Jianxing Chen (INAF, Bologne) et ses collaborateurs italiens se sont intéressés à des populations de naines blanches dans les deux beaux amas globulaires M3 et M13 (prisés des astronomes amateurs). Mais eux les ont observés avec le télescope spatial Hubble. Ces deux amas partagent de nombreuses propriétés physiques telles que l'âge et la métallicité (l'abondance d'éléments lourds), mais les populations d'étoiles qui donneront finalement naissance à des naines blanches sont différentes. Cela fait de M3 et M13 un laboratoire naturel parfait pour tester le refroidissement de différentes populations de naines blanches.
Rappelons que les naines blanches sont le produit final de l'évolution de la grande majorité des étoiles de l'Univers (comme le Soleil par exemple). Ce sont des structures sans activité thermonucléaire stable extrêmement denses qui ne résistent à l'effondrement gravitationnel que par la dégénérescence quantique des électrons si elles ne dépassent pas une certaine masse (1,4 masse solaire), et leur évolution est généralement décrite comme un pur processus de refroidissement qui peut durer plusieurs dizaines de milliards d'années.
En utilisant la caméra à grand champ 3 de Hubble, l'équipe d'astrophysiciens a observé M3 et M13 à des longueurs d'onde proches de l'ultraviolet. Chen et ses collaborateurs ont comparé près de 800 naines blanches dans les deux amas (467 dans M13 et 326 dans M3). Ils ont ainsi constaté que M3 contient des naines blanches standard, qui sont simplement des noyaux stellaires en cours de refroidissement. Mais M13, en revanche, paraît contenir deux populations de naines blanches : des naines blanches standard et d'autres beaucoup plus brillantes. Selon Chen et son équipe, ces dernières brillent car elles ont réussi à conserver une enveloppe externe d'hydrogène, qu'elles sont en train de brûler par fusion thermonucléaire et donc elles se refroidissent beaucoup plus lentement.
En comparant leurs résultats avec des simulations de l'évolution stellaire dans M13, les chercheurs montrent qu'environ 70 % des naines blanches de M13 brûlent de l'hydrogène à leur surface. Cette découverte n'est pas anodine car les naines blanches sont très souvent utilisées comme des chronomètres via leur durée de refroidissement. Elles sont utilisées pour estimer l'âge d'amas d'étoiles ou de disques galactiques. Si une grande proportion de naines blanches apparaissent plus jeunes (car plus chaudes) qu'elles ne sont en réalité, les estimations d'âge peuvent s'en retrouver fortement biaisées. Les chercheurs calculent que l'erreur liée à cet effet pourrait atteindre 1 milliard d'années, ce qui commence à ne plus être négligeable...
Selon Chen et son équipe, le fait que ce phénomène apparaisse dans M13 et non dans M3 est bien cohérent avec les différentes morphologies de ce qu'on appelle la branche horizontale du diagramme HR des deux amas (classification des étoiles en fonction de leur couleur et de leur luminosité). En effet, contrairement à M3, la branche horizontale dans M13 montre une longue extension vers le bleu qui est peuplée d'étoiles de masse inférieure. On s'attend donc à ce qu'une fraction importante des étoiles de M13 terminent leur évolution comme des naines blanches possédant une enveloppe d'hydrogène suffisamment massive pour permettre une combustion thermonucléaire qui aura les conséquences observées.
Cette découverte devrait mener à de future études systématiques et quantitatives sur le refroidissement des naines blanches dans les amas d'étoiles qui ont différentes morphologies de branche horizontale décrivant leur population d'étoiles et aussi différentes métallicités, seule façon de pouvoir utiliser sereinement les naines blanches comme chronomètres cosmiques.
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3 commentaires :
Bonjour,
A première vue, il semble paradoxal que les étoiles de la branche horizontale (HBS) les plus bleues, qui sont les moins massives et ont aussi l'enveloppe d'hydrogène la moins massive, finissent en naines blanches (WD) avec le plus d'hydrogène, permettant sa fusion quiescente et l'existence de ces WD "lentes". Les auteurs expliquent que les HBS de moins de 0.56 Mo (pour la métallicité considérée)"sautent" la phase TPAGB, et évitent ainsi le troisième dragage qui tend à détruire l'enveloppe d'hydrogène. Finalement il leur en reste plus au stade WD.
Ainsi, les différences en termes de refroidissement des WD entre M13 et M3, tiendraient à leurs proportions très différentes en petites HBS (de masse < 0.56 Mo, respectivement 65% et moins de 10%) , et donc, je suppose, à leur IMF ; reste à savoir pourquoi ces 2 amas de masse, age et [Fe/H] comparables ont connu une IMF si différente ?
oui, je n'ai pas voulu descendre dans ce niveau de détails. Précisons que ce qu'on appelle IMF est la fonction qui donne la distribution des masses initiales des étoiles.
A la réflexion, l'idée du lien supposé entre la masse des étoiles au stade HB (HBS) et leur masse initiale est naïve, et en creusant un peu (si j'ai bien compris), complètement fausse ! En réalité dans un amas globulaire Galactique donné la masse du cœur des HBS, quelque soit leur couleur, et la masse initiale de l'étoile progénitrice est constante ; les HBS ne différent que par la masse de l'enveloppe d'hydrogène, elle-même déterminée par la perte de masse aux stades antérieurs, en particulier pendant la phase RGB.
L'importance de cette perte de masse dépend principalement de la métallicité, mais pas que : c'est le vieux et complexe problème du "second paramètre" pour expliquer les différentes morphologies de la HB d'amas d'âge et métallicité comparables (tels M3 et M13); ont été évoqués la teneur en He, l'abondance en CNO, la rotation stellaire, la densité centrale de l'amas, la fraction de binaires, qui tous peuvent influencer l'évolution stellaire.
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