Ces grains formés presque
entièrement d'eau pure ont une masse totale équivalente à celle d'une sphère de
glace de 500 km.
Bien que de nombreux progrès
aient été faits dans la compréhension de la dynamique du système d'anneaux de
Saturne depuis l'exploration in situ
avec des sondes, de grandes questions restent toujours en suspens : Comment les
anneaux se sont-ils formés ? Sont-ils anciens datant de la formation de Saturne,
ou bien plutôt jeunes ?
Une observation inédite effectuée
grâce au télescope Keck (1) montre un phénomène étonnant : les anneaux de
Saturne subissent une érosion magnétique qui siphonne littéralement de grandes
quantités de masse des anneaux pour en faire une pluie sur la haute atmosphère
Saturnienne. Ce processus pourrait permettre d'expliquer certaines structures
observées sur les anneaux et leur histoire.
Il faut savoir que la multitude
d'objets composant les anneaux sont très bien décrits par la dynamique
classique, ils ont une orbite képlérienne. Les caractéristiques des anneaux
peuvent être décrites par la dynamique d'un ensemble de particules interagissant
mutuellement par gravitation et collisions, en orbite ensemble autour d'un corps central massif.
Toutes ces particules de glace se
comportent en fait comme un gaz dense, caractérisé par une viscosité, une
température et une pression. En revanche, le mouvement des particules très
petites, celles dont la taille est inférieure au micromètre, va montrer une
différence notable lorsqu'elles acquièrent une charge électrique suffisamment
grande.
Ces petits grains de poussière de
glace peuvent en effet subir des phénomènes de photoionisation ou être exposées
à des plasmas denses produits par des impacts de micrométéorites, qui vont leur
arracher (ou apporter) quelques électrons.
Il suffit seulement d’une charge
d'électron en plus ou en moins pour un grain de 1000 molécules d'eau pour que ce
grain commence à subir les effets gyromagnétiques dans un champ magnétique, dus
à la force de Lorentz bien connue.
Les grains chargés subissent à la
fois un mouvement de rotation autour des lignes de champ ainsi qu'un mouvement
associé à l’évolution spatiale des lignes de champ magnétiques elles-mêmes.
Ces grains chargés vont
littéralement glisser le long des lignes de champ en réponse aux autres forces
auxquelles ils sont soumis : gravitation, force centrifuge, force de gradient
magnétique.
Mais là où n'importe quelle autre
planète de notre système solaire possédant un champ magnétique aurait très vite
dispersé ces petits grains chargés, Saturne ne le fait pas. Saturne possède en
effet la caractéristique unique (dans notre système solaire, restons modestes)
d'avoir son champ magnétique exactement symétrique par rapport à son axe de
rotation. Cette spécificité, fait que les grains chargés électriquement ont
seulement deux directions de mouvement possibles : soit ils sont conduits vers le dessus du plan de l'anneau,
soit ils se retrouvent dans la direction opposée, mais dans les deux cas, ils se retrouvent plongés dans la haute atmosphère de Saturne.
C'est ce phénomène que l'on
appelle une érosion magnétique.
Saturne capturée en 2009 par Hubble presque dans le plan des anneaux (avec Titan en transit, accompagné de Mimas, Dioné et Encelade) (NASA/HST) |
Pour mesurer la quantité de tels
grains de glace tombant sur l'atmosphère saturnienne, O'Donoghue et ses
collègues anglais, qui signent cet article paru dans Nature, ont utilisé une méthode indirecte : les molécules d'eau
injectées dans l'atmosphère de la planète géante facilitent la recombinaison
rapide des ions présents, savoir des ions H3+. Il suffit
alors d'observer la déplétion de cet ion via la baisse d'intensité de ses raies
d'émission spécifiques (situées dans l'infra-rouge) pour en déduire la quantité
d’eau présente.
Les auteurs montrent clairement
la présence de quantités d'eau importantes tombant des anneaux en suivant les
lignes de champ magnétique : une pluie d'anneaux...
L'étude indique également que le
taux d'érosion annulaire observé en fonction du rayon n'est pas celui auquel on
s'attendrait pour expliquer la formation sur plusieurs dizaines de millions
d'années d'évolution de la frontière entre anneau C et anneau B ainsi que la
transparence de l'anneau B. Mais le taux d'érosion est connu avec encore assez
peu de précision, on ne sait par exemple pas encore déterminer la proportion
d'eau qui est transportée par de simples ions ou par des grains submicroniques
(qui est le plus efficace).
La technique novatrice utilisée
est pleine de promesses pour améliorer notre compréhension de la formation et
de l'évolution de ces anneaux, qui ressemblent probablement très peu à ce
qu'ils étaient originellement.
L’érosion magnétique est un des
processus qui façonne les anneaux que nous admirons aujourd'hui et une clé de
leur formation passée. La pluie d'anneau nous annonce du beau temps en
perspective...
Référence :
(1) The domination of Saturn's low-latitude ionosphere by ring 'rain'
J. O. Donoghue et al.
Nature 496, 193–195
2 commentaires :
Cette érosion magnétique est surprenante, merci de l'info ! Serait-il possible que les anneaux se régénèrent en capturant de temps à autre un noyau cométaire passant par là ?
J'avais adoré un passage de "Wonders of the Solar System" visible ici http://www.youtube.com/watch?v=UWj0Cm-gHFo ou Brian Cox explique que les anneaux de Saturne doivent beaucoup ressembler aux packs de glace polaires, avec du vide à la place de l'océan...
j'ai tendance à penser que tout ce qui passe à proximité suffisante de Saturne est voué plus ou moins à rejoindre les anneaux...
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