mercredi 4 novembre 2020

Détection d'un FRB dans notre galaxie, émis par un magnétar!


Le 28 avril dernier, les chercheurs de la collaboration CHIME/FRB (Canadian Hydrogen Intensity Mapping Experiment/Fast Radio Burst) qui traquent les sursauts rapides d'ondes radio en ont détecté un avec une très forte intensité. Et pour cause, il venait de notre galaxie, et d'un objet déjà identifié auparavant : un magnétar situé à 30000 années-lumière. Qui plus est, une éruption de rayons X avait été également observée au même moment émanant de ce même magnétar. L'origine des FRB (Fast Radio Bursts, sursauts rapides d'ondes radio) semble donc se confirmer... Ils publient leur étude dans le numéro de cette semaine de Nature, qui est accompagnée par deux autres études décortiquant ce sursaut radio, baptisé FRB 200428, qui va rester dans la petite histoire de l'astronomie. 

Les chercheurs de la collaboration CHIME/FRB montrent à partir de la fluence du signal radio et connaissant la distance de SGR 1935+2154 que l'énergie émise est près de 3000 fois plus élevée que celle d'un magnétar ordinaire dans le domaine radio (l'énergie émise sur une bande de fréquence de 400 à 800 MHz vaut 3 1034 erg). Et lorsqu'ils calculent ce qu'une telle émission rapide (de l'ordre de la milliseconde) donnerait si elle était originaire d'une galaxie éloignée de 12 Mpc, ils obtiennent un signal similaire à celui des FRB qui ont pu être détectés depuis une dizaine d'année maintenant, tous localisés dans des galaxies lointaines. Il ne fait donc plus guère de doute que les objets qui sont à l'origine des FRB sont bien des magnétars. 

La seconde étude publiée par Nature émane de la collaboration américaine STARE2, qui avait détecté elle aussi le sursaut ce 28 avril. Christopher Bochenek (Caltech) et son équipe se sont intéressés pour leur part à l'énergie émise lors du sursaut. Ils l'ont détecté dans la bande de fréquences comprises entre 1,281 et 1,468 GHz. Auparavant, la source radio galactique pulsée la plus énergétique était le pulsar de la Nébuleuse du Crabe (le résidu de la supernova de 1054). Mais FRB 200428 explose tout : l'équivalent isotrope de son énergie dispersée est 4000 fois plus élevé que le pulse le plus intense du pulsar du Crabe. Mais malgré cette très forte puissance, FRB 200428 est tout de même 30 fois moins énergétique que le FRB extragalactique le moins énergétique qui avait pu être détecté jusque là. Cela fait dire aux spécialistes que des magnétars plus actifs ou plus jeunes que SGR 1935+2154 pourraient être nécessaires pour expliquer les FRB extragalactiques.
Bochenek et ses collaborateurs estiment en tous cas que la coïncidence du sursaut radio rapide avec le sursaut de rayons X favorise les modèles d'émission qui impliquent soit des masers synchrotron ou bien des pulses électromagnétiques liés à des éruptions géantes du magnétar.

Le troisième article consacré à SGR 1935+2154 dans ce numéro de Nature est signé par une équipe chinoise et espagnole qui a utilisé le radiotélescope chinois FAST de 500 m (Five-hundred-meter Aperture Spherical Telescope). Les radioastronomes n'ont pas observé le FRB lorsque le magnétar a produit son éruption, mais ils ont observé ce dernier dans le domaine radio pendant qu'il produisait 29 sursauts courts de rayons gamma (des sursauts de type SGR (soft gamma rays). Et ils n'ont pas détecté un seul signal de sursaut rapide d'ondes radio durant ces sursauts gamma. Ils en concluent que l'association d'un FRB avec un SGR (ou GRB court) doit être un phénomène rare. Mais les chercheurs évoquent aussi d'autres possibilités pour expliquer cette absence, comme une émission FRB très collimatée ou bien que les FRB qui sont associés à des sursauts gamma soient émis dans des longueurs d'ondes très spécifiques (qui n'étaient pas détectés par FAST). La dernière hypothèse pour expliquer l'absence de FRB en simultané avec des sursauts gamma courts serait selon Lin et et ses collaborateurs que les conditions physiques nécessaires pour la visibilité d'une telle association ne soient rencontrées que dans des situations extrêmes du magnétar.

Même si les objets à l'origine des FRB semblent maintenant bien déterminés, la cause physique responsable de ces sursauts radio intenses inférieurs à la milliseconde garde on le voit une part d'ombre, mais qui ne devrait cependant plus résister très longtemps.


Source

A bright millisecond-duration radio burst from a Galactic magnetar
the CHIME/FRB Collaboration
Nature volume 587 (04 november 2020)

A fast radio burst associated with a Galactic magnetar
Christopher Bochenek et al.
Nature volume 587 (04 november 2020)

No pulsed radio emission during a bursting phase of a Galactic magnetar
Lin et al.
Nature volume 587 (04 november 2020)


Illustrations

1) Diagramme de détection temps-fréquence (CHIME/FRB à gauche, ARO à droite) (Collaboration CHIME/FRB) 

2) Vue d'artiste d'un magnétar (McGill University)

4 commentaires :

Martial a dit…

Bonjour
Une chose que je ne comprend pas dans votre article. Vous dites que les chercheurs ont comparé l’énergie de cet événement si il était situé à 12Mpc avec les événements extragalactiques connus et qu'il leur est comparable ce qui permet de leur assigner une origine commune. Cependant plus loin vous dites qu'il reste 30 fois moins puissant que les événements extragalactiques les moins puissants. Y-a-t-il quelque chose que je n'ai pas compris dans ce raisonnement ?
Merci en tout cas de votre blog si interessant.
Martial

Dr Eric Simon a dit…

Bonjour,

Ce que j'ai voulu dire, désolé si ce n'était pas très clair, c'est que l'émission radio, si elle avait eu lieu dans une galaxie à 12 Mpc, aurait produit un signal détecté tout à fait similaire à la plupart des FRB qui ont été observés jusqu'à aujourd'hui. Sauf que tous ces FRB se trouvaient beaucoup plus loin que 12 Mégaparsecs. Ces autres FRB sont au moins 30 fois plus puissants que FRB200428 mais au moins 5,5 fois (=racine(30)..) plus loin que 12 Mpc.. J'espère que c'est plus clair. Merci pour votre question qui me permet de clarifier.

Pascal a dit…

Bonjour,

Les FRB issus de SGR 1935 + 2154 se répètent ! Kirsten et al. (Nature and astronomy, 16/11/20) font état de 2 nouveaux bursts le 24/05, bien moins intenses que ceux du 28/04 ; ils mentionnent aussi un burst finalement détecté par FAST. Le plus surprenant est que ces quelques bursts s'étalent en terme d'énergie sur 7 ordres de grandeur. Du blé à moudre pour les théoriciens ! https://www.nature.com/articles/s41550-020-01246-3

Dr Eric Simon a dit…

Oui @Pascal, ce sera mon prochain billet/épisode !