Le néon est un gaz rare dans l’atmosphère terrestre, mais relativement abondant sur Mars. Il y a été détecté depuis longtemps par les premières sondes américaines Viking ainsi que dans des météorites martiennes. Aujourd’hui, la sonde MAVEN permet de mesurer la perte de néon martien par échappement atmosphérique, ce qui montre que le néon est produit en continu sur Mars… L’étude est publiée par Icarus.
Hiroyuki Kurokawa (Institut de Technologie de Tokyo) et ses collaborateurs japonais et français ont étudié les données de la sonde américaine MAVEN (Mars Atmosphere and Volatile Evolution) qui analyse l’atmosphère de Mars. Ils montrent que l'échelle de temps de la perte de néon par échappement atmosphérique qui est estimée est très courte (comprise entre 60 et 100 millions d’années ), et qu’elle ne colle pas du tout avec les proportions de ce gaz noble qui sont mesurées.
Les gaz nobles, y compris le Ne, sont principalement éliminés par un processus appelé 'pulvérisation' (sputtering) : l'éjection d'atomes et de molécules neutres par des collisions avec les ions accélérés du vent solaire. Comme le néon et l’argon sont tous deux éliminés par pulvérisation et qu'on connaît bien le processus pour l'argon plus abondant, les chercheurs utilisent le taux de perte mesuré de l’argon (4,9 × 1022 atomes.s-1) pour estimer celui du Ne car on connaît le lien entre les deux grâce à des simulations numériques qui ont été validées par les mesures in situ de MAVEN. Le taux de sputtering du néon martien est compris entre 0,7 et 10 × 1020 atomes.s-1 . Mais alors que la durée de vie de l’argon dans l’atmosphère martienne est de l’ordre de 4 milliards d’années, la différence d’abondance globale entre les deux gaz (il n’y a qu’entre 1 et 6 ppm de néon) fait que la durée de vie du néon est environ 50 fois plus faible que celle de l’argon : entre 60 et 100 millions d’années.
Kurokawa et son équipe en déduisent, grâce à ces mesures ainsi que celle de la composition isotopique du Ne atmosphérique (le rapport 20Ne/22Ne) qu’il doit exister un apport récent de néon, sans quoi on ne devrait plus voir de néon aujourd’hui. Pour les planétologues, un apport continu de gaz ne peut provenir que d’un dégazage volcanique récent. Avant d’arriver à cette explication, les chercheurs japonais et français avaient tout de même pris la peine de calculer toutes les sources d’apport de néon possibles : accrétion d’astéroides, de comètes, de particules de poussière interplanétaire, et production cosmogénique. Cette dernière voie de production provient des réactions de rayons cosmiques galactiques énergétiques qui peuvent produire du Néon par spallation sur des noyaux de Magnésium, Silicium ou Aluminium de la croûte martienne (lorsqu’un proton dégomme un ou plusieurs protons ou neutrons d’un noyau); le calcul indique une production de seulement 1018 noyaux par seconde (environ 1000 fois moins que le taux de perte…). Bref, aucune voie alternative de production ou d’apport se révèle suffisante pour contrebalancer la perte qui est estimée.
Or, au moment où les planétologues soumettaient leur article à Icarus, une étude montrait il y a quelques semaines l'évidence d’une activité volcanique martienne datant d’il y a 50 000 ans seulement dans la région de Elysium Planitia (Horvath et al., Icarus 2021). Cette découverte vient donc conforter l'hypothèse de Kurokawa et ses collaborateur. Le volcanisme actif sur Mars a donc le vent en poupe.
Et qui dit dégazage volcanique, dit présence de néon dans la croûte et les couches internes de Mars. Les planétologues estiment que le manteau martien est beaucoup plus riche en néon que le manteau terrestre, par un facteur compris au minimum entre 5 et 80 selon leurs calculs… (de 0,5 à 8 × 10−11 g/g).
Pour expliquer une telle différence, Kurokawa et ses collaborateurs expliquent que les processus de formation de Mars ont dû impliquer une capture très efficace des gaz de la nébuleuse solaire et l’accrétion de matériaux riches en néon, tels que la poussière implantée par le vent solaire lors du stade de formation de Mars. Mais cette explication reste fragile.
Pour mieux comprendre pourquoi Mars est si riche en néon, des mesures de rapports isotopiques du Ne vont être cruciales, notamment pour comparer le néon de l’atmosphère et le néon piégé dans les roches. L’analyse in situ ou effectuée sur des échantillons de roches prélevés va être de la plus haute importance pour cette recherche.
Source
Mars’ atmospheric neon suggests volatile-rich primitive mantle
Hiroyuki Kurokawa et al.
Icarus (4 september 2021)
Illustration
Les différentes sources de production et de perte de néon sur Mars (Kurokawa et al.)
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