Un sursaut de rayons X très puissant a été détecté par le télescope NICER sur un pulsar milliseconde situé à 11000 années-lumière, ce sursaut de "type I" aurait été produit par une explosion thermonucléaire massive à la surface de l'étoile à neutrons. Une étude parue dans The Astrophysical Journal Letters.
Le télescope de la NASA Neutron star Interior Composition Explorer (NICER) est installé sur la station spatiale internationale depuis juin 2017 pour observer les pulsars (voir ici pour plus de détails). Le sursaut de rayons X très puissant (autant d'énergie en 20 s que l'énergie émise par le Soleil en 10 jours) a été détecté le 20 août 2019. Durant une exposition de 1063 s, une brutale augmentation de taux de comptage de photons X entre 0,3 et 10 keV est apparue après 442 s : il est passé de 125 coups/s en moyenne à environ 34000 coups/s, et ce en 4,3 s. Le taux maximum s'est ensuite maintenu pendant 3,6 s avant de décroitre pendant une minute. Après 64 s, le taux de comptage n'était plus que de 5% du maximum et à la fin de la période d'enregistrement, 621 secondes après le t0, le flux de rayons X n'était plus que de 172 coups/s.
Le pulsar en cause est appelé SAX J1808.4-3658, c'est une étoile à neutrons qui a une période de rotation sur elle-même de 2,29 millisecondes, soit 401 tours par seconde. Et elle forme un système binaire avec une naine brune (une étoile ratée).
Peter Bult (Goddard Space Flight Center) et ses collaborateurs (dont le français Sébastien Guillot de l'IRAP à Toulouse) ont observé le sursaut de rayons X le plus intense qu'ils n'avaient jamais vu avec NICER. Ils l'expliquent par le fait que de l'hydrogène est accrété autour du pulsar à partir de la naine brune compagne, et environ une fois toutes les quelques années, selon les astrophysiciens, le disque d'accrétion devient suffisamment dense pour s'ioniser . Or, une fois ionisé, le disque d'accrétion retient plus facilement l'énergie rayonnée par le pulsar, il s'échauffe alors encore plus, s'ionise plus et s'échauffe encore plus...Et c'est alors que le gaz devient plus "visqueux" et se met alors à spiraler et tomber vers la surface de l'étoile à neutrons.
Selon Bult et ses collaborateurs, l'hydrogène qui atteint la surface de l'astre compact forme une sorte de couche de surface sur toute la superficie de l'étoile à neutrons (10 km de rayon seulement). A la base de cette couche très chaude, la pression et la température augmentent énormément jusqu'à atteindre les valeurs nécessaires pour la fusion de l'hydrogène en hélium, libérant de l'énergie au passage, comme ce qui se passe à chaque instant au coeur du Soleil.
Les chercheurs reconstruisent les processus qui ont dû se passer à partir de l'évolution temporelle et spectrale des rayons X détectés. Ils expliquent ainsi que l'hélium formé, plus lourd que l'hydrogène, "sédimente" et se retrouve à son tour au niveau de la surface de l'étoile à neutrons. Au moment où la couche d'hélium fait une épaisseur d'environ 1 mètre, les conditions sont requises pour que l'hélium fusionne à son tour pour former du carbone. C'est alors qu'a lieu une véritable explosion thermonucléaire qui embrase toute la couche d'hélium sur la totalité de la surface de l'étoile à neutrons.
Les données de NICER montrent que la luminosité des rayons X a augmenté fortement d'abord une première fois, puis une seconde fois environ 1 seconde plus tard, mais moins vite, pour atteindre un maximum deux secondes après. Les astrophysiciens interprètent ce "décrochage" comme le moment où l'énergie de l'explosion a été suffisante pour souffler toute la couche d'hydrogène vers l'espace. L'onde de choc s'est ensuite poursuivie et le pic de luminosité X semble correspondre au moment où c'est la couche d'hélium résiduel qui est à son tour expulsée.
Selon Peter Bult et ses collègues, l'évolution temporelle du flux X mesurée par NICER indique que la couche d'hélium éjectée par l'embrasement thermonucléaire était plus rapide que la couche éjectée d'hydrogène, elle l'aurait alors rattrapée avant que celle-ci ne se soit complètement dissipée, aurait donc ralenti, se serait arrêtée puis serait retombée vers la surface de l'étoile à neutrons.
Les astrophysiciens mesurent également une oscillation du signal du sursaut X, dont la période est exactement celle de la rotation du pulsar, ce qui était attendu. Qui plus est, la forme de l'onde sinusoïdale que forme ce signal ressemble très fortement à celle de la pulsation "normale" du pulsar. Les chercheurs en concluent que l'origine de l'émission de rayons X du sursaut est localisée et forme un "point chaud" qui doit se situer dans la même région que celle de la source d'ondes radio, qui est déterminée, elle, par le champ magnétique de SAX J1808.4-3658...
Source
A NICER Thermonuclear Burst from the Millisecond X-Ray Pulsar SAX J1808.4-3658
Peter Bult et al.
The Astrophysical Journal Letters 885, L1 (23 october 2019)
Illustrations
1) Vue simulée de NICER dans sa position d'exploitation sur l'ISS (gros cube à gauche) (NASA)
2) Evolution temporelle du taux de comptage des rayons X du burst entre 0,3 et 10 keV (en haut) et de la dureté du spectre (ratio du flux de rayons X de 3 à 10 keV sur le flux de 0,3 à 1 keV) (en bas) (Bult et al.)
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