dimanche 1 avril 2018

Supernovas de type II : Révélation de l'origine de l'impulsion des étoiles à neutrons


Les explosions de supernovas par effondrement de cœur (les supernovas de type II) laissent derrière elles un objet compact, étoile à neutrons ou trou noir, mais ces explosions sont très rarement de symétrie parfaitement sphérique, ce qui produit une impulsion, et donc une vitesse importante pour l'objet compact... 




Deux mécanismes sont aujourd'hui en compétition pour expliquer l'apparition de ce mouvement de recul qui peut atteindre une vitesse de plusieurs centaines de km/s pour les étoiles à neutrons. La première hypothèse impliquerait l'éjection anisotrope des débris stellaires au cours de la supernova, et la deuxième l'éjection anisotrope de neutrinos. Les modèles théoriques montrent par exemple qu'une anisotropie de seulement 3% de l'émission de neutrinos, qui correspond à une énergie énorme, produirait une vitesse de  recul de 1000 km/s pour une étoile à neutrons de 1,5 masses solaires. Mais une telle asymétrie de l'émission de neutrinos requiert la présence d'un champ magnétique supérieur à 1016 Gauss, ou de la nouvelle physique. Il avait aussi été montré il y a quelques années qu'une double explosion (dans un système binaire par exemple) ne pouvait pas produire les vitesses de reculs qui sont observées.
En 1000 ans, une étoile à neutrons animée d'une vitesse de 500 km/s aura ainsi parcouru une distance de de 1,66 année-lumière depuis son lieu de naissance.

L'équipe japonaise de Satoru Katsuda (Saitama University) a trouvé un indice crucial en faveur de la première solution, celle de l'éjection des débris stellaires : ils ont analysé les données de 6 jeunes résidus de supernovas (des jeunes étoiles à neutrons et leur voisinage proche) en rayons X (obtenues avec Chandra et XMM-Newton).
Les astrophysiciens se sont focalisés sur des résidus de supernova qui suivaient tous les critères suivants : relative jeunesse (quelques milliers d'années), ejectas de masse intermédiaire détectables en rayons X (éléments de type Silicium, Soufre, Argon ou Calcium) et présence de l'étoile à neutron à l'intérieur du résidu gazeux.

Les chercheurs japonais, dont l'étude est publiée dans The Astrophysical Journal, montrent que la composition chimique qui entoure le centre d'expansion de la supernova (le lieu où a effectivement eu lieu l'explosion, qui diffère légèrement de la position observée de l'étoile à neutrons) est très différente d'un côté et de l'autre, liée la direction du mouvement de l'étoile à neutrons.

Des éléments chimiques lourds, entre le silicium et le calcium, se retrouvent systématiquement en plus grande abondance du côté opposé à la direction du mouvement de l'étoile à neutrons. Par ailleurs, les astrophysiciens japonais n'observent aucune corrélation entre la vitesse des étoiles à neutrons de leur échantillon et l'intensité de leur champ magnétique.
Ces deux éléments convergent tous les deux vers l'hypothèse d'une origine hydrodynamique de l'impulsion des étoiles à neutrons, connectée à l'éjection asymétrique de matière au cours de l'explosion. L'autre hypothèse qui fait appel à l'émission de neutrinos dans une direction privilégiée après le confinement magnétique de réactions nucléaires lors de la naissance de l'étoile à neutrons dans l'effondrement stellaire se retrouve rejetée par ces observations.

En 2012 et 2013, des simulations hydrodynamiques 2D et 3D avaient montré exactement ce phénomène : une corrélation forte entre la direction et le module de la vitesse de l'étoile à neutrons et l'hémisphère de l'étoile précurseur où l'explosion avait été la plus forte et d'où les éléments lourds sont le plus expulsés.
Ce n'est pas la première fois que des éléments lourds (de l'oxygène au titane) sont observés autour de résidus de supernova de manière asymétrique et plutôt dans les directions opposées au mouvement de l'objet compact. Mais les astrophysiciens japonais apportent aujourd'hui des mesures quantitatives qui sont cohérentes avec des résultats obtenus l'année dernière par une autre équipe mais beaucoup plus précises. Ils peuvent ainsi conclure que le scénario de l'éjection de masse asymétrique est le bon scénario. Cette asymétrie des explosions de supernova de type II peut être dûe, selon les spécialistes, à des instabilités hydrodynamiques qui sont liées à des phénomènes de convection qui existent dans les quelques secondes fatidiques où la physique s'emballe au cœur des étoiles massives...


Source

Intermediate-mass Elements in Young Supernova Remnants Reveal Neutron Star Kicks by Asymmetric Explosions
Satoru Katsuda, Mikio Morii, Hans-Thomas Janka, Annop Wongwathanarat, Ko Nakamura, Kei Kotake, Koji Mori, Ewald Müller, Tomoya Takiwaki, Masaomi Tanaka, Nozomu Tominaga, and Hiroshi Tsunem
The Astrophysical Journal, Volume 856, Number 1
https://doi.org/10.3847/1538-4357/aab092


Illustrations

Simulations numérique de l'explosion asymétrique du coeur d'une étoile massive menant à une impulsion de la protoétoile à neutrons (ici vers les Z négatifs, avec une éjection de masse préférentiellement vers les Z positifs) (Nordhaus, J. et al. Phys.Rev. D82 (2010) 103016 )

1 commentaire :

Anonyme a dit…

Il est bon ce poisson d avril 😆
Sans blague, merci pour votre excellent site que je lis quotidiennement depuis plus de deux ans. Bravo ! Macte animo generoso puer, sic itur ad astra 😉