mardi 27 avril 2021

Etoiles géantes variables à longue période : un vieux mystère élucidé


Le petit mystère des étoiles géantes variables dites à longue période secondaire vient d'être percé. Le phénomène est resté inexpliqué durant plusieurs décennies... L'étude est parue dans The Astrophysical Journal Letters.

C'est grâce à des observations en infra-rouge que des centaines d'étoiles géantes évoluées ont été étudiées par Igor Soszyński (Université de Varsovie) et ses collègues polonais. Il s'agit ici d'étoiles qui ressemblaient au Soleil il y a quelques milliards d'années. Elles ont depuis enflé pour atteindre une taille 100 fois plus grande en engloutissant les planètes qu'elles pouvaient posséder. Souvent, ces étoiles qui arrivent aux dernières étapes de leur vie deviennent variables : elles présentent des changements de luminosité qui peuvent être causés soit par des pulsations intrinsèques, soit par des mouvements de cellules de convection dans leur enveloppe, ou encore par la présence de poussière circumstellaire. La plupart de ces variabilités des géantes rouges est assez bien comprise, mais il existe un autre type variabilité qui est resté très longtemps mystérieux : c'est celle dite des longues périodes secondaires. 
En plus de leur variation ordinaire par pulsations, les géantes rouges à longue période secondaire montrent des creux réguliers dans leurs courbes de lumière optique qui se produisent sur des échelles de temps d'un ordre de grandeur supérieur à celui des pulsations ordinaires, généralement plusieurs mois à plusieurs années. Ces étoiles évoluées à longue période secondaire sont d'ailleurs fréquentes : au moins un tiers des étoiles géantes lumineuses et des supergéantes montrent ces variations à longue période.
Soszyński et ses collaborateurs ont décidé de comprendre l'origine de ces variations à longue période secondaire, notamment déterminer si cette pulsation était intrinsèque à l'étoile ou bien s'il elle est induite par un facteur externe.
Après avoir rassemblé un échantillon de 16000 étoiles variables à longue période secondaire de la Voie Lactée et des Nuages de Magellan, les astrophysiciens ont pu obtenir les courbes de luminosité (variation dans le temps) pour 700 d'entre elles avec le télescope NEOWISE-R dans l'infra-rouge. Soszyński et ses collaborateurs ont ensuite comparé les courbes de luminosité dans l'infra-rouge et les courbes de luminosité dans le visible et ils ont tout de suite constaté quelque chose d'étonnant : les courbes dans le visible montrent bien une baisse à longue période, mais pour une bonne moitié des étoiles étudiées les courbes en IR montrent elles deux creux, le deuxième étant exactement déphasé par rapport au premier. 
C'est ce petit détail qui a mis Soszyński  et son équipe sur la piste de l'origine de cette variation de luminosité à longue période. Le fait de voir deux baisses de luminosités exactement déphasées fait tout de suite penser à un système binaire à éclipse. Pour les chercheurs, la variation à longue période serait simplement due à l'apparition d'éclipses produites par un compagnon binaire, une naine brune ou une petite étoile. La solution qui fonctionne le mieux est une naine brune qui est enveloppée d'un halo de poussière. Un petit corps de type planète a pu accaparer de la masse à partir de l'enveloppe en expansion de la géante rouge, et finir par atteindre la taille d'une naine brune.
Les chercheurs montrent que lorsque ce compagnon substellaire, accompagné d'un halo de poussière, passe entre nous et la géante rouge, il produit des éclipses à longue période dans la lumière optique et infrarouge de l'étoile. Et lorsqu'il passe ensuite derrière l'étoile, son émission propre (celle de la naine brune et du halo de poussière), principalement infrarouge, disparaît brièvement, provoquant la seconde éclipse secondaire qui est observée uniquement dans les longueurs d'onde infrarouges.
Le nuage de poussière qui entoure la naine brune joue un rôle important car c'est lui qui est surtout à l'origine de la seconde baisse de luminosité infra-rouge lorsqu'il se retrouve derrière l'étoile. Et les astrophysiciens polonais ont démontré à partir des données des courbes de luminosité (par exemple la largeur et la profondeur des creux à deux longueurs d'ondes différentes) que le nuage de poussière peut avoir une forte hétérogénéité en densité et qu'il peut atteindre une température de 1500 K dans sa zone la plus dense. Dans le cas où l'inclinaison orbitale est faible ou que la température est plus basse, la seconde éclipse en IR pourrait simplement ne pas être visible, ce qui expliquerait pourquoi la moitié de l'échantillon seulement montre le signal révélateur.

Cette solution au mystère vieux de plus de 50 ans de la variabilité périodique secondaire des géantes rouges ouvre la voie à de nouvelles découvertes. En étudiant la forme des éclipses dans les courbes de lumière de ces étoiles variables, nous pouvons maintenant espérer en apprendre plus sur la façon dont les étoiles comme le Soleil évoluent avec leurs planètes. Le phénomène de variabilité à longue période secondaire des géantes rouges devient aussi un détecteur efficace d'exoplanètes ou de naines brunes. 


Source

Binarity as the Origin of Long Secondary Periods in Red Giant Stars
I. Soszyński et al. 
The Astrophysical Journal Letters, Volume 911, Number 2 (16 April 2021) 


Illustration

Vue d'artiste d'une naine brune entourée de poussière en orbite autour d'une géante rouge (Maciej Szyszko) 

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