La composition isotopique des météorites diffère selon leur provenance dans le système solaire, de quoi fournir des clés de compréhension sur l'origine de tout le système des planètes de notre système solaire. Une étude parue dans Nature Astronomy.
Thomas Kruijer (Lawrence Livermore National Laboratory) et ses collaborateurs américains ont étudié des météorites non-carbonées (NC) et carbonées (CC) qui correspondent à des matériaux provenant du système solaire interne d'un part et du système solaire externe d'autre part (la limite entre système interne et externe est fixée par l'orbite de Jupiter).
Bien que des observations et des modélisations avancées fournissent des éléments fondamentaux concernant la structure et la dynamique des disques protoplanétaires, ces disques d'accretion de poussière et de gaz qui se développent autour des jeunes étoiles et mènent à la formation de planètes, l'étude directe des météorites renseigne directement sur l'histoire qui a pu être celle d'un système stellaire comme le nôtre.
La composition des météorites qui sont pour la plupart des vestiges du disque protoplanétaire fournit des données qui permettent de reconstruire l'histoire du système, à la fois dans l'espace et dans le temps.
Des récentes avancées dans les techniques de mesure des abondances isotopiques permettent aujourd'hui d'obtenir des analyses très précises sur l'âge des météorites, avec une précision inférieure à 1 million d'années (à comparer avec les 4567 millions d’années de notre système solaire). Elles permettent aussi d'identifier des signatures distinctes dans les distributions isotopiques, indicatrices de leur processus de synthèse différents.
Les cosmochimistes américains ont analysés la composition isotopique de plusieurs éléments comme l'oxygène, le chrome, le titane, le molybdène, le nickel, le ruthénium ou encore le tungstène. Les anomalies isotopiques qui apparaissent reflètent la distribution hétérogène du nuage de gaz et de poussière pré-solaire, qui vient du fait que cette matière provenait de plusieurs sources stellaires. Bien que les processus à l'oeuvre dans le disque circumstellaire entourant le soleil naissant avaient tendance à homogénéiser ces hétérogénéités de composition en éléments et en isotopes, des petites hétérogénéités ont persisté et se sont retrouvé mesurables dans les météorites.
La plupart des météorites viennent d'astéroïdes situés dans le grande ceinture entre Mars et Jupiter, qui étaient estimés jusqu'à récemment s'être formés là où ils sont encore aujourd'hui. Mais Thomas Kruijer et ses collègues observent une très nette dichotomie entre les météorites de type CC et celles de type NC en terme de nucléosynthèse des éléments, grâce aux différences isotopiques qu'ils décèlent en traçant par exemple la teneur en Titane-50 en fonction de la teneur en Cr-54, ou bien le Mo-94 en fonction du Ni-64. Deux nuages apparaissent clairement dans les graphes et coïncident avec les types de météorites CC et NC.
Les chercheurs démontrent ainsi qu'il a existé une nette séparation spatiale entre la partie interne (représentée par les météorites de type NC) et la partie externe du disque protoplanétaire (représentée par les météorites de type CC). Cette séparation aurait duré pendant seulement 3 millions d'années, à partir de 1 million d'années après la formation du Soleil.
Associée à l'établissement d'une chronologie précise de l'accrétion des corps parents des météorites, cette découverte offre de nouvelles contraintes pour les modèles d'évolution du disque protoplanétaire et de formation des planètes. Kruijer et ses collaborateurs proposent que c'est le Jupiter naissant qui aurait joué un rôle prépondérant dans cette séparation. En grossissant rapidement, le cœur de Jupiter aurait eu selon eux pour effet d'inhiber les transferts de matière dans le disque de gaz et de poussières entre les deux côtés de son orbite. Puis la poursuite de son grossissement gazeux suivi de sa migration dans le système solaire naissant aurait permis l'implantation des corps carbonés (de type CC) dans la zone interne du système solaire où nous les retrouvons aujourd'hui (dans la grande ceinture d’astéroïdes).
Ces nouvelles découvertes apportent de nouveaux éléments pour l'étude du disque protoplanétaire du système solaire, la formation et la croissance de Jupiter, mais aussi la formation des planètes telluriques, incluant l'apport d'eau et d'autres éléments volatiles sur la Terre ou sur Mars.
Source
The great isotopic dichotomy of the early Solar System
Thomas S. Kruijer, Thorsten Kleine & Lars E. Borg
Nature Astronomy (16 december 2019)
Illustration
Vue d'artiste d'un disque protoplanétaire en train de former des planètes (NASA)
2 commentaires :
Bonjour,
Est-ce que l'on sait si les chercheurs, à l'origine de cet article, ont pris en compte la migration des planètes (modèle de Nice) au tout début du système solaire?
Merci
La migration précoce de Jupi est clairement mentionnée.
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