L’atmosphère de Jupiter est très mal connue. En dessous des nuages colorés d’ammoniac que nous voyons chaque jour se cache une atmosphère très difficile à explorer. Alors que la sonde JUNO n’a plus qu’un petit mois de voyage pour parvenir en orbite de Jupiter avec pour objectif d’explorer en détail l’intérieur de la planète géante, un radiotélescope vient de tenter de lui couper l’herbe sous les pieds en produisant une cartographie de l'intérieur de Jupiter en ondes radio, et y découvre des choses.
Ce que les chercheurs ont pu observer avec le Very Large Array (VLA), grand réseau de radiotélescopes situé au Nouveau Mexique, ce sont des couches profondes qui prennent la forme de grandes ondes de gaz d'ammoniac (NH3) qui peuvent circuler tout autour de Jupiter.
Ces nouvelles observations aident à résoudre un problème qui remonte à 1995 lorsque la sonde Galileo avait largué une mini-sonde dans l'atmosphère Jovienne. Cette dernière était tombée sur un point chaud, dénué de nuages d'ammoniac et encore moins d'eau comme les planétologues pensaient en trouver en profondeur. Et brutalement, après un parcours de 100 km dans la profondeur de Jupiter et juste avant de rendre l'âme, détruite par la pression et la température, la sonde avait trouvé des très grandes quantités d'ammoniac. Cette mesure avait rendu les spécialistes un peu perplexes car le VLA avait réussi à mesurer le taux d'ammoniac à cette profondeur et trouvait des valeurs beaucoup plus faibles.
Les astronomes avaient alors pensé que la haute atmosphère de Jupiter était relativement pauvre en ammoniac excepté sur certains points localisés correspondant à des nuages propulsés des couches profondes par des tempêtes.
Cette nouvelle étude publiée dans Science va à l'encontre de cette interprétation. L'atmosphère de Jupiter semble bien être riche en ammoniac et Galileo aurait juste eu la malchance de tomber au niveau de la partie la plus ténue de l'onde de matière.
Dans la région à quelques milliers de kilomètres au nord de l'équateur de Jupiter, le VLA montre que la bande de gaz observable en ondes radio est composée de zones de différentes compositions : des régions pauvres en ammoniac de plusieurs dizaines de milliers de kilomètres de longueur qui alternent avec des régions beaucoup plus riches et qui apparaissent remonter de couches profondes en panaches. Imke de Pater (Université de Berkeley), l'auteur principal de cette étude, précise : "Nous avons enfin pu mettre en évidence que ces points chauds et ces régions riches en ammoniac font partie du même phénomène".
Les ondes atmosphériques reflètent la façon par laquelle la chaleur de Jupiter est transportée depuis ses profondeurs. Les chercheurs peuvent ainsi déduire ce qui se passe dans les couches profondes à partir de l'amplitude et de la longueur d'onde des ondes observées.
Pour voir encore plus en profondeur dans les couches de Jupiter, le VLA devrait utiliser des longueurs d'ondes encore plus grandes, mais Jupiter ne se laisse pas faire, car elle est entourée d'une vaste ceinture de particules chargées (des électrons) qui produit un écran très efficace contre non seulement le vent solaire, mais aussi contre les ondes radio de grande longueur d'onde qui y sont réfléchies sans pouvoir la traverser.
C'est justement pour pallier cette difficulté que la sonde Juno a été imaginée. Entrée depuis quelques jours dans la zone d'influence gravitationnelle de Jupiter, la sonde de la NASA arrivera en orbite le 4 juillet, une date probablement pas choisie au hasard par les américains. JUNO sera mise dans une orbite polaire et se glissera entre la haute atmosphère de Jupiter et la ceinture de radiations. Son détecteur d'ondes radio pourra ainsi sonder l'intérieur de Jupiter et en donner une vue totalement inédite. JUNO devrait cartographier Jupiter durant 32 orbites de 14 jours en débutant ses opérations au mois de Novembre 2016.
JUNO devrait pouvoir sonder Jupiter sur plusieurs centaines de kilomètres de profondeur, de quoi pouvoir trouver la couche d'eau que Galileo n'avait pas pu atteindre. La cartographie détaillée de cette couche pourrait fournir des données expliquant les structures atmosphériques visibles dans les couches plus hautes, comme les ondes atmosphériques décelées par le VLA, mais aussi les phénomènes de bandes gazeuses, voire la grande tache rouge. La mesure la plus précise possible de l'abondance en eau de Jupiter donnera également des clés de compréhension sur la formation de Jupiter. Si Jupiter possède autant d'eau que d'autres éléments comme l'azote et le carbone, cela signifierait qu'elle s'est formée dans une zone plus éloignée du Soleil et se serait ensuite rapprochée, à l'inverse, si l'eau est bien plus abondante que l'azote et le carbone, cela indiquerait que Jupiter se serait formée dans la zone où elle se trouve actuellement, où il fait trop chaud pour que l'azote et le carbone forment de la glace pouvant s'agglomérer à la planète naissante.
JUNO fera en outre de nombreuses autres observations, elle devra notamment cartographier cette fameuse ceinture de radiations ainsi que les champs magnétiques de Jupiter. Comme avec d'autres sondes, les ingénieurs de la NASA ont également prévu de mesurer ses infimes variations de position et de vitesse pour en déduire la mesure la plus précise du champ gravitationnel de Jupiter jamais obtenue. Cette donnée gravitationnelle pourrait permettre de répondre à la question lancinante de savoir si Jupiter possède un cœur solide ou non.
Nous aurons l'occasion d'en reparler très bientôt...
Sources :
Peering through Jupiter’s clouds with radio spectral imaging
Imke de Pater et al.
Science Vol. 352, Issue 6290 (03 Jun 2016)
Telescope and NASA mission get under Jupiter's skin
Eric Hand
Science Vol. 352, Issue 6290 (03 Jun 2016 )
Images :
(1) Région de la grande tache rouge imagée par le VLA (en haut) à deux longueurs d'onde radio (2 cm, en bleu, et 3 cm, en jaune), et imagée par Hubble dans le visible (en bas).
Image Radio : Michael H. Wong, Imke de Pater (UC Berkeley), Robert J. Sault (Univ. Melbourne). Image visible : NASA, ESA, A.A. Simon (GSFC), M.H. Wong (UC Berkeley), and G.S. Orton (JPL-Caltech) )
(2) Vue d'artiste de la sonde Juno (NASA/JPL-Caltech).
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