IGR J16318-4848 est un système binaire X, il est composé d'une jeune étoile supergéante et d'un astre compact, trou noir ou pulsar. L'objet compact est en train d'accréter de la matière de la supergéante, ce qui produit son fort échauffement et l'émission de rayons X. Mais ce système est atypique, il apparaît très obscurci, tellement qu'il ne laisse sortir que les rayons X les plus énergétiques. De nouvelles observations par deux télescopes X permettent de comprendre ce qui se passe dans IGR J16318-4848. Une étude publiée dans Astronomy&Astrophysics.
IGR J16318-4848 a été découvert en 2003 et est resté mystérieux depuis tout ce temps. Son spectre de rayons X montre non seulement une très forte absorption, mais aussi des raies très intenses, caractéristiques d'émission de fluorescence des atomes du fer et du nickel. La fluorescence, c'est le processus qui apparaît quand le cortège électronique d'un atome se trouve modifié par un rayonnement ionisant qui éjecte un électron. S'en suit alors un réarrangement des autres électrons de l'atome pour combler la place laissée vacante par l'électron éjecté. Cette réorganisation des électrons dans les orbitales de l'atome s'accompagne de l'émission de photons d'énergie égale à la différence d'énergie entre les niveaux (quantifié) d'où ils viennent et où ils vont. Pour les électrons les plus internes d'un cortège électronique, ces énergies sont de l'ordre du keV ou de la dizaine de keV, les photons produits sont donc dans le domaine des rayons X. Et chaque atome possède un nombre d'électrons différents répartis sur des niveaux d'énergie différents. Les rayons X de fluorescence sont donc bien caractéristiques d'un élément chimique.
Ralf Ballhausen et ses collaborateurs ont exploité deux télescopes spatiaux spécialisés dans la détection des rayons X : l'américain NuStar et l'européen XMM-Newton pour tenter de comprendre comment était possible une si forte absorption et en même temps de si intenses raies de fluorescence du fer et du nickel, sans que soit observée une raie d'absorption du fer à la forme particulière. De plus, une des rares observations du télescope japonais Hitomi avant sa défaillance en 2012 avait montré que le matériau absorbant de IGR J16318-4848 (notamment le fer) ne devait pas être hautement ionisé, ce qui paraît étonnant à proximité immédiate d'un tel flux de rayons X.
Les chercheurs ont utilisé une nouvelle approche pour modéliser l'absorption et la fluorescence du système binaire à partir des données collectées. Les précédentes études sur l'émission X des systèmes binaires de grande masse comme IGR J16318-4848 étaient faites en considérant une faible densité de plasma ionisé entourant le couple. Mais Ballhausen et ses collaborateurs ont noté que de récentes observations en infra-rouge avaient montré la présence probable de poussière chaude et froide. Ils ont donc pris en compte une présence de poussière au lieu de plasma pour voir quel serait son impact sur les rayons X. Et bingo, ça colle ! La mesure sur une grande plage en énergie de NuStar et la très bonne résolution de XMM-Newton entre 5 et 10 keV là où se trouvent les raies du fer, permettent de dire que les effets observés sont induits par une grosse quantité de poussière qui entoure le système binaire.
La fluorescence qui est observée ne peut avoir lieu avec cette intensité que si un cocon de poussière massif est présent, qui n'est pas ionisé sous l'effet des rayons X, mais qui induit un fort effet Compton (diffusion).
Les astrophysiciens proposent une composition pour cette poussière, qui n'est pas forcément unique : il s'agirait d'olivine, un silicate de magnésium et de fer (qu'on trouve aussi sur Terre). Cette matière sous forme de grains est issue de la supergéante qui est en train de perdre son enveloppe via des vents stellaires intenses. Ce vent de matière peut tout à fait finir par former un gros nuage entourant le système binaire et l'obscurcir fortement.
La reconnaissance de l'importance de la poussière est un nouveau pas dans notre compréhension de cette source complexe et est cruciale pour comprendre les binaires X en général. On va pouvoir mieux cerner désormais comment se comportent et évoluent les étoiles massives en couple lorsqu'elles perdent d'importantes quantités de masse. De futures observations sur des systèmes similaires nous diront si IGR J16318-4848 est unique en son genre ou bien s'il s'agit d'un exemple parmi les plus extrêmes concernant la poussière circumstellaire.
Source
Dust and Gas Absorption in the High-Mass X-ray Binary IGR J16318-4848
Ballhausen et al.
Astronomy & Astrophysics 641, A65 (15 september 2020)
Illustration
Vue d'artiste de IGR J16318-4848 observée par NuStar et XMM-Newton (Victoria Grinberg, co-auteure de cette étude)
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