mercredi 28 juin 2023

Trace de détection directe des rayons cosmiques à l'origine des bulles de Fermi


Le centre de notre galaxie a connu dans le passé des événements de sursaut de rayons cosmiques, qui ont été responsables des bulles de Fermi visibles aujourd'hui en rayons gamma et des bulles de eROSITA visibles en rayons X. Aujourd'hui, un duo de chercheurs pense avoir décelé une trace de positrons provenant de ces mêmes événements dans le détecteur orbital AMS-02. Ils publient leur étude dans The Astrophysical Journal. 

Les bulles de Fermi, découvertes dans les observations du télescope spatial Fermi LAT ont une taille finie et des limites bien définies. Cela suggère que leur origine est liée à l'activité des rayons cosmiques au centre de la galaxie, éventuellement associée à son trou noir supermassif. Cette activité peut être leptonique ou hadronique. De plus, les bulles pourraient aussi être liées à l'excès de rayons gamma du centre galactique. De plus, l'observation de « cocons » au sein de ces bulles, et de bulles en rayons X keV par eROSITA, suggère que le centre de la Galaxie subit des événements épisodiques d'injection accrue de rayons cosmiques. Ces éléments pointent vers les bulles de Fermi provenant de la diffusion Compton inverse des électrons des rayons cosmiques (e-) et des positrons (e+).
Si les positrons contribuent aux bulles, une fraction de ces positrons injectés à l'origine pourrait s'échapper de ces régions qui s'étendre perpendiculairement au disque galactique. Ces positrons nous parviendraient, contribuant au flux local.
Le détecteur de particules et antiparticules AMS-02 qui est installé sur la station spatiale internationale 
a mesuré un excès de positrons par rapport aux électrons dans les flux de particules qu'il détecte en continu chaque jour. Plus précisément, c'est une augmentation de la fraction de positrons (e + /( e+ + e-)) qui a été observée au-dessus de 5 GeV. Cette hausse est en tension avec ce qui est attendu des positrons produits dans les collisions inélastiques des protons et des noyaux des rayons cosmiques avec le milieu interstellaire et cela indique plutôt des sources locales de positrons de haute énergie. Il pourrait notamment  s'agir de pulsars proches, de résidus de supernova, ... ou de traces d'annihilation de particules de matière noire. 
En analysant de près le spectre de la fraction de positrons, en plus de l'excès global qui a été mesuré par les chercheurs de la collaboration AMS, Ilias Cholis (université d'Oakland) et Iason Krommydas (université d'Athènes) ont trouvé une petite bosse aux environs de 12 GeV et une autre vers 21 GeV. En modélisant les interactions possibles de positrons de cette énergie qui seraient issus de la zone centrale de notre galaxie, les chercheurs parviennent à déterminer que le temps de trajet de ces particules de 12 GeV serait compris entre 3 et 10 millions d'années. Cette plage de temps est justement la plage qui est estimée pour l'événement qui a donné naissance aux bulles de Fermi et de eRosita. 
De plus, l'énergie des électrons et des positons des rayons cosmiques se propageant le long du disque galactique et non dans le volume des bulles de Fermi est estimée entre 1051,5 et 1057,5 erg, ce qui fait entre 0,0001 et 10 fois l'énergie des rayons cosmiques responsables des bulles de Fermi. La plage est large mais cohérente. 
Dans leur analyse, Cholis et Krommydas considèrent que l'excès global de positrons a pour origine une population de pulsars proches. Les pulsars peuvent en effet produire de multiples caractéristiques spectrales à haute énergie que la matière noire ou les résidus de supernova ne peuvent pas produire.
Leurs simulations incluent entre 5000 et 18000 pulsars uniques à moins de 4 kiloparsecs du Soleil. Ces calculs modélisent les incertitudes liées à la nature stochastique de la naissance des étoiles à neutrons dans l'espace et le temps, avec un taux de naissance de 0,6 à 2 pulsars par siècle pour notre Galaxie, et en utilisant la modélisation de la distribution spatiale des pulsars de plusieurs études antérieures. 
Faire l'hypothèse de pulsars locaux pour expliquer la montée du spectre de la fraction de positrons est une hypothèse prudente lorsque l'on prétend que certaines caractéristiques spectrales dans les données sont associées à l'activité du centre de la galaxie. Les chercheurs montrent que la fraction de positrons peut effectivement être ajustée par deux modèles incluant une population de pulsars de la Voie lactée et un événement de sursaut de rayons cosmiques d'âge donné. Chaque événement de production de rayons cosmiques dans le centre galactique explique les bosses qui sont visibles dans le spectre. Mais c'est surtout l'excès à 12 GeV qui est le mieux reproduit et correspondrait avec l'âge des bulles de Fermi. 
Cholis et Krommydas indiquent qu'il existe deux caractéristiques statistiquement moins significatives dans la fraction de positrons : à 21 GeV mais aussi à 48 GeV. Si elles sont astrophysiques et proviennent du centre de la Galaxie, ces caractéristiques seraient associées à des événements plus récents. Si la caractéristique de 12 GeV est bien le signal homologue des bulles de Fermi dans les positrons détectés localement, alors, selon les chercheurs, les cocons de rayons gamma de plus petite taille et plus tardifs pourraient être associés à l'une des bosses de plus haute énergie. Alternativement, les bulles d'eROSITA assez similaires aux bulles de Fermi, mais probablement produites par un spectre de rayons cosmiques différent, pourraient aussi être l'événement expliquant la caractéristique à 12 GeV, celle à 21 GeV étant alors connectée aux bulles de Fermi. 
En conclusion, Cholis et Krommydas précisent que les bosses observées dans le spectre de la fraction de positrons pourraient aussi être produites par un pulsar très proche de la Terre qui serait invisible. Ce dernier devrait dans ce cas se situer à 500 parsecs au maximum et il devrait être âge de 10 millions d'années avec une puissance de ralentissement très élevée, 3 fois plus élevée que celle du pulsar du Crabe (qui a à peine 1000 ans). Restant humbles, même si cette solution paraît très peu probable, ils considèrent que cette explication alternative devrait quand-même être sondée par des observations à plusieurs longueurs d'onde.

Source

Possible Counterpart Signal of the Fermi Bubbles at the Cosmic-Ray Positrons
Ilias Cholis and Iason Krommydas
The Astrophysical Journal, Volume 950, Number 2 (15 june 2023)

Illustration

Spectre de la fraction de positron mesuré par AMS-02 comparé à la modélisation des rayons cosmiques à l'origine des bulles de Fermi (Cholis and Iason Krommydas)

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