Grâce à leur densité extrêmement
élevée, les étoiles à neutrons massives peuvent être utilisées pour tester la
théorie de la gravitation - la Relativité Générale - dans des conditions
extrêmes. C’est ce qu’ont réussi à faire John
Antoniadis et son équipe en observant un pulsar de 2 masses solaires. Ils
montrent dans un article publié cette semaine dans Science que la perte d’énergie orbitale de ce système binaire (un
pulsar lié gravitationnellement à une étoile naine blanche) est totalement en
accord avec ce que prédit la théorie d’Einstein. Ils confirment
ainsi la validité de la Relativité Générale (RG) dans une configuration de très fort
champ gravitationnel, là où certains théoriciens prévoyaient que la théorie
d’Einstein ne serait plus valide.
Les étoiles à neutrons ayant une
masse supérieure à 1,8 masses solaires produisent un champ gravitationnel
énorme qui pourrait sortir du cadre de la relativité générale, c’est du moins
ce que pensaient certains physiciens théoriciens. Seulement, pour tester ces
idées, il fallait pouvoir observer un cas bien particulier impliquant par
exemple un système binaire contenant un pulsar de grande masse et sur lequel on
pourrait mesurer la perte d’énergie orbitale par émission d’ondes
gravitationnelles.
Vue d'artiste du système pulsar binaire (Antoniadis et al.) |
Antoniadis et al. se sont intéressés à un pulsar millisecondes nommé PSR J0348+0432 en observant la structure temporelle de son émission radio (de période 37 ms) ainsi qu’en faisant l’analyse spectroscopique de la lumière de son étoile compagnon, une naine blanche qui lui tourne autour en seulement 2,46 heures.
A partir de ces données, ils ont
calculé les masses très précises des deux compagnons, ainsi que des paramètres
orbitaux et dynamiques du système, et la perte d’énergie orbitale
correspondante.
L’équipe d’astrophysiciens
européens et américains signant cette étude montre ainsi que sur une période de
suivi de deux ans, la période orbitale du système décroit
significativement de 8,6 µs par an.
La masse de PSR J0348+0432 vaut très exactement 2,01 +-0,04 masses solaires. Il
s’agit seulement de la deuxième étoile à neutrons à être mesurée avec une masse
aussi élevée. Cette mesure confirme par ailleurs l’existence même de ce type
d’étoiles à neutrons.
Avec ces valeurs de masses et de
période orbitale, la théorie de la Relativité Générale prédit une décroissance
orbitale importante. Et la valeur
mesurée par Antoniadis et al. de ce
paramètre est en excellent accord avec la valeur prédite par la Relativité
Générale, avec un ratio observation/théorie égal à 1,05 +-0,18, on pouvait difficilement faire mieux!
Comme ce pulsar binaire possède
une énergie de liaison gravitationnelle 60% plus forte que n’importe quel autre
étoile à neutron binaire où ont déjà été détectés des effets d’émission d’ondes
gravitationnelles, les mesures de sa décroissance orbitale font de ce système
un véritable laboratoire de gravitation en régime extrême.
Les résultats obtenus, très
concordants avec la Relativité Générale, confirment ainsi sa validité y compris
dans des couplages matière-gravitation extrêmes. Ils permettent en outre de
rejeter l’existence de phénomènes à fort champ qui étaient prédits par des
théories alternatives.
Ces beaux résultats indiquent
d’autre part la pertinence de l’utilisation des principes de la RG pour la
détection sur Terre d’ondes gravitationnelles qui seraient produites par des
événements violents de type fusion d’étoiles à neutrons ou de trous noirs.
Voies de production possibles de PSR J0348+0432 et futur envisageable. |
Mais en plus de produire un test
excellent pour la RG en conditions extrêmes, PSR J0348+0432 ouvre également des pistes de compréhension sur l’évolution
de la rotation des étoiles à neutron après accrétion de masse.
L’émission continue d’énergie
sous forme d’ondes gravitationnelles va continuer à rapprocher les deux
compagnons et raccourcir d’avantage leur période orbitale.
Dans 400 millions
d’années, la période orbitale du système ne sera plus que de 23 minutes, la
naine blanche se sera tellement rapprochée de l’étoile à
neutrons que cette dernière pourrait accréter le peu de matière de l’enveloppe
qui lui reste pour ne laisser qu’une sorte de planète de fer (le cœur de la
naine blanche), à moins que la masse ainsi ajoutée ne fasse dépasser la masse
critique au-delà de laquelle l’effondrement en trou noir est inéluctable…
Référence :
A Massive Pulsar in a Compact Relativistic Binary
J. Antoniadis et al.
Science Vol. 340 no. 6131 (26 April 2013)
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