30/04/23

Découverte de 25 nouvelles sources de FRB répétitifs


La collaboration CHIME/FRB, leader dans le domaine de la détection des sursauts rapides d'ondes radio vient de publier la découverte de 25 nouvelles sources de sursauts qui sont répétitifs. On a toujours du mal à savoir si les FRB répétitifs sont différents des FRB uniques, mais il semble que les sursauts répétitifs soient systématiquement plus proches que les sursauts uniques, un indice très intéressant... L'étude est publiée dans The Astrophysical Journal.

Ces 25 nouvelles sources de sursaut radio rapide (FRB) répétitives ont été trouvées parmi les événements CHIME/FRB détectés entre le 30 septembre 2019 et le 1er mai 2021. Les sources ont été trouvées à l'aide d'un nouvel algorithme de regroupement qui recherche plusieurs événements colocalisés dans le ciel ayant des mesures de dispersion similaires (la mesure de dispersion est un indicateur de la distance). Les nouveaux répéteurs incluent des sources ayant présenté entre 2 et 12 sursauts. Cela porte le nombre de FRB répétitifs connus à 46 à la date de la rédaction de cet article fin 2022, mais le site dédié aux FRB répétitifs qui est mis à jour en continu en décompte déjà 59 au 29 avril 2023. Dans leur article, les chercheurs de la collaboration CHIME annoncent qu'ils ont aussi identifié 14 autres sources qui sont pour l'instant au stade de candidates. A noter que le célébrissime FRB 20200428, qui provient d'un magnétar de notre galaxie, et qui a été détecté au cours de la période étudiée dans cet article, n'apparaît pas dans la liste de ces nouvelles sources, malgré le fait que lui aussi s'est répété. C'est tout simplement parce que sa découverte a été l'objet déjà de nombreuses publications, rien que pour lui tout seul... 
A partir de ces nouvelles sources de FRB répétitifs, les chercheurs calculent que la fraction des FRB répétitifs parmi tous les FRB détectés est de 2,6%. Il faut rappeler qu'il n'est pas encore clair si tous les FRB se répètent, quelle fraction de sources répétitives montre une activité périodique et sur quelles échelles de temps les répéteurs sont actifs. Il se peut en effet que les FRB sont tous répétitifs mais qu'on ne voit pour la plupart d'entre eux que le sursaut le plus brillant et pas les autres. Il se peut également que la source à l'origine de ces sursaut ait une durée de vie limitée et ne puisse pas forcément répéter un sursaut radio après un premier. En moyenne, les sursauts répétés sont observés comme étant plus longs en durée et avec une bande passante plus étroite que pour les sursauts provenant de sources non répétitives, comme l'a montré la collaboration CHIME en 2021. Mais il n'est pas clair si cette différence observée représente une différence intrinsèque entre les deux populations, ou bien si elle est causée par un effet de propagation lié à des environnements différents, ou encore si elle est due à un effet de sélection qui conduit à l'observation de deux extrêmes sur un continuum de propriétés des sources.
Ce sont évidemment les FRB répétitifs qui offrent la meilleure opportunité pour des observations de suivi détaillées. Les plus prolifique des répéteurs : FRB 20121102A, FRB 20180916B, FRB 20190520B, FRB 20200120E et FRB 20201124A ont fourni de nombreuses informations. Tous les cinq ont été localisés avec une précision inférieure à la seconde d'arc. Ils sont associés respectivement à une galaxie naine formatrice d'étoiles, une galaxie à disque, une autre galaxie naine formatrice d'étoiles, un amas globulaire et une galaxie barrée, ce qui démontre que les répéteurs sont localisés dans une variété de types d'hôtes. Et deux sources de FRB répétitifs qui vivent dans des environnements magnéto-ioniques extrêmes coïncident avec des sources radio persistantes. 
