mercredi 25 août 2021

Détection d'un FRB répétitif avec des ondes radio de basse fréquence


Le sursaut rapide d'ondes radio répétitif FRB 20180916B vient d'être observé simultanément dans deux gammes de fréquences très différentes et pour la première fois aussi bas que 110 MHz. On en découvre un comportement légèrement différent en fonction de la fréquence, de quoi éliminer certains scénarios. L'étude paraît cette semaine dans Nature.

Les FRB (Fast Radio Bursts) sont des flashs d'ondes radio très courts, ils ne durent qu'environ quelques millisecondes. L'énergie requise pour former de tels sursauts radio rapides doit être extrêmement élevée et leur nature exacte est encore mal comprise. Il semble qu'il existe deux familles de FRB : ceux qui ont montré un unique sursaut et ceux qui se répètent, et parmi ceux qui se répètent, un certain nombre ont une répétition périodique : ils produisent des sursauts durant une certaine période, qui est suivie par une période calme où n'apparait aucun sursaut. 
C'est le cas de FRB 20180916B dont l'activité est modulée avec une période de 16,35 jours. Certains modèles cherchant à expliquer le phénomène périodique font intervenir un magnétar, une étoile à neutron hyper magnétisée qui pourrait subir une précession et d'autres invoquent un couple d'étoiles à neutrons, dans lequel le vent stellaire associé à l'orbite pourrait être à l'origine de la périodicité observée. 
Le fait d'observer les sursauts radio de FRB 20180916B simultanément à 1,4 GHz environ avec le réseau Apertif et entre 110 et 190 MHz avec LOFAR a permis à Inés Pastor-Marazuela (ASTRON, Université d'Amsterdam) et à ses collaborateurs de mieux cerner ce qui se passe physiquement lors d'un burst. Si c'est bien un couple qui est en jeu avec un fort vent stellaire de la compagne de l'étoile à neutrons produisant l'émission ultra-rapide, on s'attendrait à voir une très forte atténuation du signal dans les plus grandes longueurs d'ondes (les plus basses fréquences, ici aux environ de 150 MHz), les hautes fréquences, elles, devant traverser beaucoup plus facilement le vent stellaire. 
Mais ce n'est pas du tout ce qu'on observé les chercheurs. Ils ont certes observés une série de sursauts qui se trouvaient tous plus "bleus", mais ils ont été suivis trois jours plus tard par une autre série de sursauts qui étaient à l'inverse plus "rouges" (à plus basse fréquence). Le modèle des étoiles à neutrons binaires avec vent stellaire a donc pas mal de plomb dans l'aile. 
Cela signifie que certains sursauts radio répétitifs doivent exister dans un environnement assez propre où le milieu interstellaire à proximité de la source n'absorbe que très peu le rayonnement produit. C'est une donnée très intéressante pour les astrophysiciens qui commencent à utiliser les FRB comme des chandelles pour éclairer le milieu intergalactique afin de le caractériser.  
Accessoirement, cette observation renforce l'autre famille de modèles développés pour expliquer le phénomène FRB qui sont fondés sur une étoile à neutrons isolée en rotation lente et hypermagnétisée, un magnétar, qui doit connaître des séismes dans sa croûte de manière récurrente. 

C'est surtout la première fois qu'on détecte des sursauts radios à des fréquences aussi basses que 110 MHz. On était descendus jusqu'à 300 MHz jusqu'à présent. Et c'est grâce au réseau de radiotélescopes LOFAR (Low Frequency Array) qui est un réseau transeuropéen d'antennes, dont le cœur est situé à Exloo, aux Pays-Bas. LOFAR fonctionne en combinant les signaux de plus de 70 000 dipôles individuels, situés dans des stations situées aux Pays-Bas et dans d'autres pays européens. Les stations sont reliées entre elles par un réseau de fibres optiques à haut débit et de puissants ordinateurs traitent les signaux afin de simuler une antenne radio unique qui s'étendrait sur plus de 2000 kilomètres. Le télescope international LOFAR est unique par sa sensibilité, son large champ de vision et la résolution de ses images. 
Le second observatoire qui a été utilisé en simultané mais à plus haute fréquence est le réseau néerlandais WSRT-Apertif (Westerbork Synthesis RadioTelescope - APERture Tile In Focus). Construit il y a 50 ans, ses 14 paraboles sont alignées sur 2,7 km seulement. Il a le grand avantage de pouvoir observer une grande zone du ciel en une seule fois.
En combinant leurs résultats (9 sursauts en 48h avec LOFAR et 59 en 388h avec Apertif) avec des précédentes limites calculées sur le taux de sursauts radio à basse fréquence qui doivent apparaître dans tout le ciel, et en considérant pour limite inférieure que FRB 20180916B serait le seul détectable, Inés Pastor-Marazuela et ses collaborateurs calculent qu'au dessus d'une certaine intensité (50 Jansky ms), il doit apparaître entre 3 et 450 FRB par jour ! 
Il n'y a plus qu'à les détecter.


Source

Chromatic periodic activity down to 120 megahertz in a fast radio burst. 
Ines Pastor-Marazuela et al. 
Nature (25 August 2021)


Illustration

Vue artistique des radiotélescopes Apertif et LOFAR observant des sursauts radio à différentes fréquence (Joeri van Leeuwen)

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