15/06/20

Le vert de l'oxygène observé dans l'atmosphère de Mars pour la première fois


On savait que les martiens étaient verts de peau, on savait moins que la fine atmosphère de la planète rouge pouvait aussi arborer une belle couleur verte. C'est la sonde ExoMars Trace Gas Orbiter qui a détecté pour la première fois cette longueur d'onde caractéristique de l'émission de l'oxygène. Une étude parue dans Nature Astronomy.




C'est la première fois que l'émission de lumière verte caractéristique de l'oxygène, est vue ailleurs que dans l'atmosphère terrestre. Sur Terre, c'est surtout lors des aurores polaires que l'on peut voir cette lumière particulière, lorsque des électrons énergétiques viennent ioniser les hautes couches atmosphériques.
Mais il n'y a pas que lors des aurores que les atmosphères planétaires peuvent réémettre de la lumière dans différentes longueur d'onde. L'impact de la lumière solaire à elle seule peut induire une rémanence des molécules du gaz atmosphérique, oxygène et azote. Et même durant la nuit, des lueurs peuvent apparaître à la faveur de recombinaisons entre molécules. 
Sur Terre, en dehors des aurores, c'est avant tout en orbite que la faible luminosité verte peut être observée, au niveau du limbe atmosphérique.
La sonde européenne Trace Gas Orbiter est en orbite de Mars depuis octobre 2016. Jean-Claude Gérard (Université de Liège) et ses collaborateurs ont exploité les données de sa suite instrumentale NOMAD (Nadir and Occultation for Mars Discovery) qui inclut la spectromètre UVIS (ultraviolet and visible spectrometer). Alors qu'il est normalement pointé vers le sol de Mars (le nadir), les chercheurs ont eu la bonne idée de pointer le spectromètre dans une direction orthogonale, vers le limbe atmosphérique de Mars. Les chercheurs ont ainsi pu scanner une vaste région d'altitudes comprises entre 20 et 400 km de la surface de la planète rouge deux fois par orbite. La raie de l'oxygène à 557,7 nm (vert) apparaît clairement dans les spectres et est maximale à une altitude de 80 km, avec un second pic à 120 km. Sur Terre, elle est visible essentiellement à 90 km d'altitude. 
A côté de cette intense raie dans le visible (verte), une autre raie de l'oxygène est visible, dans l'ultra-violet à 297.2 nm, mais 16,5 fois moins intense, ce qui résout au passage une petite controverse parmi les spectroscopistes. Les astrophysiciens montrent également que l'intensité de la raie verte varie en fonction de la distance de Mars au Soleil.

Ils ont également modélisé l'émission de l'oxygène pour comprendre comment elle se produisait, le résultat indique une contribution importante d'un mécanisme dans lequel les molécules de dioxyde de carbone sont cassées en deux par photodissociation induite par le rayonnement UV du Soleil : monoxyde de carbone (CO) et oxygène (O).
Ces observations sont cohérentes avec les modèles théoriques développés il y a déjà 40 ans au sujet de l'atmosphère martienne, mais cette luminosité verte est beaucoup plus intense que celle observée dans l'atmosphère terrestre. 
L'étude de la luminosité rémanente des atmosphères planétaires fournit des informations très riches sur la composition ou la dynamique des atmosphères. Elle permet d'entrevoir comment l'énergie du Soleil (photons ou protons du vent solaire) est déposée dans les couches atmosphériques. La compréhension de ces processus est fondamentale pour caractériser les phénomènes atmosphériques comme les aurores. En détaillant la structure et le comportement de la lumière verte de Mars, Gérard et ses collaborateurs parviennent ainsi à explorer une zone d'altitude encore mal connue.
La compréhension des propriétés de l'atmosphère de Mars n'est pas seulement intéressante en elle-même, elle est aussi importante pour les futures missions martiennes. La densité atmosphérique dans les différentes couches de la planète rouge est par exemple un paramètre clé pour éviter de faire crasher des sondes envoyées vers Mars, notamment le futur rover européen ExoMars en 2022...

Source

Detection of green line emission in the dayside atmosphere of Mars from NOMAD-TGO observations
J.-C. Gérard, et al.
Nature Astronomy (15 June 2020)

Illustrations

1) La lumière verte atmosphérique observée autour de la Terre depuis l'ISS (NASA)

2) Spectre enregistré par le spectromètre UVIS de TGO sur l'atmosphère de Mars (Gérard et al.)

Aucun commentaire :