jeudi 1 novembre 2018

Voie Lactée : une fusion majeure il y a 10 milliards d'années


Très tôt dans son histoire, il y a 10 milliards d'années, notre galaxie a fusionné avec une autre galaxie quatre fois plus petite qu'elle. Cette découverte est le fruit d'une analyse de la dynamique des étoiles de notre galaxie mesurée par Gaïa, associée à une analyse chimique des populations d'étoiles. Cette preuve s'étale devant nos yeux sur tout le ciel.



Amina Helmi (Université de Groningen) et ses collaborateurs ont exploité les données recueillies durant les 22 premiers mois d'opération du télescope européen Gaïa. Ils se sont surtout intéressés aux étoiles dont on dispose à la fois des positions en 3 dimensions et des vitesses, soit un bel échantillon de 7 millions d'étoiles. Avec ces données, ils montrent qu'il existe une sous-population très particulière de 30000 étoiles environ qui semble se mouvoir en traversant notre Galaxie. Et ces étoiles se trouvent notamment aux alentours du Soleil et nous entourent littéralement. Les astrophysiciens publient leur étude cette semaine dans Nature. Ils y précisent que ces étoiles sortent du lot à cause de plusieurs effets : tout d'abord elles possèdent toutes une trajectoire allongée dans la direction opposée de la majorité des centaines de milliards d'étoiles de la Galaxie; de plus, elles sont différentes lorsqu'on les compare avec les autres étoiles dans le diagramme (couleur - luminosité).
Helmi et ses collègues ont très vite pensé que cette population très différente pouvait avoir un lien avec l'histoire de la formation de notre galaxie. Ils se sont donc attelé à faire des simulations de fusion de galaxies appliquées à notre galaxie. Et leurs résultats collent tout à fait avec ce qui est observé. Ces étoiles qui forment aujourd'hui une part importante du halo interne de notre Galaxie, des vieilles étoiles pour la plupart, qui forment une composante diffuse entourant la région centrale du bulbe galactique, proviennent bien d'une autre galaxie qui serait entrée en collision avec la Voie Lactée dans sa petite enfance il y a environ 10 milliards d'années, alors qu'elle était beaucoup moins grosse qu'aujourd'hui.
Les chercheurs montrent que cet événement de fusion galactique expliquerait l'existence d'une zone du disque qu'on appelle le "disque épais", qui contient entre 10 et 20% des étoiles de la Galaxie, dont l'origine était encore mal comprise. La fusion entre les deux galaxies aurait conduit selon eux à l'échauffement dynamique du précurseur du disque épais actuel, participant ainsi à son apparition dont la période peut être estimée à environ 10 milliards d'années.

Pour arriver à ces quasi-certitudes, l'équipe de Amina Helmi a complété ses analyses des données de Gaïa avec des analyses de la composition chimique des étoiles grâce au relevé APOGEE (APO Galactic Evolution Experiment), issu du grand relevé Sloan Digital Sky Survey III. Comme la composition chimique des étoiles moyenne varie d'une galaxie à l'autre, la moindre petite différence statistique donne une preuve supplémentaire d'une origine différente. Et c'est exactement ce qui se passe ici. 
En outre, l'équipe a repéré 13 amas globulaires qui ont une trajectoire similaire à celle des étoiles incriminées, laissant penser qu'ils faisaient eux aussi partie de la galaxie fusionnée.
Les astrophysiciens ont donc donné un nom à cette galaxie qui a fusionné il y a si longtemps avec notre galaxie : Gaïa-Enceladus. Le nombre relativement important d'amas globulaires qui semblent avoir appartenu à Gaïa-Enceladus donne une idée de la taille que devait avoir cette galaxie. Les chercheurs estiment qu'elle devait être de la taille du Petit Nuage de Magellan, soit 10 fois plus petite que la Voie Lactée d'aujourd'hui. Mais au moment de la fusion il y a 10 milliards d'années, notre galaxie était environ deux fois plus petite, ce qui ramène le ratio à 1 pour 4 selon Helmi et ses collaborateurs. Il s'agit donc de ce que l'on qualifie généralement de fusion majeure (major merger).

Ce qui est intéressant à noter dans cette belle découverte obtenue grâce à Gaïa, c'est que l'un des objectifs initiaux de la mission astrométrique de Gaïa était justement d'examiner les distributions d'étoiles de notre galaxie pour en reconstruire l'histoire ancienne. Il semble donc que l'objectif commence à être atteint.


Source

The merger that led to the formation of the Milky Way's inner stellar halo and thick disk
A. Helmi et al.
Nature 563 (01 november 2018) 


Illustrations

Vues d'artiste des traces de la fusion ancienne entre la Voie Lactée et Gaïa-Enceladus, les flèches jaunes indiques les positions et vitesses des étoiles  (ESA; Koppelman, Villalobos and Helmi; NASA/ESA/Hubble)



Aucun commentaire :