02/04/13

La Relativité Générale Testée en Conditions Extrêmes Grâce à Sgr A*

D’ici deux ans, le réseau de quatre radiotélescopes nommé le Event Horizon Telescope, qui a déjà révélé de nouvelles données sur Sgr A*, le trou noir central de notre galaxie, ainsi que sur celui, bien plus monstrueux, de la galaxie M87, augmentera énormément ses capacités d’observation. Une trentaine de radiotélescopes du réseau ALMA au Chili ainsi que le radiotélescope de 10 m du Pôle Sud (le bien nommé South Pole Telescope) rejoindront en 2015 le réseau de l’Event Horizon. L’ajout de ces unités permettra d’améliorer par un facteur deux la résolution accessible, en créant un radiotélescope virtuel de la taille de la Terre. Sheperd Doeleman du MIT, coordinateur du projet, précise que le radiotélescope ainsi constitué pourra faire des observations totalement inédites de Sgr A* et de son disque d’accrétion.

Il devrait notamment pouvoir observer un phénomène prédit par la théorie de la relativité générale qu’on appelle l’ombre du trou noir.

Région de Sgr A* vue par Chandra X-Ray (NASA/Chandra)
La matière qui se retrouve à proximité du trou noir et un peu trop proche se voit irrémédiablement entrainée par le monstre. Elle se trouve littéralement déchirée par les forces gravitationnelles et est chauffée à plusieurs centaines de millions de degrés, illuminant ainsi la zone entourant le trou noir. La plupart de ce rayonnement tombe également dans le trou noir, mais la petite partie de la lumière qui frôle l’horizon du trou se retrouve incurvée par la gravité pour former un fin anneau ou halo qui vient « dessiner » l’ombre du trou.
C’est en observant en détail la forme géométrique de cette ombre qu’il sera possible de tester si la relativité générale d’Einstein décrit correctement la distorsion de l’espace-temps observée, connaissant par ailleurs la masse de Sgr A* (4,1 millions de masses solaires) à l’origine de cette courbure.
Mais il y existe un autre moyen de tester observationnellement la relativité générale en conditions extrêmes.  Toujours autour de notre cher trou noir supermassif, une étoile brillante nommée S0-2, découverte il y a 20 ans, y gravite. Et il se trouve que S0-2 se rapproche en ce moment très près du TN. 
En 2018, elle parviendra à une distance du trou de seulement  4 fois la distance Soleil-Neptune, soit deux fois plus près que le nuage de gaz qui est actuellement en cours de route et dont nous avons déjà parlé (voir ici).
Le passage au plus près du trou de S0-2 sera exploité à la fois en observant la lumière émise par l’étoile, et comment celle-ci se retrouve décalée dans le rouge par le champ gravitationnel, ainsi que par l’enregistrement très fin de son mouvement orbital.

Simulation de l'ombre d'un trou noir (Smithsonian Astrophysical Observatory)
L’observation du redshift gravitationnel offrira une image de la courbure de l’espace-temps produite par Sgr A* et la trajectoire reconstruite en 3 dimensions de l’étoile (qui orbite autour du trou en 16 ans) devrait montrer si il existe un mouvement de précession de l’orbite du aux effets relativistes, et le quantifier… L’effet de précession est beaucoup plus difficile à mesurer que le décalage spectral, car l’environnement de Sgr A* est très encombré, mais l’équipe qui s’est lancée dans cette quête (menée par Andrea Ghez de UCLA, la grande spécialiste de ce qui tourne autour de Sgr A*) a trouvé très récemment une étoile voisine, seize fois moins brillante et ayant une orbite de 11,5 ans seulement, qui pourra aider à distinguer les perturbations gravitationnelles.

100 ans après les observations de Arthur Eddington concluant à la courbure de la trajectoire de la lumière par le soleil, qui donnèrent une preuve éclatante de la relativité générale Einsteinienne, les astrophysiciens d’aujourd’hui vont pouvoir pousser la relativité générale dans ses retranchements en observant au plus près l’enfant très singulier de la théorie.

Source :
Decade of the Monster
R. Cowen
Science 29 March 2013  Vol. 339 no. 6127 pp. 1514-1516


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