dimanche 21 août 2022

La masse de l'étoile la plus massive connue revue à la baisse


R136a1 est l'étoile la plus massive connue. Cette étoile colossale est une membre de l'amas d'étoiles R136, qui se trouve à environ 160 000 années-lumière de la Terre, au centre de la nébuleuse de la Tarentule dans le Grand Nuage de Magellan. On pensait jusqu'à aujourd'hui que R136a1 avait une masse comprise entre 250 et 320 masses solaires, mais des nouvelles observations très détaillées revoient cette estimation à la baisse. Une étude à paraître dans The Astrophysical Journal.

C'est en exploitant les capacités du télescope Gemini Sud de 8,1 mètres installé sur le Cerro Pachón au Chili, que Venu Kalari (université de Santiago) et ses collaborateurs aux Etats-Unis, en Allemagne et au Royaume Uni, ont acquis l'image la plus nette jamais obtenue de l'étoile R136a1
Les étoiles géantes vivent rapidement et meurent jeunes, épuisant leurs réserves de combustible en quelques millions d'années seulement. La combinaison d'une forte densité d'étoiles, de durées de vie relativement courtes et de grandes distances fait de la distinction des étoiles massives individuelles dans les amas un défi technique de taille. En poussant les capacités de l'instrument Zorro sur le télescope Gemini Sud de l'Observatoire international Gemini, Kalari et ses collaborateurs ont obtenu l'image la plus nette jamais obtenue de R136a1.  
L'amas R136 du Grand Nuage de Magellan offre le meilleur modèle local pour les amas à flambée
d'étoiles trouvés à des décalages vers le rouge plus élevés, et il est l'amas d'étoiles résolu le plus massif connu, avec 10 000 masses solaires dans son noyau central dans un rayon de 0,2 pc. Il contient un total de 25 étoiles géantes de type O dans un rayon de 1 seconde d'arc (∼0,2 parsecs), dont R136a1 qui trône dans son centre.
Les chercheurs mesurent pour cette étoile une luminosité (en échelle logarithmique ) de 6,67±0,13 luminosités solaires, ce qui fait presque 5 millions de fois plus que le Soleil! Et la masse déduite est de 196 masses solaires (+34/−27 masses solaires). En 2016, cette estimation basée sur la luminosité était de 315 (+60/-50) masses solaires et en 2020, elle était de 251 (+48/-31) masses solaires. Mais même avec cette estimation revue à la baisse, R136a1 reste l'étoile la plus massive connue. Les astronomes parviennent à estimer la masse de l'étoile en comparant sa luminosité et sa température observées avec les prédictions théoriques. L'image plus nette obtenues avec Gemini Sud, a permis à Kalari et ses collègues de séparer plus précisément la luminosité de R136a1 de ses compagnes stellaires proches, qui sont très nombreuses.
Ce résultat remet en question notre compréhension des étoiles les plus massives et suggère qu'elles ne sont peut-être pas aussi massives qu'on le pensait. Et ce résultat peut également avoir des implications sur l'origine des éléments plus lourds que l'hélium dans l'Univers. Les éléments les plus lourds sont créés lors de la mort explosive cataclysmique d'étoiles dont la masse est de plus de 150 masses solaires dans des événements de supernovas à instabilité de paires. Si R136a1 est moins massive qu'on ne le pensait, il pourrait en être de même pour d'autres étoiles massives et, par conséquent, les supernovas à instabilité de paires pourraient être finalement plus rares que prévu. 
L'amas d'étoiles abritant R136a1 avait déjà été observé à l'aide du télescope spatial Hubble et de divers télescopes terrestres, mais aucun de ces télescopes n'avait pu obtenir d'images suffisamment nettes pour distinguer tous les membres stellaires individuels de l'amas. L'instrument Zorro de Gemini Sud, un imageur de haute performance, a pu surpasser la résolution des observations précédentes en utilisant la technique de l'imagerie 'speckle', qui permet aux télescopes terrestres de surmonter en grande partie l'effet de flou de l'atmosphère terrestre. En prenant plusieurs milliers d'images à courte exposition d'un objet brillant et en traitant soigneusement les données, il est en effet possible d'annuler la quasi-totalité de ce flou. Cette approche, ainsi que l'utilisation de l'optique adaptative, peut augmenter considérablement la résolution des télescopes terrestres, comme le montrent les nouvelles observations très nettes de R136a1. Les chercheurs affirment que ce résultat montre que, dans les bonnes conditions, un télescope de 8,1 mètres poussé à ses limites peut rivaliser non seulement avec le télescope spatial Hubble en termes de résolution angulaire, mais aussi avec le télescope spatial Webb.

En guise de conclusion, Kalari avertissent que des observations de cette nature n'ont jamais été réalisées auparavant et repoussent les limites de ce qui est considéré comme possible en utilisant la photométrie de speckle. Pour cette raison, ils restent prudents dans l'interprétation de leurs résultats. Ils suggèrent que la limite supérieure de masse dans cette région de l'amas R136 devrait seulement être considérée comme une estimation, et que de nouvelles images à plus haute résolution seront essentielles pour estimer la luminosité stellaire et la masse en séparant la contribution du flux de diverses composantes stellaires voisines.


Source

Resolving the core of R136 in the optical
Venu M. Kalari et al.
A paraître dans The Astrophysical Journal


Illustration

Imageries du coeur de l'amas R136 par différents instruments (Kalari et al.) 

Aucun commentaire :