Est-ce une grande nouvelle ? De la glace d'eau sur Mercure,
la planète la plus brûlante du système solaire, rendez-vous compte! Il n'y a en
fait rien d'étonnant à trouver de la glace sur une planète si chaude.
En effet,
Mercure, bien que très proche du Soleil, possède la caractéristique d'avoir son
axe de rotation presque parfaitement orthogonal à son plan de révolution autour
du soleil. Un cratère un peu profond situé au niveau de l'un des pôles voit
donc son fond rester perpétuellement dans l'ombre.
MESSENGER et Mercure (vue d'artiste) |
Qui plus est, Mercure, à
cause de sa taille et sa position près du Soleil, ne possède aucune atmosphère,
ce qui fait qu'il n'y a aucune convection possible : la chaleur produite sur la
surface éclairée ne peut se propager que par conduction dans la croûte, et elle
ne dégage pas de chaleur interne.
La possibilité de l'existence de glace d'eau aux poles de
Mercure pour ces raisons avait été inférée depuis longtemps, et c'est en 1992
déjà que des mesures radars par le radiotélescope d'Arecibo, avaient montré des
signes de dépôts de glace au pôle Nord de Mercure.
La sonde MESSENGER (MErcury Surface, Space Environment Geochemistry and Ranging) actuellement en orbite autour de Mercure
vient juste de confirmer les données antérieures avec une méthode différente,
ce qui permet d'affirmer maintenant qu'il s'agit bien de composés fortement
hydrogénés qui se trouvent au pôle nord mercurien.
Quelle technique a utilisé MESSENGER (et surtout les
scientifiques qui sont derrière ce projet) pour détecter des petites quantités
d'eau en survolant Mercure à plusieurs milliers de kilomètres ? C'est ce que
vais tenter de vous expliquer.
Pôle Nord de Mercure, en jaune : présence de glace d'eau (NASA) |
MESSENGER est équipé d'un instrument de mesure nucléaire
qu'on appelle un Spectromètre Neutronique. Ce spectromètre compte le nombre de
neutrons qui arrivent au niveau de la sonde en provenance de la planète, en les
classant en fonction de leur énergie. Les neutrons sont classés en familles en
fonction de leur énergie cinétique, on parle de neutrons froids (E< 0,005
eV), de neutrons thermiques (0,005< E < 0,5 eV), de neutrons
épithermiques (0,5 eV < E < 10 keV), de neutrons intermédiaires (10 keV
< E < 1 MeV) et de neutrons rapides (E > 1 MeV).
Le spectromètre neutronique embarqué sur MESSENGER est à la
pointe technologique de ce qui se fait dans le domaine, il permet de mesurer à
la fois trois plages d'énergies de neutrons : thermiques, épithermiques et
rapides. Il est constitué d'une sorte de sandwich de trois scintillateurs :
deux verres dopés au Lithium, qui permettent de détecter et séparer les
neutrons thermiques et épithermiques, et un scintillateur plastique dopé au
Bore entouré d'une coque de gadolinium, qui permet de mesurer les neutrons
épithermiques (de manière redondante et indépendante des deux premiers scintillateurs) ainsi que
les neutrons rapides après avoir été ralentis dans la matrice plastique.
Des neutrons proviennent naturellement de la surface de
Mercure. Ils sont produits notamment par des réactions du rayonnement cosmique
(essentiellement venant du soleil proche) dans la croûte de Mercure, jusqu'à
une petite profondeur.
Ces neutrons cosmogéniques peuvent avoir une énergie assez
élevée, ce sont principalement des
neutrons rapides et ils arrivent sur MESSENGER environ à un taux de 10 par seconde.
Et ce qui fait ralentir les neutrons, en leur faisant perdre
de l'énergie cinétique, ce sont des collisions avec les noyaux d'atome qu'ils
rencontrent sur leur passage. Et vous devinez quoi ? L'atome qui a le plus grand pouvoir
de diffusion (de ralentissement) sur les neutrons, c'est l'hydrogène !
Mesurer le nombre de neutrons qui ont été ralentis permet
ainsi d'évaluer la quantité d'hydrogène présente. C'est aussi simple que ça. Le
spectromètre neutronique de MESSENGER enregistre ainsi le nombre de neutrons
dans chaque gamme d'énergie en fonction des zones qu'il survole, et à partir
des données spectrales (le nombre de coups détectés dans les scintillateurs en fonction de l'énergie),
on peut fabriquer une cartographie de l'hydrogène sur la surface de Mercure.
Le lien entre hydrogène et eau est relativement aisé à faire
ensuite, la molécule d'eau, (comportant deux atomes d'hydrogène) étant la forme
chimique hydrogénée la plus probable sur ce type de planète.
Le spectromètre neutronique de MESSENGER (NASA) |
Par exemple, les données analysées par l'équipe qui publie
ce résultat dans Science aujourd’hui indiquent
que la couche riche en hydrogène (qui serait de la glace d’eau pure) ferait
plusieurs dizaines de centimètres, et serait située en dessous d'une autre
couche de 10 à 20 centimètres qui, elle, ne contiendrait pas plus de 25%
d'hydrogène.
Ensuite, par extrapolation, les planétologues calculent une
masse totale de glace d'eau présente sur Mercure et arrivent à une valeur
comprise entre 20 milliards et 1000 milliards de tonnes, ce qui est selon eux
tout à fait cohérent avec ce qu'on attendrait par l'apport de comètes et
d'astéroides venus s'écraser sur Mercure.
1000 milliards de tonnes (ou de mètres cubes, c'est équivalent) ne représente qu'un gros iceberg cubique de 10 km, pas grand chose à l'échelle d'une planète, même la plus petite de notre système solaire...
Référence :
Référence :
Evidence for Water Ice Near Mercury's North Pole from MESSENGER Neutron Spectrometer Measurements
David J. Lawrence et al.
Science (November 29 2012)
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