mercredi 26 octobre 2022

Détection de baryum dans l'atmosphère de 2 Jupiters ultra-chaudes


Une équipe d'astronomes a observé la présence de baryum dans l'atmosphère de deux exoplanètes de type Jupiters chaudes. C'est l'élément le plus lourd qui a pu être observé dans l'atmosphère d'une exoplanète, et c'est surprenant car il ne devrait pas se trouver dans la haute atmosphère... L'étude est parue dans Astronomy&Astrophysics.

C'est avec le Very Large Telescope de l'ESO et son instrument spectrographique ESPRESSO que Tomas de Azevedo Silva (université de Porto) et ses collaborateurs ont découvert accidentellement du baryum à haute altitude dans l'atmosphère de deux géantes gazeuses ultra-chaudes : WASP-76 b et WASP-121 b en analysant la lumière des étoiles filtrée par les atmosphères de ces deux exoplanètes lors de leurs transits. 
WASP-76 b et WASP-121 b ne sont pas des inconnues, leurs atmosphères ont déjà été étudiées avec à la clé la mise en évidence de multiples espèces chimiques et de fortes signatures de leur dynamique atmosphérique. De Azevedo Silva et ses collaborateurs ont réanalysé les observations de transit effectuées avec ESPRESSO au Very Large Telescope pour tenter de détecter des espèces chimiques supplémentaires, mais ils ne pensaient pas tomber sur du baryum...
Cette découverte inattendue soulève des questions sur la nature de ces atmosphères exotiques. 
Outre le Ba+, les astrophysciens apportent également de nouvelles détections supplémentaires de Cobalt et Strontium ionisé et une détection provisoire de Ti+ pour WASP-121b. Ils confirment également la présence de Ca+, Cr, Fe, Li, Mg, Mn, Na, et V sur WASP-76b et WASP-121b, avec l'ajout de Ca, Fe+, et Ni pour cette dernière. 
D'autre part, WASP-121b a une particularité : l'absorption induite par le Ca+ se trouve être asymétrique, c'est à dire qu'il apparaît un excès d'absorption aux longueurs d'onde plus bleues et un rayon de planète effectif au-delà du lobe de Roche. Ceci indique selon les chercheurs que le signal pourrait provenir d'un échappement de l'atmosphère planétaire. Et dans l'ensemble,  De Azevedo Silva et son équipe montrent que la plupart des raies spectrales des espèces détectées sont décalées vers le bleu par rapport à leur position attendue dans le spectre d'absorption. Cette tendance a également été observée dans des études précédentes (Cauley et al. 2021 ; Pai Asnodkar et al. 2022) et les chercheurs l'expliquent par la présence de vents traversant le terminateur, qui se déplacent du côté jour vers le côté nuit de la planète.
Les chercheurs notent également la tendance à l'ionisation des métaux alcalino-terreux (Ca+, Sr+, et Ba+). La présence de ces espèces ionisées lourdes à haute altitude dans les atmosphères des Jupiters ultra chauds pourrait être la preuve d'une dynamique atmosphérique inattendue selon eux. 

WASP-76 b et WASP-121 b ne sont pas des exoplanètes ordinaires. Elles sont ultra-chaudes, leur taille est comparable à celle de Jupiter, mais leur température de surface avoisine les 2500 K. Cela est dû à la proximité de leur étoile hôte, ce qui signifie également qu'une orbite autour de chaque étoile ne dure qu'un à deux jours. Les chercheurs estiment que ces planètes ont ainsi des caractéristiques exotiques ; dans le cas de WASP-76 b, par exemple, les astronomes soupçonnent qu'il pleut du fer... Mais malgré cela,  trouver du baryum, qui est 2,5 fois plus lourd que le fer (masse atomique de 135 pour un numéro atomique de 56) , dans les couches supérieures de l'atmosphère de WASP-76 b et WASP-121 b est très inattendu.  Logiquement, du fait de la forte gravité de ces planètes géantes, on s'attendrait à ce que les éléments lourds comme le baryum tombent rapidement dans les couches inférieures de l'atmosphère.
Tomas de Azevedo Silva ne s'avancent pas plus loin pour explorer les mécanismes qui pourraient expliquer la présence de ces espèces dans les couches supérieures de l'atmosphère de WASP-76 b et WASP-121 b. Ils encouragent simplement la communauté astrophysique à poursuivre les études de l'atmosphère de ces planètes (par des observations ou des modélisations), afin de comprendre ce qui se passe là-haut.

Grâce à de futurs instruments, tels que le spectrographe à échelles à haute dispersion ANDES, qui fonctionnera sur le prochain Extremely Large Telescope (ELT) de l'ESO, les astronomes pourront étudier les atmosphères des exoplanètes, grandes et petites, y compris celles des planètes rocheuses semblables à la Terre, de manière beaucoup plus approfondie et recueillir davantage d'indices sur leur nature...


Source

Detection of barium in the atmospheres of the ultra-hot gas giants WASP-76b and WASP-121b, Together with new detections of Co and Sr+ on WASP-121b
T. Azevedo Silva et al.
A&A Volume 666, L10 (13 October 2022)


Illustration

Vue d'artiste d'une Jupiter ultra chaude passant en transit devant son étoile (ESO/M. Kornmesser)

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