Ce fut sans nul doute l'un des sujets les plus intrigants de 2013 : la détection proclamée de trois WIMPs (particules de matière noire) par l'expérience CDMS-Si au printemps (résultats publiés en décembre 2013), puis l'absence totale de détection par l'expérience LUX - beaucoup plus sensible, mais de technologie différente - qui fut annoncée fin octobre.
Le doute est prégnant, qui a raison, qui a tort ? Nous n'en savons bien sûr encore rien, tant que l'un ou l'autre n'a pas reconnu les résultats de l'autre ou de l'un....
Et il existe une autre expérience de recherche de matière noire, qui n'a jamais reconnu sa "défaite", qui a toujours clamé avoir observé un signal de particules de matière noire, et ce depuis le début des années 2000, depuis plus de 10 ans maintenant, alors que toutes les autres manips excluaient ces résultats les unes après l'autres. C'est l'expérience italienne DAMA.
Signal modulé observé par l'expérience DAMA (DAMA collaboration 2013) |
DAMA exploite un très gros détecteur scintillateur d'iodure de sodium dopé au thallium (NaI(Tl)), qui est l'un des meilleurs (et des plus anciens) scintillateurs. Ce que semblent détecter les italiens de DAMA est un très faible dépôt d'énergie, qui varie en fonction des saisons. Exactement ce qu'on s'attendrait à observer si il y avait des WIMPs de relativement faible masse (environ 10 GeV), dans lesquelles nous baignerions. La modulation annuelle est un signe infaillible de l'origine astrophysique du signal.
Sauf que toutes les autres expériences de recherche de matière noire directe excluent la solution de DAMA, que ce soient CDMS-Si, LUX, mais aussi de nombreuses autres.
Face à l'obstination des italiens à clamer année après année qu'ils mesurent des WIMPs, ils sont du coup un peu devenus la risée de leurs concurrents...
Le signal que DAMA observe dans son scintillateur provient théoriquement de l'énergie qu'y déposent les WIMPs par leurs collisions élastiques ou inélastiques sur les noyaux d'atome formant le matériau du scintillateur : sodium, iode, voire thallium. Bien sûr, l'énergie que laisse la WIMP dans le cristal dépend non seulement de sa propre masse mais aussi et surtout de la masse du noyau cible, exactement à la manière d'un jeu de pétanque. Lancer une boule sur le cochonnet ne donne pas la même énergie de recul que si la même boule est lancée sur une boule identique.
Les physiciens italiens ont toujours (et très logiquement) considéré que les seuls noyaux pouvant être impactés étaient les noyaux de sodium et d'iode qui forment presque en totalité l'iodure de sodium, donnant après calcul une masse de WIMP de l'ordre de la dizaine de GeV.
Mais voilà qu'aujourd'hui, un physicien du SLAC à Standford fait une proposition audacieuse permettant d'entrevoir une explication à la valeur du signal modulé observé par DAMA. Sa solution donne une masse de WIMP bien plus faible que 10 GeV, et qui ne serait de fait pas atteignable par les autres expériences de recherche directe, ce qui expliquerait les tensions observées...
Dans son article venant de paraître sur le site de preprints ArXiv et destiné à être publié par Astronomy and Astrophysics, J. Va'Vra est parti du principe que le signal de DAMA provenait bien de collisions de WIMPs et a cherché d'où pouvait provenir ces dépôts d'énergie si ce n'était pas par des collisions sur les noyaux de sodium et d'iode. Pour que les autres expériences ne détectent rien, cela veut dire que la masse de la WIMP est plus faible. Et qui dit masse plus faible, pour produire une quantité d'énergie similaire, dit noyau cible plus léger. Que peut-il y avoir de plus léger que le sodium (nombre de masse de 23) dans le NaI(Tl) ?
De l'humidité ! Des atomes d'oxygène (M=16) et d'hydrogène (M=1) ! L'oxygène est encore trop lourd, mais l'hydrogène se trouve être très intéressant. Il se trouve qu'effectivement, des molécules OH peuvent apparaître comme des impuretés dans l'iodure de sodium, issues du processus de fabrication, avec une quantité relative de l'ordre du ppm (10-6).
De l'humidité ! Des atomes d'oxygène (M=16) et d'hydrogène (M=1) ! L'oxygène est encore trop lourd, mais l'hydrogène se trouve être très intéressant. Il se trouve qu'effectivement, des molécules OH peuvent apparaître comme des impuretés dans l'iodure de sodium, issues du processus de fabrication, avec une quantité relative de l'ordre du ppm (10-6).
Principe de la détection directe de WIMPs par scintillateur |
Cette possibilité semble de fait alléchante, mais il reste encore beaucoup d'inconnues. Non seulement on connait mal ce qui se passe dans le NaI(Tl) pour des reculs de protons (le noyau d'hydrogène), mais on ne connait pas non plus la probabilité d'interaction des WIMPs sur les protons, et d'autant moins quand l'énergie cinétique considérée ne vaut que 5 keV, ce qui serait le cas pour une telle WIMP de 1 GeV lancée à une vitesse relative de 30 km/s.
Une chose est en tout cas sûre : plus les scintillateurs NaI(Tl) sont purs et bien fabriqués, moins on devrait voir de signal... (joli paradoxe).
L'autre élément intéressant à noter est que plus le détecteur est entouré de matière hydrogénée (eau ou glace par exemple), moins ce dernier devrait détecter de signal.
De quoi donner des pistes très intéressantes pour creuser les résultats de DAMA, troublants depuis maintenant plus de 10 ans.
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