22/11/19

Un trou noir ultramassif qui induit la formation de millions d'étoiles


Il y a un mois, je vous parlais d'une détection de rayons X dans une lentille gravitationnelle produite par l'amas de galaxies du Phénix. Nous nous intéressons aujourd'hui à l'amas du Phenix lui-même, où le trou noir supermassif de la galaxie centrale a été observé de près en multi-longueurs d'ondes (X, visible et radio). Les observations montrent que le trou noir supermassif induit la production de très nombreuses étoiles, a contrario de la plupart des trous noirs supermassifs qui ont plutôt un effet inverse... Une étude parue dans The Astrophysical Journal.




Michael McDonald (MIT) et ses collaborateurs ont combiné les données de Chandra (rayons X), Hubble (visible) et du Very Large Array (VLA) (ondes radio) pour mener leurs investigations sur l'environnement proche du centre de la grosse galaxie elle-même centrale de l'amas du Phenix. 
L'image composite obtenue montre le gaz chaud par les rayons X, les jets par les ondes radio et les galaxies et les filamnets de gaz froid où se forment les étoiles. Le trou noir supermassif qui s'y cache pourrait être qualifié d'ultramassif : il fait 5,8 milliards de masses solaires, plus de 1000 fois plus massif que le trou noir de notre galaxie...
Depuis plusieurs décennies, les astrophysiciens ont toujours trouvé que de tels monstres de l'espace-temps produisaient indirectement des jets de particules et de rayonnement qui impactaient leur environnement jusqu'à des distances considérables en échauffant le gaz ou en l'empêchant de se refroidir. Et qui dit gaz chaud, dit difficulté de former des étoiles. Les trous noirs supermassifs sont donc réputés pour perturber fortement la formation des étoiles dans le mauvais sens. Mais l'amas de galaxies du Phénix semble indiquer un effet en sens inverse : un flot de gaz froid en grande quantité se trouve à proximité du trou noir, vers le centre de l'amas. 12 milliards de masses solaires de gaz froid sont localisées dans des "filaments" situés au nord et au sud du trou noir supermassif.  McDonald  et ses collègues estiment que ces structures ont été produites par des sursauts d'activité du trou noir qui sont égalemet à l'origine des jets de particules partant dans des directions opposées et que révèlent les émissions radio détectées avec le VLA. Les jets émanant du trou noir central auraient créé des sortes de cavités dans le milieu intergalactique composé de gaz chaud. Ces cavités (ou bulles) sont très bien observées en rayons X avec Chandra.

Les chercheurs observent que dans la zone interne dans un rayon de 10 kpc, la durée de refroidissement du gaz est 10 fois plus courte que dans n'importe quel autre amas de galaxie. Et la durée de chute du gaz est quasi égale à la durée de refroidissement, ce qui fait dire aux astrophysiciens que le gaz intra-amas (chaud) n'est pas capable de résister à la condensation multiphasique sur une échelle de l'ordre du kiloparsec.

Les filaments de gaz froid (10 000 K) sont localisés autour des bords des cavités, et représentent une masse atteignant 10 milliards de masses solaires!  Et les chercheurs arrivent à la conclusion que ce sont les "éruptions" du trou noir qui emportent ce gaz plus froid dans les bulles. Et plus on se retrouve loin du trou noir, plus le gaz peut refroidir vite, conduisant à la formation de très nombreuses étoiles : le taux formation stellaire dans cette région centrale de l'amas du Phénix est de 500 masses solaires par an, donc 500 fois plus que ce produit notre vieille Voie Lactée.
Les astrophysiciens notent cependant que l'activité du trou noir doit quand-même avoir un petit effet négatif sur la formation des étoiles en échauffant un peu le gaz via la production de turbulence et d'ondes de choc, mais juste pendant le temps d'une "éruption". Une fois celle-ci finie, l'accumulation de gaz froid reprend et le cycle de formation stellaire intense se répète.


Source

Anatomy of a Cooling Flow: The Feedback Response to Pure Cooling in the Core of the Phoenix Cluster
M. McDonald et al.
The Astrophysical Journal, Volume 885, Number 1 (31 october 2019)


Illustrations

Image composite de la région centrale de la galaxie centrale de l'amas du Phénix : visible + rayons X (mauve) et radio (rouge) (NASA/CXC/MIT/M.McDonald et al; NRAO/VLA; NASA/STScI)

1 commentaire :

Jean-Paul a dit…

Quand même, toutes ces anomalies, c'est un Mond ! :-)