14/04/13

Un Océan sur Encélade ?

Encélade est un satellite de Saturne. Il fait environ 500 km de diamètre. Découvert par William Herschel l’année où la Bastille tombait, il fut vraiment redécouvert l'année où la place du même nom connut la liesse, lors du passage de Voyager 2 à proximité, qui en montra une image très différente des autres satellites saturniens, avec une surface apparemment très blanche et très lisse. 
La sonde Cassini arrivée autour de Saturne en juin 2004, s’est donc particulièrement intéressée à cette lune saturnienne. Cassini a notamment fait une belle découverte en 2006 en montrant l’existence de sortes de geysers au niveau du pôle sud de Encélade.

Piqués par cette trouvaille indécelable depuis la Terre, les planétologues ont voulu comprendre l’origine du phénomène. La sonde Cassini a donc été utilisée spécifiquement pour inspecter de très près Encélade et ses geysers. Et ce qu’elle a découvert est très intéressant.

La surface de Encélade est couverte de glace d’eau. Il serait tentant de savoir si sous cette eau solide pourrait se trouver de l’eau liquide, et si ces geysers ne seraient pas simplement des projections d’eau. Et il se trouve qu’effectivement, ces geysers sont composés de vapeur à base organique, de l’eau sale en quelque sorte.
Les fissures bleutées qui apparaissent sur Encélade permettraient une évaporation d'un océan profond (crédit : Cassini Imaging Team/SSI/JPL/ESA/NASA)
Lors de la 44ème Lunar and Planetary Science Conférence, fameuse conférence de planétologie qui s’est tenue cette année à Houston, les scientifiques responsables de la mission Cassini en sont venus à presque pouvoir affirmer que sous sa glace, Encélade cache en fait un vaste océan liquide. Presque, car les indices, bien que très insistants, ne sont pas encore suffisamment solides pour que l’océan puisse être admis par tous.

Ce qu’ont montré les planétologues spécialistes des mondes saturniens exploitant Cassini est une image d’Encélade montrant de multiples fissures, qui sont très similaires à des fissures de banquise.
Un premier modèle expliquant les geysers observés sans avoir besoin d’un océan liquide avait été élaboré il y a quelques années. Selon ce modèle, les effets de marées produits par la géante Saturne toute proche, faisaient se mouvoir quatre grandes fissures dans des sens opposés, créant ainsi une friction induisant un échauffement qui faisait fondre la glace, eau qui se trouvait ensuite vaporisée dans l’espace (Encélade ne possède pas d’atmosphère digne de ce nom).

Mais Carolyn Porco, du Space Science Institute de Boulder (Colorado) et ses collaborateurs viennent de présenter un tout autre modèle, qui semble bien plus cohérent avec les dernières observations de Cassini : les jets d’eau vaporisée tendent à apparaître et s’intensifier exactement là où les effets de marée écartent les fissures et non lorsqu’ils produisent des frictions. L’écartement des fissures dans la glace laisserait s’échapper dans l’espace de l’eau liquide. Cette eau liquide se trouverait donc en abondance en dessous de la couche de glace… Un véritable océan d’eau et une eau relativement chaude.
Encélade et ses geysers étonnants (Cassini/JPL/NASA/ESA)

Ce que les chercheurs exploitant les données de Cassini ont pu montrer, c’est qu’il n’existait pas de points chauds distribués sur toute la longueur des fissures, ce qu’on attendrait dans le cas d’un phénomène de friction. Au contraire, de tout petits points chauds sont mesurés par l’imageur infra-rouge de la sonde, pas plus grands qu’une dizaine de mètres.

Ces données tendent à indiquer des fissures très profondes produites par les effets de marée, et laissant s’échapper localement l’eau océanique sous-jacente.

Le planétologue David Stevenson du California Institute of Technology à Pasadena confesse :« Effectivement, l’échauffement par friction ne semble pas marcher. A la place, on peut pomper de la chaleur d’un océan, et il va maintenant falloir comprendre comment  un tel phénomène peut exister depuis des milliers ou des millions d’années. On avance... »
L’idée de la présence d’un océan liquide sur Encélade, même sous plusieurs centaines de mètres de glace, associé au fait que l’eau éjectée comporte des composés carbonés et en soi très intéressant. Elle permet d’ouvrir quelques perspectives que certains vont assurément s’empresser de développer. Il reste encore beaucoup à apprendre sur notre environnement pas si lointain sans être pour autant très proche. La sonde Cassini est un des meilleurs instruments pour le faire.



Reference:

R. Kerr
More Support for an Ocean in Enceladus
Science 12 April 2013: Vol. 340 no. 6129 p. 139

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