rapport à Jupiter (ESA)
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