20/09/21

L'origine du fond diffus gamma dévoilée


Il n'y a pas que le fond diffus cosmologique, le fond diffus de neutrinos ou le fond diffus de lumière extragalactique, il existe aussi un autre fond diffus qui baigne tout le ciel, un fond de rayons gamma. Depuis les années 1960, les astrophysiciens cherchent à savoir quelle est la source de ce rayonnement gamma. Deux origines sont en compétition : noyaux actifs de galaxies et galaxies à forte formation stellaire. Une étude parue dans Nature la semaine dernière vient de montrer quelle est la bonne source.

Matt Roth (Australian National University) et ses collaborateurs ont modélisé l'émission de rayons gamma des galaxies et ont comparé leurs résultats avec les prédictions d'autres sources.  Ils ont analysé des informations obtenues sur de nombreuses galaxies, telles que leur taux de formation d'étoiles, leur masse totale, leur taille physique et leur distance. Roth et son équipe ont exploité des données du télescope spatial Hubble et surtout du télescope spatial Fermi qui est spécialisé dans la détection des rayons gamma de haute énergie. Fermi détecte un fond diffus de rayons gamma dont l'énergie s'étale entre 0,1 GeV et 1000 GeV. Il permet de bien séparer les photons gamma qui proviennent du disque galactique de ceux qui proviennent de toutes les directions et qui forment le fond diffus.
Les chercheurs ont élaboré un calcul de la contribution que devraient avoir les galaxies à forte formation d'étoiles au fond de rayons γ, un calcul qui ne repose pas sur des relations empiriques mais sur un modèle physique de l'émission γ qui est produite lorsque les rayons cosmiques accélérés dans les restes de supernova interagissent avec le milieu interstellaire. Ils déterminent les flux de photons gamma produits à la fois par des interactions de noyaux atomiques et d'électrons.
Après avoir validé leur modèle par rapport à des observations locales, sur des galaxies "endormies" comme la galaxie d'Andromède ou NGC4945 et sur des galaxies produisant beaucoup d'étoiles comme NGC253 et Arp220, Roth et ses collaborateurs l'ont ensuite appliqué à la population cosmologique de galaxies à forte formation d'étoiles qui est observée. Ils retrouvent alors une excellente correspondance à la fois avec l'intensité totale et avec la forme spectrale du fond diffus de rayons γ. Ils en déduisent que les galaxies à forte formation d'étoiles peuvent à elles seules expliquer l'intégralité du fond diffus gamma sans avoir recours aux noyaux actifs et autres quasars ou blazars.
 
Et les chercheurs montrent également que les contributions relatives au fond apportées par des galaxies ayant des taux de formation d'étoiles et des décalages vers le rouge différents impliquent que  le fond aux énergies les plus basses est dominé par les galaxies les plus éloignées, situées aux environ de z ≈ 1-2, tandis qu'aux énergies plus hautes, où l'atténuation par la lumière de fond extragalactique a un effet plus important, la contribution dominante se déplace vers les redshifts inférieurs, les galaxies les plus proches, de sorte qu'à 1 TeV par exemple le fond est dominé par des sources à z ≈ 0,1 (à 1,3 milliards d'années-lumière environ). Les chercheurs remarquent qu'à toutes les énergies, la contribution dominante provient de galaxies qui ont des taux de formation d'étoiles élevés mais pas extrêmes pour leur redshift.

Il est important de replacer cette conclusion selon laquelle les galaxies à forte formation stellaire dominent le fond diffus et isotrope de rayons γ dans le contexte de travaux récents. Un certain nombre d'auteurs avait en effet soutenu que les blazars et d'autres sources de type AGN contribuaient de manière substantielle ou même dominaient le fond diffus gamma. Roth et son équipe expliquent arguments à l'appui que les blazars (des AGN vu dans l'axe d'émission) dominent effectivement le fond extragalactique, certes, mais seulement pour sa composante résolue (ponctuelle). Pour la composante non résolue, diffuse, ce sont bel et bien les galaxies à formation stellaires qui dominent.

Matt Roth et ses collaborateurs concluent en soulignant que la méthodologie qu'ils ont introduite pour évaluer les flux gamma pourrait également être appliquée pour prédire les fonctions de luminosité et les contributions des galaxies à forte formation stellaire dans d'autres longueurs d'onde et pour d'autres messagers également pilotés par les rayons cosmiques, ils pensent par exemple au fond diffus de neutrinos détectables par IceCube ou au rayonnement synchrotron en ondes radios détectable par le Square Kilometer Array (SKA) et d'autres radiotélescopes de la prochaine génération.


Source

The diffuse γ-ray background is dominated by star-forming galaxies
M.A. Roth et al. 
Nature 597 (15 september 2021)


Illustration 

Le ciel gamma imagé par le télescope Fermi (NASA/DOE/Fermi LAT Collaboration)

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