Vous vous
souvenez certainement de cette gigantesque tempête de poussière qui a recouvert
la totalité de la planète Mars en 2018. Déterminer comment de telles tempêtes
globales se forment et se développent est un challenge majeur pour la
météorologie martienne. Une équipe américaine publie aujourd’hui ses résultats
de modélisation de la tempête de 2018 combinant des observations satellitaires avec
un modèle climatique global.
Des tempêtes de poussière globales apparaissent sur Mars environ toutes les trois années martiennes, ou si on préfère environ tous les 5 ans terrestres. Elles durent généralement plusieurs mois d’affilée. Les premières observations de tempêtes de poussière massives sur Mars remontent à 1924 mais la première pour laquelle nous avons pu acquérir des données multiples en 3 dimensions (température et opacité de la poussière) était celle de l’année martienne notée 25 (MY 25), et qui a débuté en juin 2001. Par convention l’année martienne 1 débute le 11 avril 1955. Cette tempête a été scrutée grâce aux instruments Mars Orbital Camera (MOC) et Thermal Emission Spectrometer (TES), embarqués sur la sonde Mars Global Surveyor.
Une autre
tempête globale a été observée mais moins en détails, c’était celle de l’année
martienne 28 (2006-2007) grâce aux instruments THEMIS (Thermal Emission
Imaging System) et MCS (Mars Climate Sounder) à bord de Mars
Reconnaissance Orbiter (MRO). C’est également avec le MCS de MRO, associé
au rover Curiosity, que la grande tempête de l’année martienne 34 (2017-2018)
a été observée avec précision et qui a donné les riches données exploitées par
les planétologues Hartzel Gillespie (Pennsylvania State University) et ses
collaborateurs.
La grande
quantité de poussière qui est soulevée du sol peut provoquer un obscurcissement
très important sur de longues périodes. C’est ainsi que le rover Opportunity
qui survivait encore après de longues années sur le sol de la planète rouge, a
vu la puissance électrique de ses panneaux solaires chuter lourdement lors de
cette tempête de 2018, ce qui l’a empêché de recharger ses batteries et a mis
fin à sa mission.
Ce type
de tempêtes a d’autres conséquences très importantes : elles produisent
une augmentation de la température atmosphérique moyenne à cause de l’absorption
de la lumière solaire par les aérosols. Cette augmentation de température
provoque alors une expansion de l’atmosphère qui induit à son tour une
variation de densité. Tous ces effets doivent être pris en compte précisément pour
prévoir l’arrivée éventuelle d’un engin spatial qui doit utiliser l’aérofreinage
de l’atmosphère pour espérer atterrir sur Mars en un seul morceau. Aujourd’hui,
on ne sait toujours pas pourquoi ce sont seulement certaines tempêtes
régionales, qui existent chaque année, qui deviennent globales en s’étendant
sur l’ensemble de la planète rouge.
Lors de
la grande tempête de 2018, la poussière avait rapidement encerclé tout l’hémisphère
nord de Mars et les spécialistes pensaient que ce phénomène pouvait être causé
soit par la formation de multiples centres de soulèvement le long de l’encerclement,
ou bien de l’advection de poussière à partir de centres de soulèvement actifs situés
ailleurs que sur le chemin principal de la tempête.
Hartzel
Gillespie et ses collègues ont utilisé un modèle atmosphérique appelé Ensemble
Mars Atmosphere Reanalysis System (EMARS). Il exploite une réanalyse de
données archivées, comme des mesures de température ou de densité de poussière,
associées à des simulations numériques de l’atmosphère. Leur modèle permet de
produire des champs de vents en 3D ainsi que leur évolution dans le temps. A
partir des cartes de vent, les chercheurs déduisent alors les mouvements de
particules à partir du sol, ce qu’on appelle l’advection.
Et Gillespie
et ses collaborateurs arrivent grâce à leur modélisation à une conclusion un
peu différente des processus imaginés pour les tempêtes précédentes. Selon eux,
une grande partie de la tempête de 2018 (au moins 16% de la poussière qui a
circulé durant les premiers sols (jours martins) provient d’un site unique :
le centre de soulèvement initial qui est situé à proximité de la formation Chryse
Planitia, et qui se trouve également à proximité de là où stationne Opportunity
pour l’éternité.
Les
planétologues expliquent dans leur étude comment a pu se développer cette
énorme tempête de poussière à partir d’un seul site. Les données réelles
assimilées par le modèle numérique indiquent que la poussière a été entrainée
dans un courant atmosphérique qu’on appelle la circulation de Hadley, en lien avec
des ondes thermiques, puis elle aurait ensuite été entrainée plus haut, jusqu’à
60 km d’altitude, dans le jet polaire circulant d’est en ouest dans l’hémisphère
nord martien.
L’analyse
n’exclut toutefois pas qu’une partie de la tempête soit dûe à de multiples
centres de soulèvement.
Gillespie
et ses collaborateurs se sont avant tout intéressés au tout début de la grande
tempête de 2018, et leur modèle EMARS peut être utilisé maintenant pour étudier
la tempête dans sa totalité, et pour la comparer à la fois avec d’autres
tempêtes globales, passées ou futures aini qu’avec des tempêtes régionales de
plus faible ampleur.
Source
An investigation of the encirclement of Mars by dust
in the 2018 global dust storm using the Ensemble Mars Atmosphere Reanalysis
System (EMARS)
H.E. Gillespie
S.J. Greybush R.J. Wilson
Journal of Geophysical Research (30 April 2020)
Illustration
Mars imagée à 1 mois d'intervalle avant et pendant la grande tempête globale (28 mai - 1er juillet 2018) (NASA/JPL)
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire