lundi 27 septembre 2021

Les axions détectables sous forme de miniclusters traversés par des étoiles à neutrons


Bonne nouvelle! Il existe une nouvelle voie de détection des axions, les autres particules candidates sérieuses pour expliquer la matière noire. Elle fait intervenir des étoiles à neutrons et leur puissant champ magnétique et l'hypothèse de la présence de miniclusters d'axions, des groupes de particules qui sont restées liées entre elles par la gravitation depuis le début de l'Univers. L'étude des physiciens européens qui décrit l'effet détectable associé à la rencontre d'étoiles à neutrons avec ces miniclusters est publiée dans Physical Review Letters.    

Selon la théorie de Peccei et Quinn, les axions se convertissent en photons dans un champ magnétique. Cette conversion est d'autant plus importante que la valeur du champ magnétique est élevée. Et l'énergie des photons générés est égale à l'énergie de  masse des axions. Les étoiles à neutrons ont déjà été reconnues comme étant des cibles privilégiées pour tenter de déceler un signal électromagnétique typique d'une conversion d'axions qui proviendraient de leur coeur (car les étoiles doivent également produire une bonne quantité d'axions, il n'y aurait pas que des axions reliques datant des débuts de l'Univers). Thomas Edwards (Université AlbaNova, Stockholm) et ses collaborateurs s'intéressent pour leur part à ces axions reliques qui devraient être présent un peu partout dans les galaxies et qui auraient les mêmes propriétés de conversion dans les champs magnétiques très intenses. 

Les chercheurs rappellent  que l'axion de la chromodynamique quantique, tel qu'il a été théorisé à la fin des années 1970, devrait former des structures denses qu'on appelle des miniclusters d'axion si la symétrie de Peccei-Quinn est brisée après l'inflation. Dans leur étude, Edwards et ses collaborateurs font l'hypothèse d'un axion de la famille Kim-Shifman-Vainshtein-Zakharov (KSVZ) ayant une masse de 20 µeV qui produit un rayonnement radio à 4.84 GHz via un couplage axion-photon gaγγ ≈ 8 × 10−15 GeV−1.

En quantifiant les caractéristiques de ces miniclusters, en terme de densité, de nombre et de taille, Edwards et ses collaborateurs sont en mesure de calculer quelle est l'occurence des rencontres qui peuvent avoir lieu entre les nombreuses étoiles à neutrons de notre galaxie et les miniclusters d'axions qui y résideraient. Et ils déterminent également le type de signal que ces rencontres doivent produire, bien sûr. Le chiffre qu'ils obtiennent est très loin d'être négligeable ! Le nombre de rencontres entre étoiles à neutrons et minicluster d'axion : entre 1 et 100 par jour. Elles produiraient un signal d'ondes radio transitoire qui durerait entre 1 jour et quelques mois, le temps que l'étoile à neutrons traverse entièrement le minicluster. 
Edwards et ses collaborateurs démontrent que ces événements seraient regroupés spatialement vers le centre galactique, et peuvent atteindre des flux observables. Le flux d'ondes radio, d'après la modélisation théorique est proportionnelle à l'intensité du champ magnétique au carré et bien sûr proportionnelle à la densité des miniclusters. Ces transitoires radio seraient donc à la portée des télescopes de la génération actuelle et offrent ainsi une voie prometteuse pour découvrir la matière noire sous la forme de l'axion de la QCD. 

Il faut préciser que l'évolution des miniclusters d'axions depuis leur apparition dans l'Univers primordial a été confirmée par des simulations numériques qui montrent qu'une fraction significative d'axions  pourrait être contenue dans de telles structures liées. Malgré leur faible masse (10-19 M ≲ m ≲ 10-5 M) et leur grand rayon (10-8 ≲ R ≲ 10-2 pc, ce qui fait un rayon compris environ entre la distance Terre-Lune et 2000 fois la distance Terre-Soleil), la densité d'un minicluster d'axions peut être de plusieurs ordres de grandeur supérieure à celle de la densité locale de matière noire. A partir de leur taille et de la vitesse relative des étoiles à neutrons au sein de notre galaxie, les chercheurs calculent le temps que met une étoile à neutrons pour traverser un minicluster et le temps que dure l'émission radio maximale. Ils obtiennent une durée de traversée comprise entre 103 et 109 s, qui produirait un signal détectable sur une durée comprise entre 105 et 107 s, ce qui fait des signaux transitoires qui peuvent durer entre 30h et 100 jours environ.

D'autre part, les miniclusters d'axions sont beaucoup plus diffus que les étoiles. Dans un article complémentaire publié dans Physical Review D, les auteurs montrent que les interactions de marée avec les étoiles peuvent avoir un effet dramatique sur la survie des miniclusters dans la Voie Lactée. Ils y montrent que les miniclusters situés dans les régions intérieures de la Galaxie subissent d'importantes perturbations, alors que ceux qui sont plus éloignés restent intacts. Le nombre de miniclusters doit néanmoins être beaucoup plus élevé dans le centre galactique.

Au sein de la Voie Lactée, il existe une variété de sources d'émission radio transitoires, notamment en provenance du centre galactique. Une analyse récente des données d'archives du VLA a trouvé un certain nombre de transitoires potentiels dans un rayon de ∼0,001° de Sgr A*. Les explications de ces transitoires radio vont des émissions de pulsars, aux éruptions radio d'étoiles naines, et aux rayonnements de binaires X, qui émettent tous dans un large spectre d'énergie (de fréquence).
Les rencontres entre miniclusters et étoile à neutrons pourraient aussi contribuer à ces transitoires vers le centre galactique, mais avec la grosse différence qu'elles produiraient une fréquence radio bien spécifique, la fréquence correspondant à la masse de l'axion, et donc devraient être discernables du bruit de fond avec des moyens de détection spectrométriques. 

La production de miniclusters d'axions dans l'Univers primodial est une prédiction robuste du scénario post-inflationnaire de la cosmologie. La fraction d'axions qui serait liée dans ces miniclusters reste cependant très incertaine, mais il est probable qu'elle soit substantielle selon les chercheurs. Edwards et ses collaborateurs européens ont montré que si cette fraction est très importante, les efforts actuels de détection directe dans des haloscopes sur Terre pourraient se révéler tout à fait inefficaces. Dans ce cas, la meilleure voie de détection serait celle qui a été présentée ici. Au contraire, si la fraction d'axions qui forme des miniclusters est finalement assez faible, la détection directe peut encore espérer se concrétiser. Nous avons donc deux voies de recherche complémentaires, une détection directe en laboratoire autour d'aimants supraconducteurs et une détection indirecte avec des radiotélescopes autour d'étoiles à neutrons, avec ses deux variantes impliquant axions produits in situ ou rencontres transitoires de miniclusters galactiques. Toutes ces méthodes vont être exploitées en parallèle... Que la meilleure gagne.


Source

Transient Radio Signatures from Neutron Star Encounters with QCD Axion Miniclusters
Thomas D. P. Edwards et al.
Phys. Rev. Letters 127 (23 September 2021)


Illustration

Répartition calculée des miniclusters d'axions dans le référentiel galactique (Edwards et al.)

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