08/12/15

Découverte de 53 galaxies spirales géantes superlumineuses

Des galaxies spirales géantes, c'est ce qu'ont découvert des astronomes américains. Ces galaxies spirales sont non seulement super lumineuses, mais aussi de très grande taille et très massives. Leur origine est encore quelque peu mystérieuse.



Les plus grosses galaxies que nous connaissons sont des galaxies dites elliptiques, qui n'ont pas ces belles formes spiralées comme peut arborer notre Voie Lactée, mais au contraire forment des sortes de grosses boules en forme d'ellipses. Mais cette nouvelle découverte de galaxies spirales aussi grosses que les plus gros spécimens de galaxies elliptiques vient aujourd'hui rebattre les cartes dans la zoologie des galaxies.
La galaxie super spirale CGCG 122-067 possède un double noyau et émet 8 fois
plus de lumière visible que la Voie Lactée (Sloan Digital Sky Survey)
Les membres de l'équipe de Patrick Ogle du California Institute of Technology ont été surpris en découvrant cette population de galaxies spirales qu'ils appellent désormais des galaxies super spirales. Ils les ont débusqué en fouillant dans une base de données construite par la NASA, la bien nommée NASA Extragalactic Database et en examinant pas moins de 800 000 galaxies situées à une distance inférieure à 3,5 milliards d'années-lumière. Ils les ont classifiées par luminosité décroissante, notamment en lumière visible. La luminosité des galaxies est évaluée par rapport à une valeur étalon de luminosité qui est la luminosité émise par notre propre galaxie : L*. Les galaxies qui montrent une luminosité supérieure à L* sont assez rares et étaient toutes elliptiques jusqu'à aujourd'hui...
 
La galaxie spirale la plus lumineuse trouvée par l'équipe de Ogle a une luminosité égale à 14 L*... Parmi les galaxies les plus lumineuses qu'ils ont mis au jour, 3% sont bien spirales et non elliptiques. Les chercheurs montrent dans leur étude soumise à The Astrophysical Journal, que ces galaxies ressemblent à s'y méprendre à des galaxies spirales classiques, mais quand on calcule leur distance, on se rend compte à quel point elles sont énormes et brillantes. Cela peut expliquer pourquoi elles n'ont jamais été remarquées auparavant, car leur distance n'avait pas été évaluée. Dans leur vaste échantillon de galaxies, les astrophysiciens américains ont trouvé 53 galaxies spirales qui ont une luminosité comprise entre 8 et 14 L*. La spirale la plus grosse, située dans la constellation de Hercule, a un disque 4 fois plus vaste que celui de la Voie Lactée, soit environ 440 000 années-lumière.
Mais ces galaxies super spirales sont tout de même relativement rares, leur nombre a été estimé à 1 dans un volume cubique de 1 milliard d'années-lumière de côté. Ainsi, la super spirale la plus proche de nous se trouve à 1,2 milliards d'années-lumière.
Avant la découverte de cette cinquantaine de galaxies monstres, il existait un précédent, un seul, qui montrait une masse du même ordre, mais avec en revanche une luminosité beaucoup plus faible, la galaxie UGC 2885.
Avec un tel échantillon, les astronomes espèrent maintenant pouvoir comprendre comment ces galaxies ont pu apparaître. La grande question que les spécialistes se posent est "Pourquoi ces galaxies sont-elles si énormes tout en étant restées de forme spirale ?" C'est en effet plutôt des galaxies elliptiques que l'on devrait trouver avec de telles dimensions. Les galaxies elliptiques peuvent grossir énormément car elles se trouvent le plus souvent au cœur des amas de galaxies où elles peuvent avaler d'autres galaxies. Or les fusions de galaxies ont pour effet de casser la belle structure initiale en bras spiralés des jeunes galaxies.
Les galaxies spirales, même de taille normale, surpassent généralement de loin leurs consoeurs elliptiques en terme de formation d'étoiles, qui a lieu avant-tout dans les bras spiraux peuplés de gaz froid et de poussière. Les galaxies super spirales font encore mieux, bien sûr. Le taux de formation d'étoiles, qui donne le nombre d'étoiles produites par an dans une galaxie, atteint chez les super spirales jusqu'à 65 masses solaires/an.  Pour comparaison, notre petite Voie Lactée ne fabrique que 2 soleils par an.  

Simulation de la fusion de deux galaxies spirales produisant une galaxie elliptique massive.

Les galaxies spirales parviennent à continuer de fabriquer des étoiles en absorbant des grandes quantités de gaz intergalactique. Mais quand une galaxie devient très massive, le gaz qui tombe dans la galaxie s'échauffe d'avantage jusqu'à devenir trop chaud pour qu'il puisse se condenser en étoiles. Ce phénomène indique que ces galaxies spirales très massives ne devraient tout simplement pas exister... Or les super spirales continuent de grossir sous nos yeux. La plus massive de l'échantillon de Ogle et ses collaborateurs atteint la masse appréciable de 340 milliards de masses solaires en étoiles (matière ordinaire).
Les chercheurs sont donc à l'affût d'indices qui pourrait les mener à l'origine de ces galaxies super spirales. Ils ont notamment relevé, en regardant de près les détails de leur architecture respective, que 8% de ces galaxies  possèdent un double noyau (la partie centrale la plus brillante). Cet indice suggère que celles-ci seraient des résidus de la fusion de deux galaxies spirales plus petites. Mais normalement, la fusion de deux galaxies spirales doit produire une galaxie elliptique. Sauf dans un cas : si les deux galaxies qui s'approchent l'une de l'autre se situent exactement dans le même plan de rotation et qu'elles tournent dans le même sens, alors dans ce cas, la forme spiralée pourrait être conservée lors de la fusion.
Un autre indice vient apporter de l'eau à cette explication : deux galaxies super spirales de la population découverte par Ogle possèdent un quasar dans leur centre, la preuve de la présence d'un trou noir supermassif actif en train d'accréter de la matière. Le phénomène est souvent associé à l'existence récente d'un apport de matière fraîche, par une fusion galactique par exemple.

D'après les chercheurs, ces super spirales pourraient maigrir d'ici quelques milliards d'années lorsqu'elles arriveront à cours de gaz et cesseront leur production d'étoiles. Elles pourraient alors devenir des galaxies lenticulaires, la phase intermédiaire existant entre les spirales et les elliptiques, avec un disque mais sans bras spiraux.
Avant qu'elles ne disparaissent, les astrophysiciens ont heureusement largement le temps de les observer avec des outils toujours plus évolués pour tenter de comprendre le fin mot de l'histoire de ces monstres de beauté.


Référence :

Superluminous Spiral Galaxies
Patrick M. Ogle et al.
soumis à The Astrophysical Journal

2 commentaires :

blackhole a dit…

Bonsoir,
"La spirale la plus grosse, située dans la constellation de Hercule, a un disque 4 fois plus vaste que celui de la Voie Lactée, soit environ 440 000 années-lumière"
pour ceux qui ne sont pas pas de la partie ajouter "de diamètre"...
Sinon, article fort intéressant, comme d'habitude !
Merci.

Pascal a dit…

A-t-on une estimation de la masse totale de ces spirales géantes ? Elle semble un ordre de grandeur en dessous des plus grosses elliptiques (voie lactée ou M31 = 10^12 Mo, donc si M/L comparable, 10^13 Mo pour les spirales géantes, contre 10^14 Mo pour M87 par exemple)