25/08/20

Des reconnexions magnétiques à l'intérieur d'un jet de trou noir supermassif


Des flux de photons gamma intermittents ont été détectés en provenance du coeur du quasar 3C279, le signe caractéristique d'un phénomène de reconnexion magnétique. Ces reconnexions magnétiques semblent se produire à l'intérieur du jet de plasma qui est induit par le trou noir supermassif. Une étude publiée dans Nature Communications.


Amit Shukla (Université de Würzburg) et son collaborateur ont observé les émissions gamma du blazar 3C279 avec le télescope gamma Fermi-LAT (un blazar est un quasar dont le jet est vu avec un petit angle par rapport à la ligne de visée) . 3C279 se trouve à une distance de trajet lumière de 5 milliards d'années-lumière et abrite un trou noir supermassif pesant entre 300 et 800 millions de masses solaires.
Les chercheurs ont trouvé des rayons gamma de haute énergie, mais surtout avec des très grosses fluctuations dans leur luminosité. Celle-ci peut être multipliée par deux en seulement quelques minutes. De telles variations sont le signe évident pour les chercheurs de la présence de reconnexions magnétiques, qu'on trouve dans de nombreux objets astrophysiques pourvus d'un champ magnétique puissant et perturbé.
En effet, les motifs de ces "éruptions" gamma sont très particuliers : Shukla et Mannheim observent trois émissions éruptives distinctes avec pour chacune d'entre elle une série de quelques sursauts à l'intérieur. L'énergie de photon maximale qui est détectée vaut environ 100 GeV.

Les astrophysiciens peuvent même dire à quelle distance du trou noir a lieu cette émission gamma. Ils observent l'absence d'atténuation de paires dans le flux gamma, ce qui signifie que l'accélération de particules qui en est à l'origine a lieu à 10 000 rayons de Schwarzschild du trou noir, ce qui fait ici environ 0,35 années-lumière, une zone où doit régner une forte turbulence du plasma.
 
Durant de telles reconnexions magnétiques, l'énergie qui est stockée jusque là dans le champ magnétique est libérée brusquement en de multiples mini-jets, où des particules chargées (électrons, protons) sont fortement accélérées et qui, en interagissant rapidement avec le milieu environnant , vont produire les photons gamma qui sont observés. L'énergie magnétique emmagasinée dans les lignes de champs enroulées le long des jets polaires du trou noir n'est finalement rien d'autre qu'une fraction de l'énergie de rotation du trou noir qui se retrouve transformée. Les photons énergétiques produits par les particules accélérées par les reconnexions magnétiques sont donc elles aussi la transformation de l'énergie de rotation du trou noir, qui doit donc ralentir (un petit peu). 
La région de reconnexion semble se trouver d'après Shukla et Mannheim juste au niveau de là où la collimation du jet se brise, une zone de transition, où on passe d'un jet dominé par l'énergie du champ magnétique à un jet qui est dominé par l'énergie cinétique des particules du plasma....


Source

Gamma-ray flares from relativistic magnetic reconnection in the jet of the quasar 3C 279
A. Shukla & K. Mannheim, 
Nature Communications, volume 11 (21 August 2020)


Illustration 

Schéma de la zone de reconnexion à l'intérieur du jet déduite des observation des éruptions de rayons gamma (A. Shukla & K. Mannheim)

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