14/04/22

Découverte d'un trou noir à croissance rapide 750 millions d'années après le Big Bang

Depuis la découverte de quasars lumineux situés seulement 700 millions d'années après le Big Bang, comprendre comment les trous noirs supermassifs se forment et grandissent dans l'Univers primitif est devenu un défi majeur. Aujourd'hui, une équipe vient de mettre en évidence un chainon manquant : un quasar en transition dans une galaxie à très forte formation d'étoiles qui est en train de devenir visible derrière ses épaisses couches de poussière et de gaz. L'étude est publiée dans Nature

Les simulations cosmologiques produisent une séquence évolutive qui montre des quasars rougis par la poussière émergeant de galaxies à flambées de formation d'étoiles, fortement obscurcies par la poussière, et qui se transforment ensuite en quasars lumineux non obscurcis en expulsant le gaz et la poussière. La dernière phase a été identifiée jusqu'à un décalage vers le rouge de 7,6, mais aucun quasar en transition n'avait été trouvé à des décalages vers le rouge similaires en raison de leur faible luminosité aux longueurs d'onde optiques et dans le proche infrarouge.
Le quasar identifié par Seiji Fujimoto (Université de Copenhague) et ses collaborateurs est appelé GNz7q, il est associé à une galaxie à flambée d'étoiles enveloppée de poussière, qui a un décalage vers le rouge de 7,19. La galaxie hôte est plus lumineuse en émission de poussière que tout autre objet connu à cette époque. Elle forme 1600 masses solaires d'étoiles par an dans un rayon central de 480 parsecs. C'est énorme. Elle a été identifiée comme une source ponctuelle rouge dans l'ultraviolet lointain décalé. 
GNz7q est extrêmement faible dans les rayons X, ce qui indique l'émergence d'une région de formation d'étoiles compacte ou d'un disque d'accrétion de trou noir de type super-Eddington au cœur poussiéreux de la galaxie. Dans ce dernier cas, les propriétés observées sont cohérentes avec les prédictions des simulations cosmologiques et suggèrent que GNz7q est un précurseur des quasars lumineux non obscurcis à des époques ultérieures. GNz7q serait ainsi le premier trou noir à croissance rapide de l'Univers primitif (750 millions d'années après le Big Bang).
L'extrême faiblesse en rayons X de GNz7q est un indicateur fort du jeune âge du quasar. Les chercheurs évaluent la masse du trou noir à seulement 10 millions de M⊙. Les quasars faibles en rayons X sont abondants parmi les quasars qui ont des vents puissants dans leur noyau. Cette tendance peut être expliquée par un scénario dans lequel la région interne du disque d'accrétion est fortement gonflée jusqu'à une hauteur substantielle en raison de l'accrétion de matière exceptionnellement élevée, ce qui empêche les rayons X d'atteindre les observateurs externes.
D'après les simulations, un trou noir supermassif comme GNz7q de 10 millions de masses solaires à un redshift de 7,2 (750 millions d'années après le Big Bang) peut former, soit par forte accrétion continue, soit par fusions avec d'autres trous noirs, un trou noir de masse comprise entre 200 millions et plusieurs dizaines de milliards de masses solaires à un redshift de 6,4, 860 millions d'années après le Big Bang, un peu plus de 100 millions d'années plus tard.
Outre l'importance de GNz7q pour la compréhension de l'origine des trous noirs supermassifs, cette découverte est remarquable par sa localisation dans le champ nord de Hubble GOODS, l'une des zones pourtant les plus scrutées du ciel, ce qui montre que des découvertes importantes peuvent se cacher juste devant nous, et ce qui rend peu probable un coup de chance. La prévalence de telles sources pourrait en fait être beaucoup plus élevée qu'on ne le pensait. Une fois en fonctionnement régulier, le télescope Webb aura le pouvoir de déterminer de manière décisive à quel point ces trous noirs à croissance rapide sont vraiment communs.

Source

A dusty compact object bridging galaxies and quasars at cosmic dawn
Seiji Fujimoto et al.
Nature volume 604 (13 april 2022)
Illustration

GNz7q  imagé par le télescope Hubble (tache rouge au centre de l'image) (NASA, ESA, G. Illingworth, P. Oesch, R. Bouwens, I. Labbe, Cosmic Dawn Center/Niels Bohr Institute/University of Copenhagen)

Aucun commentaire :