19/02/15

Le Lithium enfin trouvé dans les Novae

Ce qu'on appelle le problème du lithium est une des grandes questions de l'astrophysique d'aujourd'hui. Nous savons qu'une partie de cet élément chimique léger (de numéro atomique égal à 3) a été produite dans l'Univers très jeune lors de la nucléosynthèse primordiale, mais la comparaison des modèles d'évolution chimique et des abondances stellaires en lithium observées dans notre Galaxie ne collent pas. 


Elles indiquent qu'une partie du lithium aurait due être synthétisée  dans les vieilles étoiles de faible masse de type géantes rouges, ainsi que dans des petites explosions d'étoiles qu'on appelle des novae. Or nous avons déjà pu observer la présence de lithium dans des géantes rouges, mais encore jamais dans des novae.

Production du Li-7 via la production de Be-7 (Nature)
Mais c'est désormais chose faite, car pour la première fois, une équipe japonaise annonce avoir observé indirectement la présence de lithium (du Li-7) au sein d'une nova, une fameuse nova appelée Nova Delphini 2013 (ou V339 Del).
Tajitsu et al. détaillent dans un article venant de paraître dans Nature leur observation de béryllium radioactif, du Be-7, qui se désintègre assez vite en Li-7.
Le lithium a une origine complexe, il en a en fait trois : par nucléosynthèse primordiale dans les premières minutes qui ont suivies le Big Bang, par des réactions nucléaires dans le milieu interstellaire, produites par des rayons cosmiques énergétiques (qui sont aussi à l'origine du béryllium et du bore), et enfin par des réactions nucléaires au sein des étoiles. 
A l'intérieur des étoiles, le Be-7 est formé par la fusion nucléaire de noyaux d'hélium-3 et hélium-4. Cet élément radioactif capture ensuite un électron et se transforme en Li-7 en émettant un neutrino et un photon gamma de 478 keV (sa période de demie-vie est courte, environ 53 jours).
Mais une production efficace de Li-7 par ce processus nécessite que cette réaction nucléaire se déroule dans les couches stellaires externes chaudes, et que le Be-7 fraîchement produit soit ensuite transporté dans des couches plus froides avant qu'il ne se transforme en Li-7. De cette manière, le Li-7 peut "survivre" plus longtemps. Ce processus est appelé le "mécanisme de transport du Be-7 de Cameron-Fowler". C'est cet unique mécanisme, décrit il y a plus de 40 ans, qui est responsable de la production de lithium dans les étoiles.

Les novae sont des explosions thermonucléaires, qui apparaissent à la surface d'étoiles naines blanches qui ont arraché un peu trop de gaz (hydrogène) à une étoile compagne. L'accumulation de masse sur la naine blanche produit une instabilité nucléaire puis une violente explosion. On estime qu'au cours de ce type d'explosion, le mécanisme de Cameron-Fowler apparaît également, devant produire du Li-7. La quantité de Li-7 attendue au cours d'une nova dépend en fait de la nature chimique de la naine blanche. Elle se divisent en deux grandes familles : les naines blanches à carbone et oxygène, qui produisent des novae CO, et les naines blanches à oxygène et néon, qui sont à l'origine de novae ONe... C'est dans les novae CO que la production de Be-7 et de Li-7 est la plus importante théoriquement, car les réactions de fusion du cycle CNO y évoluent plus vite, ce qui a pour effet de détruire moins de He-3 et de Be-7. L'ordre de grandeur de la masse de Li-7 produite par une telle nova avoisine 1 dix-milliardième de la masse du soleil.

La nova étudiée par l'équipe de Tajitsu, Nova Delphini 2013, est justement une nova de type CO. Ils l'ont observé entre 38 et 52 jours après l'explosion, à la recherche de raies de lumière ultraviolette correspondant à du Be-7 ionisé, avec le télescope Subaru de l'Observatoire Astronomique National du Japon.
Les chercheurs montrent pour la première fois qu'il y a dans Nova Delphini 2013 au moins autant de Be-7 et donc de Li-7 que ce qui est prédit  par la théorie et le mécanisme de transport de Cameron-Fowler.
Ainsi, on peut conclure à partir de cette observation que les novae peuvent effectivement jouer un rôle important dans la production de lithium. 
Par ailleurs, il va sans doute devenir possible grâce aux novae, de détecter enfin directement l'émission radioactive accompagnant la production du Li-7, les photons gamma de 478 keV qui n'ont encore jamais pu être mis en évidence malgré des recherches poussées avec les télescopes spécialisés en orbite.

Quoiqu'il en soit, les chercheurs japonais montrent que la méthode de détection des raies UV du Be-7 ionisé est une méthode très puissante pour estimer la contribution des novae dans l'abondance galactique du Li-7. Une très belle avancée qui éclaircit un problème qui n'en sera bientôt plus un.


Sources : 
Explosive lithium production in the classical nova V339 Del (Nova Delphini 2013)
Akito Tajitsu et al.
Nature 518, 381–384 (19 February 2015) 

Astrophysics: A lithium-rich stellar explosion
Margarita Hernanz
Nature 518, 307–308 (19 February 2015)

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