En combinant les données des répéteurs précédemment signalés par CHIME avec ces nouveaux, les chercheurs démontrent qu'en moyenne, les mesures de dispersion des répéteurs sont inférieures à celles des sources apparemment non répétitives. Les FRB répétitifs sont donc en moyenne moins loin que les FRB uniques... Pour les astrophysiciens, cela semble être au moins en partie un biais d'observation, puisque pour des fonctions de luminosité raisonnables, les répéteurs proches seront trouvés de préférence puisque leur deuxième sursaut et les suivants pourraient être plus faibles mais quand même détecté, alors que plus éloigné, on aurait pu en détecter qu'un seul, le plus intense de tous. D'ailleurs, les chercheurs de CHIME notent également qu'il y a légèrement plus de FRB répétitifs vers le zénith, et cette direction dans le ciel est comme par hasard celle où la sensibilité du radiotélescope est la meilleure, ce qui irait donc dans le même sens, disant que les FRB uniques se répéteraient aussi mais qu'on n'aurait vu que leur sursaut le plus brillant.
Mais cela pourrait également signaler une origine astrophysique distincte pour les répéteurs par rapport aux sources non répétitives, pour les astrophysiciens de CHIME, qui ne peuvent rien prouver pour le moment. Des études détaillées de synthèse de population qui tiennent compte des nombreux biais observationnels et instrumentaux seront nécessaires pour démêler ces effets. La possibilité d'origines physiques distinctes est soutenue, mais non prouvée, par des spectres dynamiques qui sont statistiquement différents entre les deux groupes, avec des sursauts plus larges et des spectres plus étroits pour les répéteurs, un résultat établi en 2021 par la collaboration et qui est fortement étayé par l'analyse du nouvel échantillon désormais beaucoup plus large.
Fait intéressant, les chercheurs de CHIME ne détectent aucune bimodalité significative dans les taux de répétition des répéteurs et des non-répéteurs apparents, bien que les répéteurs les plus actifs aient des taux anormalement élevés par rapport à la majeure partie de la population étudiée. Alors qu'ils  mesurent  2,6% de sources de FRB répétées dans l'ensemble des sources de FRB, le manque de bimodalité dans les taux de sursauts entre les populations suggère selon les chercheurs qu'une partie des non-répéteurs apparents peut encore se répéter et ils ne peuvent donc pas exclure que tous les FRB se répètent éventuellement.
La découverte du premier FRB répétitif FRB 20121102A date de 2016 (Spitler et al. 2016 ;Scholz et al. 2016 ) et un an plus tard sa galaxie hôte avait été identifiée (Chatterjee et al. 2017 ;Marcotte et al. 2017 ;Tendulkar et al. 2017 ). Jusqu'à présent, il y a donc eu une petite cinquantaine de FRB répétitifs sur un total de plusieurs centaines de FRB apparemment non répétitifs répertoriés dans les catalogues. L'existence de FRB véritablement non répétitifs fait toujours l'objet d'un débat houleux parmi les spécialistes et certains ont évoqué la possibilité de juger cette question à partir de la fraction du nombre de FRB répétitifs, comme Caleb et al. en 2019, Lu et al. en 2020, Aï et al. en 2021 et Gardenier et al. en 2021. En effet, avec l'accumulation du temps d'observation, cette fraction de FRB répétitifs devrait augmenter jusqu'à 100 % si tous les FRB s'avèrent se répéter en réalité. Dans le cas contraire, cette fraction devrait culminer à une certaine valeur inférieure à 100 % à un certain moment. 
Les chercheurs de CHIME ont donc fait l'exercice avec leur catalogue de répéteurs enrichi, ils ont tracé l'évolution de la fraction de sursauts répéteurs observés en fonction du temps d'exposition moyen, et ça, en découpant le ciel par bandes de déclinaison. Ils obtiennent des courbes qui tendent plutôt vers un plateau, entre 1% et 3,8% selon la déclinaison dans le ciel (2,6% en moyenne sur toutes les déclinaisons), mais la courbe du nombre de FRB répéteurs semble bien suivre celle des FRB uniques sans jamais la rejoindre. On serait donc plutôt dans la deuxième situation, dans laquelle les FRB à sursaut unique ne seraient pas des FRB répétitifs en devenir.
La quête de l'origine des FRB s'éclaircit un peu, et on constate qu'elle se poursuit ardemment, pour notre plus grand plaisir... 

Source

CHIME/FRB Discovery of 25 Repeating Fast Radio Burst Sources
Bridget C. Andersen et al.
The Astrophysical Journal, Volume 947, Number 2 (26 april 2023)

Illustration

Localisation des 25 nouvelles source de FRB répétitfs détectés par CHIME/FRB (Andersen et al.)


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