mercredi 9 décembre 2015

Une sonde japonaise mise en orbite autour de Vénus, après 5 ans d’errance…

C’est un bel exploit que viennent de réussir les ingénieurs de l’agence spatiale japonaise. Ils sont parvenus à mettre en orbite autour de Vénus leur sonde Akatsuki, 5 ans après une grave anomalie de son moteur principal qui avait envoyé la sonde très loin de son objectif. 



Akatsuki, qui était appelée Planet-C à sa conception, devait arriver en orbite autour de Vénus en décembre 2010 après avoir été lancée en mai de la même année pour en étudier l’atmosphère. Mais lors de la phase finale d’approche de la sonde pour s’insérer en orbite vénusienne, l’allumage de son moteur principal devant apporter la poussée adéquate ne se fit pas. Le défaut eut pour cause l’apparition de sels sur une valve située entre un réservoir d’hélium et un réservoir de carburant, produisant un blocage d’une pièce dans le système de propulsion. Cette dernière poussée n’ayant pas eu lieu, la sonde rata Vénus et poursuivit sa route sur sa lancée initiale, se retrouvant de fait en orbite autour du Soleil, tout en restant sur une orbite proche de celle de Vénus…

Vue d'artiste de Akatsuki autour de Vénus (JAXA)
On pourrait presque dire que les japonais sont malheureusement coutumiers du ratage de mise en orbite. Akatsuki était leur première mission d’exploration planétaire depuis le lancement de leur sonde martienne Nozomi en 1998, qui rata elle aussi sa mise en orbite autour de Mars en 2003, sans avoir pu être récupérée…
Les ingénieurs de la JAXA ne pouvaient pas perdre la face deux fois de suite et ont donc passé plusieurs années pour trouver une solution leur permettant de récupérer Akatsuki, faire en sorte de la ramener en orbite de Vénus. Le moteur principal était hors service, mais il leur restait 8 petits moteurs de contrôle d’attitude à disposition, qui sont normalement utilisés pour ajuster l’orientation de la sonde dans l’espace. Ils ont donc étudié finement l’orbite que suivait désormais Akatsuki et ont calculé quelles seraient les manœuvres à effectuer, c’est-à-dire quelles poussées à quel moment, pour pouvoir refaire capturer la sonde par Vénus. De façon à faciliter les manœuvres avec les moteurs d’appoint restant, il fallait réduire la masse de l’ensemble. Le moteur principal étant hors d’usage, le carburant associé était désormais inutile. Les japonais ont alors décidé de larguer pas moins de 65 kg de carburant dans l’espace (soit plus de 10% de la masse de la sonde) avant de passer à la suite du sauvetage.

Après avoir attendu que la sonde se trouve en bonne position vis à vis de Vénus, au mois d’août 2015, quatre moteurs d’appoint sur les huit que possède Akatsuki ont été allumés pendant 20 minutes, une durée beaucoup plus longue que celle pour laquelle ils ont été conçus. Cette poussée, bien plus modeste que celle qui était initialement prévue il y a 5 ans, a permis, au grand soulagement des scientifiques japonais et de leurs collègues impliqués dans la mission, de modifier suffisamment la trajectoire  pour pouvoir insérer enfin la sonde en orbite vénusienne il y a quelques jours seulement, exactement cinq ans jour pour jour depuis son avarie.
L’orbite atteinte n’est en revanche pas celle qui était planifiée lors de la conception de la mission, on s’en doute. Celle-ci est assez éloignée de la planète et allongée, avec une distance maximale de l’ordre de 500 000 km, offrant à Akatsuki un tour de Vénus en 15 jours. Mais les ingénieurs japonais pensent déjà à rapprocher un peu la sonde par une nouvelle petite poussée, pour atteindre une distance maximale de l’ordre de 330 000 km (environ la distance Terre-Lune) au printemps 2016.

Mais malgré le succès de cette remise en orbite, il se pourrait que Akatsuki ait subi quelques dommages au cours de son détour de 5 ans autour du soleil. Après avoir passé plus de temps que prévu à proximité du Soleil, la sonde se retrouve être plus chaude que prévu, ce qui pourrait avoir un effet délétère sur certains instruments et par suite altérer les données ou limiter les acquisitions possibles.
Avant d’effectuer ce sauvetage, les scientifiques n’avaient tout de même pas perdu le nord et avaient réussi à exploiter le trajet de Akatsuki derrière le soleil pour étudier comment les signaux radio entre la sonde et la Terre étaient absorbés par la couronne solaire, pour en déduire des informations sur la turbulence qui la parcourt. De quoi se consoler en faisant un peu de science en attendant de pouvoir récupérer leur engin.
Le sauvetage de Akatsuki n’est que le deuxième exemple d’une telle opération réussie. Les scientifiques américains de la NASA dirigeant la sonde NEAR (Near Earth Asteroid Rendezvous) avaient dû s’y prendre à deux fois à 2 ans d’intervalle pour l’amener à bon port autour de l’astéroïde Eros en 2000.

Akatsuki doit maintenant étudier l’atmosphère changeante de Vénus. Elle est munie pour cela de cinq imageurs, couvrant un large spectre, des infra-rouges aux ultra-violets ainsi que d’un radar. Elle devrait pouvoir étudier de nombreux phénomènes atmosphériques vénusiens comme les vents violents ou encore les éclairs qui semblent apparaître au sein des nuages acides de Vénus. L’un des enjeux majeurs de Akatsuki sera l’étude des mécanismes responsables de la super-rotation de l’atmosphère vénusienne, qui montre des vitesses pouvant atteindre 100 m/s par rapport à la surface. Pour cela, des cartographies à haute résolution des nuages, du même type que celles produites par nos satellites météorologiques terrestres, seront produites. Son radar devrait permettre de déterminer la structure verticale de l’atmosphère et de la surface de Vénus. Enfin, Akatsuki devrait également permettre d’étudier la lumière zodiacale en objectif additionnel (hors Vénus).

Ce ne sont pas seulement les contribuables japonais qui peuvent se réjouir de cette prouesse, mais l'ensemble de la communauté scientifique.

Source :

Japan’s Venus orbiter makes comeback
Alexandra Witze
Nature News


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