Le télescope spatial Herschel vient de faire une découverte qui laisse perplexe plus d'un astrophysicien. Il s'agit d'une galaxie très lointaine, située à presque 13 milliards d'années-lumière, très exactement à une époque où l'Univers n'était âgé que de 880 millions d'années. Mais ce n'est pas son âge en lui-même qui est stupéfiant, il s'agit de la taille et de l'activité de cette galaxie, associés à son âge.
HFLS3, c'est son nom, apparaît être une galaxie très grosse pour une galaxie aussi jeune, elle fait déjà près de 140 milliards de masses solaires, soit à peu près la taille de notre galaxie, elle, vieille de plusieurs milliards d'années. Mais ce n'est pas tout! HFLS3 comme toute galaxie jeune, produit de nombreuses étoiles, mais elle montre un taux de production d'étoiles hors du commun : alors que notre Voie Lactée produit environ une étoile par an, HFLS3 en produit plus de 2000 par an!
Les astrophysiciens sont d'accord sur un point : une telle galaxie est une véritable énigme, elle ne devrait pas exister dans un Univers de moins de 1 milliard d'années. HFLS3 ne colle pas du tout avec la théorie de l'évolution des grandes structures galactiques qui est admise aujourd'hui.
Le modèle de formation des galaxies indique que les premières galaxies se forment dans l'Univers âgé de 600 millions d'années environ par agglomération de matière autour de fluctuations de densités reliques issues de l'Univers primordial.
La galaxie HFLS3 (ESA/Herschel/HerMES/IRAM/GTC/W.M. Keck Observatory) |
Ces grains grossissent lentement jusqu'à former des masses de gaz suffisamment denses pour engager des réactions de fusion des noyaux d'hydrogène. Les premières étoiles sont produites dans de petites galaxies de quelques milliards de masses solaires avec un taux de production moyen inférieur à 10 étoiles par an.
Le modèle d'évolution en vigueur indique que les galaxies grossissent ensuite en intégrant des nuages de gaz intergalactique et par fusions successives avec d'autres petites protogalaxies, jusqu'à atteindre des tailles semblables à notre Voie Lactée (100 milliards de masses solaires) en plusieurs milliards d'années.
Le télescope spatial Herschel (ESA) |
Dominik Riechers de Cornell University, qui a mené ces recherches explique que chercher les premières galaxies massives est comme chercher une aiguille dans une botte de foin : le programme HerMES (Herschel Multi-tiered Extragalactic Survey) a trouvé des dizaines de milliers de galaxies massives de type usines à étoiles, et la sélection des objets intéressants était un véritable casse-tête. Mais HFLS3 sortait du lot de par sa très forte luminosité dans l'infra-rouge qui a très vite intrigués les astronomes.
Des observations complémentaires avec le télescope terrestre Keck ont alors montré que le décalage vers le rouge de cette galaxie était z = 6,34, soit la distance considérable de 12,9 milliards d'années-lumière. La très forte luminosité observée ne pouvait être due qu'à une production extrême d'étoiles...
HFLS3 semble produire des étoiles dans la totalité de son volume. Le rayonnement des étoiles naissantes y est si intense qu'il parvient presque à disperser le gaz en effondrement gravitationnel, source de cette production impressionnante.
L'existence ne serait-ce que d'une seule galaxie ayant ces caractéristiques hors normes remet en cause la théorie de la formation et de l'évolution des galaxies dans l'Univers jeune. Les astrophysiciens se trouvent quelque peu démunis face à cette découverte. Ils cherchent maintenant frénétiquement dans les données d'autres exemples de galaxies extrêmes situées à ces époques, avant peut-être de devoir retourner à leurs papiers et leurs crayons pour réfléchir à un nouveau scénario de naissance des galaxies.
Références :
A Dust‐Obscured Massive Hyper‐Starburst Galaxy at Redshift 6.34
D. A. Riechers et al.
Nature, 18 April 2013
Pour aller plus loin :
Mystères de la Formation des Galaxies. Vers une nouvelle physique ?
Françoise Combes
Editions Dunod (2008)
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