Les chinois sont
désormais parmi les meilleurs dans la course aux neutrinos. Il n'a fallu
aux physiciens chinois que 55 jours pour produire une mesure très
précise d'un des 5 paramètres fondamentaux régissant
l'oscillation des neutrinos, savoir l'angle de mélange dénommé théta 13.
Jusqu'à présent, on
connaissait relativement bien 4 de ces 5 paramètres, les deux écarts de
masse entre les trois saveurs et deux des trois angles de mélange
(paramètres qui décrivent comment se mélangent les
différents neutrinos). Il restait à mesurer le plus précisément
possible ce dernier théta 13. Plusieurs expériences dans le monde sont
dans la course, que ce soit auprès de réacteurs comme l'expérience
Double Chooz en France ou RENO en Corée du Sud, ou bien
en utilisant des faisceaux de neutrinos comme T2K au Japon, ou MINOS
aux Etats-Unis.
site de la centrale nucléaire de Daya Bay. |
Mais grâce à leurs
détecteurs plusieurs fois plus imposants que ceux de leurs concurrents
(100 tonnes) et un bon flux d'antineutrinos électroniques produit par
six réacteurs de près de 3 GW, les physiciens chinois
de Daya Bay ont pu mesurer l'angle théta 13
avec une bonne précision en moins de deux mois et trouvent une valeur
de 8.8° +- 0.8. Les expériences concurrentes n'avaient jamais pu
atteindre une précision aussi bonne.
Cette mesure consiste à
mesurer le flux d'antineutrinos qui sort des réacteurs nucléaires à deux
ou plus différentes distances. La différence de flux mesurée entre les
deux localisations des détecteurs donne très
directement une valeur de l'angle de mélange recherché.
L'élément clé qui a
permis aux chercheurs chinois de doubler leurs concurrents sur le fil
est sans conteste la taille de leurs détecteurs. Un mois de prise de
données à Daya Bay correspond à 4 mois à Double Chooz,
par exemple. Il se trouve aussi que l'expérience T2K japonaise a dû
être brutalement interrompue le 11 mars 2011 du fait du terrible
tremblement de terre/tsunami. S'il n'avait pas eu lieu, les japonais
auraient atteint aujourd'hui cette même précision.
Détecteurs utilisés à Daya Bay |
La Chine joue désormais
dans la cour des grands en physique des particules. Et c'est un juste
retour des investissements consentis par le gouvernement chinois qui n'a
pas hésité à inciter fortement ces scientifiques
de haut niveau émigrés aux Etats-Unis notamment de revenir travailler
en Chine, en finançant aisément les recherches. L'expérience de Daya Bay
a coûté environ 35 millions de dollars, dont les deux-tiers payés par
la Chine, le restant l'étant par une collaboration
de plusieurs pays (Etat-Unis, Russie, Taiwan, Rép. Tchèque).
Les quatre années qui
viennent à Daya Bay vont être consacrées à mesurer encore avec plus de
précision les paramètres du neutrino. Suite à cette phase, de nouveaux
détecteurs devraient être positionnés à 60 kilomètres
des réacteurs, pour cette fois-ci permettre de déterminer la hiérarchie
des masses des trois neutrinos, qui est encore inconnue aujourd'hui.
Les chinois seront là
encore en concurrence avec les japonais (T2K) et les américains (NoVA),
mais l'expérience acquise et leur détermination semble d'ores et déjà
leur donner des ailes, pour le plus grand bénéfice
de la science...
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