Comme au mois de mai dernier où déjà la découverte d'une galaxie ayant déjà bien formé son disque avait été rapportée, c'est avec le réseau de radiotélescopes ALMA que Francesca Rizzo (Max Planck Institut für Astrophysik, Garching) et ses collaborateurs ont étudié cette sublime galaxie gravitationnellement distordue qu'est SPT0418-47. Ils l'ont imagée par l'émission infra-rouge du continuum thermique provenant de la poussière ainsi que par la raie d'émission caractéristique du carbone ionisé une fois (la raie C II) à 158 μm. Cette raie d'émission apparaît très souvent dans le milieu interstellaire des galaxies à forte production de nouvelles étoiles.
Même si elle se situe environ à la même distance spatio-temporelle que sa consoeur du printemps dernier, cette galaxie là possède un petit plus, outre sa forme lentillée extrêmement singulière : une fois reconstruite, son image réelle montre qu'elle possède un beau disque en rotation, mais aussi un bulbe central. Bref, il s'agit d'une galaxie très semblable à notre Voie Lactée. C'est désormais la galaxie possédant un bulbe la plus lointaine connue.
Ses propriétés physiques (vitesse de rotation, vitesse de dispersion des étoiles, forme, ...) indiquent aussi qu'elle est stable et très peu turbulente. Elle ne montre cependant pas de bras spiraux. Mais le fait qu'elle apparaisse très calme peut remettre certaines idées en question sur l'environnement galactique de l'Univers jeune de cette époque selon Rizzo et ses collègues... Quoi qu'il en soit, SPT0418-47 est classée dans la catégorie des galaxies froides, mais avec un taux de formation d'étoiles élevé.
L'effet de lentille gravitationnelle quasi parfait qui nous offre cet étonnant anneau est produit par la courbure de l'espace-temps provoquée par une galaxie d'avant-plan située à 3 milliards d'années-lumière de nous, située exactement dans le même axe de visée que celui de SPT0418-47. La lumière de la galaxie très lointaine est non seulement défléchie symétriquement, mais elle est aussi amplifiée, ce qui permet de visualiser plus facilement des détails avec ALMA, même si sa résolution spatiale est déjà exceptionnelle (200 années-lumière environ). Les chercheurs ont donc dû reconstruire l'image réelle de SPT0418-47 en modélisant parfaitement le puits gravitationnel de la galaxie lentille d'avant-plan, avant de pouvoir étudier de près ses caractéristiques physiques.
Les astrophysiciens notent que la courbe de rotation de la galaxie (sa vitesse de rotation en fonction de la distance de son centre) a une forme tout à fait typique de celles des galaxies spirales proches, indiquant la présence d'un bulbe : la vitesse de rotation montre une bosse à 0,2 kpc du centre galactique puis décline légèrement avant de rester constante pour un rayon supérieur à 1,5 kpc.
SPT0418–47 a une masse stellaire de 12 ± 2 109 M⊙, une masse de matière noire de 1,7 ± 0,3 1012 M⊙, et une fraction de gaz de 0,53 (+0.06−0.08), ce qui fait 13 ± 2 109 M⊙, donc une masse baryonique égale à 25 milliards de masses solaires, 68 fois plus faible que sa masse de matière noire. Ces valeurs qui sont en accord avec les prédictions pour une galaxie déjà mature. Quant à son taux de formation d'étoiles, il est très élevé, comme attendu pour une galaxie encore très jeune, il vaut 352 ± 65 M⊙ par an... (300 fois plus que le taux de notre galaxie).
Il reste maintenant à savoir si toutes les galaxies de cette époque reculée sont aussi calmes et matures que SPT0418-47 ou bien si il s'agit d'une exception qui ne confirmerait pas la règle. L'avenir nous le dira...
Source
A dynamically cold disk galaxy in the early Universe
F. Rizzo, S. Vegetti, D. Powell, F. Fraternali, J. P. McKean, H. R. Stacey & S. D. M. White
Nature volume 584, (13 august 2020)
Illustrations
1) SPT0418-47 imagée par ALMA, avant reconstruction de l'image réelle (ALMA (ESO/NAOJ/NRAO), Rizzo et al.)
2) Images brutes de SPT0418-47 à 158 μm (en haut) et reconstruites (en bas) (Rizzo et al.)
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