Il ne s'agit pas d'une supernova, mais bien d'une étoile normale, même si c'est une supergéante bleue très brillante. Surnommée Icarus, cette étoile, faisant partie d'une galaxie située à 9 milliards d'années-lumière (distance lumière), s'est retrouvée par hasard quasi parfaitement alignée avec une étoile qui a produit une lentille gravitationnelle multipliant sa luminosité par un facteur 2000.
C'est avec le télescope spatial Hubble que cette observation a eu lieu par hasard. L'équipe de Patrick Kelly (Université du Minnesota) observait une supernova (nommée SN Rfsdal) dédoublée par l'effet de lentille gravitationnelle produit par une grosse galaxie de l'amas nommé MACS J1149+2223, quand ils ont aperçu à proximité ce qui ressemblait à une nouvelle étoile apparue sur les images de 2016 alors qu'elle n'existait pas en 2011. La première réaction était de penser qu'il s'agissait d'une supernova, mais l'analyse spectrale de ce nouvel objet à révélé une belle surprise aux astronomes américains : il s'agissait d'une étoile tout à fait normale, son spectre la classant dans la catégorie des étoiles de type B : une supergéante bleue. Ce n'est pas l'amas de galaxie qui est à l'origine de la lentille gravitationnelle responsable de l'apparition soudaine de cette étoile, ce type de lentille ne peut magnifier la luminosité d'un objet lointain que par un facteur de l'ordre de 50. Pour que cette étoile individuelle puisse être rendue visible de la sorte, c'est au contraire un objet de beaucoup plus faible masse qui doit être à l'origine de la lentille gravitationnelle, de quelques masses solaires seulement, capable de multiplier l'intensité de la lumière par un facteur de plusieurs milliers. En revanche, il a dû s'agir d'un alignement presque parfait entre Icarus, l'étoile lentille et la Terre.
Il est normalement impossible de distinguer des étoiles individuelles situées dans des galaxies lointaines, seul un phénomène de focalisation de type lentille gravitationnelle peut permettre une telle observation. Icarus est ainsi la toute première étoile individuelle qui est observée par l'amplification de sa lumière par lentille gravitationnelle, et elle ouvre des perspectives plus qu'intéressantes pour les astrophysiciens.
Kelly et ses collaborateurs publient leur étude aujourd'hui dans Nature Astronomy. Ils montrent que les caractéristiques spectrales de MACS J1149+2223 Lensed Star 1 (alias Icarus) collent parfaitement avec ce qu'on attend pour une supergéante bleue de 12000 K. Les modèles de lentille qu'ils ont développé indiquent que l'étoile responsable doit avoir environ la masse du Soleil et fait partie d'une galaxie de l'amas MACS J1149+2223. L'amplification lumineuse n'a duré qu'un temps assez court, correspondant à l'alignement fortuit avec Icarus et la Terre au cours du mouvement des unes et des autres et l'amplification correspondante a atteint un facteur d'environ 2000, sachant que la luminosité intrinsèque d'une supergéante bleue peut dépasser plusieurs milliers de fois celle du Soleil. Mais il fallait bien une telle amplification vu sa distance considérable.
Les astrophysiciens ont également profité de cette observation inédite pour tester un modèle de matière noire : celui faisant intervenir la présence d'une multitude de trous noirs primordiaux faisant un dizaines de masses solaires et qui peupleraient les galaxies. Leur présence éventuelle devrait produire des fluctuations sur la luminosité amplifiée de Icarus, ce que les chercheurs ne voient pas du tout. Ils rejettent donc cette hypothèse de trous noirs primordiaux comme source de matière noire.
Quand le télescope spatial Webb sera en orbite, à partir de 2020, les observations de ce type de lentilles sur des étoiles individuelles devraient se multiplier.
Source
Extreme magnification of an individual star at redshift 1.5 by a galaxy-cluster lens
P. Kelly et al.
Nature Astronomy, en ligne (2 avril 2018)
Illustrations
1) Localisation de Icarus dans les images de MACS J1149+2223 obtenues avec Hubble (NASA, ESA, and P. Kelly (University of Minnesota))
2) Principe d'une lentille gravitationnelle d'une étoile par une autre étoile (CSPLH).
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