L'objet J0453+1559 est un pulsar binaire : la composante principale est un pulsar de 1,56 masses solaires qui est détecté par ses pulsations radio, et la compagne du couple est une étoile invisible de 1,17 masses solaires. Alors que les astrophysiciens pensaient jusque là qu'il devait s'agir d'une seconde étoile à neutrons, l'étoile à neutrons le moins massive connue, un duo d'astrophysiciens danois et allemand proposent qu'il pourrait s'agir en fait non pas d'une étoile à neutrons, mais d'une étoile naine blanche à l'origine un peu particulière... Une étude parue dans The Astrophysical Journal Letters.
L'hypothèse que cette étoile de seulement 1,17 masses solaires soit une étoile à neutrons n'avait été faite que sur la base de la forme de l'orbite du système binaire, qui montrait une excentricité assez importante (e=0,11). Une telle excentricité de l'orbite laisse en effet penser qu'il a dû y avoir 2 supernovas, et donc 2 résidus de type étoile à neutrons. En effet, un pulsar en train d'accréter de la matière d'une étoile compagne "normale" (même naine blanche) devrait avoir pour effet de "circulariser" l'orbite. L'orbite trop elliptique est donc un fort indice d'une seconde supernova.
Mais les modèles d'évolution stellaire et de supernova ont vraiment du mal à produire un résidu de type étoile à neutrons d'aussi petite masse. C'est pour cette raison que Thomas Tauris (Université de Aarhus) et Hans-Thomas Janka (Max Planck Institut für Astrophysik) ont cherché une explication alternative pour cet astre aujourd'hui indétectable, qui ne peut pas être non plus un trou noir du fait de sa trop faible masse.
Les deux chercheurs proposent ainsi que cette seconde composante de J0453+1559 pourrait être une naine blanche mais issue d'une supernova par capture électronique de type thermonucléaire (tECSN). Dans ce type de supernova, une étoile massive qui a été fortement dépouillée de son enveloppe voit son cœur composé d'oxygène et de néon exploser de manière incomplète en éjectant de grandes quantités de matière (plusieurs dixièmes de masse solaire) et en laissant derrière elle non pas une étoile à neutrons comme dans les supernovas à effondrement de cœur plus classiques mais une naine blanche Oxygène/Néon/Fer.
Plus précisément, dans le cœur de l'étoile progénitrice, les noyaux d'atomes de Ne-20 capturent des électrons pour se transformer en Fluor-20 qui fait le même chose pour devenir de l'oxygène-20. Ce dernier isotope, hautement radioactif, émet des photons gamma qui vont échauffer le plasma environnant. Cet échauffement intense a pour effet d'initier la fusion nucléaire du néon et de l'oxygène et comme le plasma est "dégénéré", la fusion nucléaire s'emballe et s'étend vers l'extérieur. Le front de réactions thermonucléaires laisse derrière lui une région où la densité électronique et forte et inversement, les "cendres" de la fusion nucléaire sont très déleptonisées (pauvres en électrons). Lorsque la déleptonisation est si rapide que les réactions de fusion ne peuvent pas la contrebalancer, le cœur s'effondre rapidement en une étoile à neutrons, mais quand les réactions de fusion thermonucléaires fournissent suffisamment d'énergie pour lever la dégénérescence électronique, l'étoile est soufflée partiellement, ou entièrement.
L'hypothèse que font les deux astrophysiciens d'un tel cataclysme atypique permet de concilier à la fois la présence d'une étoile de seulement 1,17 masses solaires qui serait donc une naine blanche, peu lumineuse et l'existence passée d'une seconde supernova produisant l'excentricité de l'orbite qui est observée (il calculent que l'explosion partielle aurait dû induire un "kick" (une impulsion) de 69 km/s sur la naine blanche, ce qui est réaliste.
Tauris et Janka concluent leur article en rappelant que des études doivent être poursuivies sur le processus de supernova de type tECSN pour confirmer la viabilité de leur scénario. Quoiqu'il en soit, selon eux, tant que les questions ouvertes concernant le phénomène, vu comme un canal pertinent de production de naines blanches, ne sont pas réglées, PSR J0453+1559 ne pourra pas être classé simplement comme une double étoile à neutrons sur la seule base de l'excentricité de l'orbite.
Les deux chercheurs évoquent enfin que d'autres pulsars doubles auraient pu être mal classifiés et pourraient en fait ressembler à PSR J0453+1559...
Source
J0453+1559: A Neutron Star–White Dwarf Binary from a Thermonuclear Electron-capture Supernova?
Thomas M. Tauris and Hans-Thomas Janka
The Astrophysical Journal Letters, Volume 886, Number 1 (20 november 2019)
Illustration
Vue d'artiste d'un système binaire pulsar/étoile naine blanche (Université de Warwick)
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