D’ici deux ans, le réseau de quatre radiotélescopes nommé le
Event Horizon Telescope, qui a déjà révélé de nouvelles données sur Sgr A*,
le trou noir central de notre galaxie, ainsi que sur celui, bien plus monstrueux, de la galaxie
M87, augmentera énormément ses capacités d’observation. Une trentaine de radiotélescopes du réseau
ALMA au Chili ainsi que le radiotélescope de 10 m du Pôle Sud (le bien nommé
South Pole Telescope) rejoindront en 2015 le réseau de l’Event
Horizon. L’ajout de ces unités permettra d’améliorer par un facteur deux
la résolution accessible, en créant un radiotélescope virtuel de la
taille de la Terre.
Sheperd Doeleman du MIT, coordinateur du projet, précise
que le radiotélescope ainsi constitué pourra faire des observations
totalement inédites de Sgr A* et de son disque d’accrétion.
Il devrait notamment pouvoir observer un phénomène prédit par la théorie de la relativité générale qu’on appelle
l’ombre du trou noir.
Région de Sgr A* vue par Chandra X-Ray (NASA/Chandra) |
La matière qui se
retrouve à proximité du trou noir et un peu trop proche se voit
irrémédiablement entrainée par le monstre. Elle se trouve littéralement
déchirée par les forces gravitationnelles et est chauffée
à plusieurs centaines de millions de degrés, illuminant ainsi la zone
entourant le trou noir. La plupart de ce rayonnement tombe également
dans le trou noir, mais la petite partie de la lumière qui frôle
l’horizon du trou se retrouve incurvée par la gravité
pour former un fin anneau ou halo qui vient « dessiner » l’ombre du
trou.
C’est en observant en
détail la forme géométrique de cette ombre qu’il sera possible de tester
si la relativité générale d’Einstein décrit correctement la distorsion
de l’espace-temps observée, connaissant par
ailleurs la masse de Sgr A* (4,1 millions de masses solaires) à
l’origine de cette courbure.
Mais il y existe un
autre moyen de tester observationnellement la relativité générale en
conditions extrêmes. Toujours autour de notre cher trou noir
supermassif, une étoile brillante nommée S0-2, découverte
il y a 20 ans, y gravite. Et il se trouve que S0-2 se rapproche en ce
moment très près du TN.
En
2018, elle parviendra à une distance du trou de seulement 4 fois
la distance Soleil-Neptune, soit deux fois plus près que le nuage de
gaz qui est actuellement en cours de route et dont nous avons déjà parlé
(voir ici).
Le passage au plus près
du trou de S0-2 sera exploité à la fois en observant la lumière émise
par l’étoile, et comment celle-ci se retrouve décalée dans le rouge par
le champ gravitationnel, ainsi que par l’enregistrement
très fin de son mouvement orbital.
Simulation de l'ombre d'un trou noir (Smithsonian Astrophysical Observatory) |
L’observation du redshift gravitationnel offrira une image de la courbure de l’espace-temps produite par
Sgr A* et la trajectoire reconstruite en 3 dimensions de l’étoile
(qui orbite autour du trou en 16 ans) devrait montrer si il existe un
mouvement de précession de l’orbite du aux effets relativistes, et le
quantifier… L’effet de précession est beaucoup
plus difficile à mesurer que le décalage spectral, car l’environnement
de Sgr A* est très encombré, mais l’équipe qui s’est lancée dans cette
quête (menée par
Andrea Ghez de UCLA, la grande spécialiste de ce qui
tourne autour de Sgr A*) a trouvé très récemment une étoile voisine,
seize fois moins brillante et ayant une orbite de 11,5 ans seulement,
qui pourra aider à distinguer les perturbations gravitationnelles.
100 ans après les
observations de Arthur Eddington concluant à la courbure de la trajectoire de
la lumière par le soleil, qui donnèrent une preuve éclatante de la
relativité générale Einsteinienne, les astrophysiciens
d’aujourd’hui vont pouvoir pousser la relativité générale dans ses
retranchements en observant au plus près l’enfant très singulier de la
théorie.
Source :
Decade of the Monster
R. Cowen
Science 29 March 2013 Vol. 339 no. 6127 pp. 1514-1516
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