16/01/14

Supernovae Ia : Fusion de Deux Naines Blanches

Le débat a longtemps fait rage pour savoir quelle est l’origine exacte des supenovae de type Ia. Deux principaux modèles s’affrontent, tous les deux ont en commun la présence d’un système binaire. Mais c’est dans la nature des deux composantes et les processus d’interaction entre les deux étoiles que les modèles divergent.

Le premier propose l’explosion d’une étoile par effondrement suite à l’accrétion de matière provenant de sa compagne : la naine blanche absorbe de la matière de sa compagne, qi peut être une géante ou même une étoile « normale ». Lorsque la naine blanche qui gagne ainsi de la masse dépasse la barre fatidique des 1,4 masses solaires, l’effondrement irréversible a lieu, l’étoile explose.

Le résidu de SN 1572, vu en rayons X (Chandra X Ray Observatory),
la  supernova observée par Tycho Brahe en 1572 était une SN Ia
Le second modèle, dit « double dégénéré » propose un couple de naines blanches. Elles vont se rapprocher inéluctablement au fil du temps pour finir par se rencontrer et fusionner. Bien évidemment, la fusion réelle n’arrive jamais, puisque la masse de Chandrasekhar est immédiatement dépassée et l’explosion a lieu assez vite.

Des astronomes américains viennent d’annoncer lors du 223ème meeting de l’American Astronomical Society qu’ils ont pu observer deux supernovae Ia avec des détails encore jamais atteints, et peuvent en conclure sans se tromper qu’elles sont issues d’une fusion de deux naines blanches.

Le plus étonnant dans cette découverte est peut-être la façon que ces astronomes ont utilisée pour détecter et étudier l’évolution temporelle de la luminosité de ces supernovae. C’est avec le télescope Kepler, dédié à la chasse aux explanètes (lorsqu’il fonctionnait encore correctement) qu’ils ont observé ces explosions stellaires.
Le télescope de la NASA scrutait environ 150000 étoiles de notre galaxie avec la possibilité de prendre des clichés du même champ toutes les trente minutes. Or, derrière les étoiles que Kepler pointait se trouvaient une multitude de galaxies lointaines.

Les données de Kepler fournissent ainsi une image de très nombreuses galaxies toutes les demi-heures, avec une performance pour la détection de très faibles variations de luminosité (adaptée pour la découverte d’exoplanètes effectuant des transits devant les étoiles).
Il n’en fallait pas plus pour donner un outil fantastique pour la découverte et le suivi dans le temps de nouvelles supernovae  lointaines, situées dans d’autres galaxies. Rappelons qu’une supernova lors de son explosion, peut devenir aussi brillante, voire plus, que la galaxie qui l’abrite…

Le télescope Kepler (NASA)
Robert Oiling, qui a présenté ces résultats à Washington le 8 janvier dernier, a traqué environ 400 galaxies dans les champs de vue de Kepler sur une période de deux ans, pour trouver ces deux beaux specimens de supernovae Ia.
C’est grâce à la précision obtenue par le télescope Kepler que l’origine de ces supernovae a pu être déterminée avec une grande confiance. En effet, s’il s’agissait d’un couple formé d’une naine blanche et d’une étoile normale, le souffle de l’étoile explosant devrait impacter sa compagne en produisant un échauffement qui produirait un surcroît de luminosité qui serait visible dans les premiers jours suivant l’explosion. Oiling et ses collaborateurs n’observent aucun sursaut de luminosité de ce type dans leur deux supernovae. Ces observations éliminent définitivement la possibilité que l’étoile compagne soit une étoile normale de type géante.

Depuis longtemps, le modèle de fusion de deux naines n’était pas très apprécié dans la communauté des spécialistes des supernovae, on pensait que l’étape finale de coalescence des deux étoiles devait durer très longtemps, ce qui militait plus pour la formation d’une étoile à neutrons (pour la plus massive des deux).
Mais le vent commença à tourner vers 2010 où des astrophysiciens ont produit des simulations montrant que la coalescence finale de deux naines blanches pouvait se passer en l’espace de quelques minutes seulement, permettant le brusque changement de pression, véritable étincelle à la poudrière stellaire.

Mais Craig Wheeler, un astrophysicien de l’université du Texas, précise tout de même que le modèle de fusion de deux naines blanches comporte tout de même quelques problèmes : les simulations montrent des explosions d’étoiles par fusion de deux naines blanches qui sont souvent asymétriques. Or les SN Ia ont toutes une symétrie très sphérique. D’autre part, les mesures spectrales qui ont été faites sur ces supernovae montrent une abondance en fer trop faible par rapport aux simulations de fusion de naines blanches.

Le satellite Kepler a connu une grosse défaillance mécanique en mai 2013 (sur ces roues gyroscopiques), suite à laquelle il ne peut plus être orienté avec précision. Mais il pourrait toujours fonctionner pour collecter la lumière. Et comme la recherche de supernovae lointaines ne requiert pas un pointage précis comme celui de la recherche d’exoplanètes, Oiling évoque l’idée de donner une seconde vie à ce merveilleux outil pour observer des nouvelles supernovae.

La NASA doit annoncer ce qu’elle décide de faire avec Kepler à l’été 2014…


Source :
Kepler clue to supernova puzzle
Ron Cowen
Nature 505, 274–275 (16 January 2014)

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