Puppis A est un résidu de supernova vraiment curieux : plutôt que d’exhiber une forme à peu près sphérique, il apparaît quasi cubique dans les images obtenues en rayons X. Une équipe de chercheurs s’est penchée sur les processus qui pourraient produire une telle forme. De nombreuses simulations finissent par donner une réponse. Ils publient leur étude dans Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.
La morphologie et les propriétés d'émission des résidus de supernova dépendent à la fois de la structure circumstellaire environnante, façonnée par l'interaction du vent stellaire de l’étoile progénitrice avec le milieu interstellaire et les conditions locales du milieu ambiant. On sait que dans la phase chaude du plan galactique, un champ magnétique ordonné de 7 𝜇G peut avoir des conséquences importantes sur la morphologie de la bulle de vent des étoiles massives. Dominique Meyer (Université de Potsdam) et ses collaborateurs sont partis de ce constat pour tenter de reproduire un résidu de supernova qui aurait la morphologie de Puppis A, à partir de simulations magnéto-hydrodynamiques.
Puppis A présente une forme rhomboïde, à l'intérieur de laquelle plusieurs filaments apparaissent disposés de manière orthogonale les uns par rapport aux autres, donnant l'apparence générale de carrés et rectangles imbriqués. Cette disposition particulière est observable dans de nombreuses longueurs d'ondes, allant de l'infrarouge aux rayons X en passant par le visible et la radio.
Meyer et ses collaborateurs ont simulé l’évolution d’une étoile de 35 masses solaires dans une phase de Wolf-Rayet, pour montrer quel était l’effet des champs magnétiques sur le développement de son résidu de supernova ultérieur. Ils découvrent que lorsque le reste de supernova atteint un âge moyen de 15 000 à 20 000 ans, il peut adopter naturellement une forme tubulaire qui résulte de l'interaction entre les éjectas isotropes de la supernova et la bulle antérieure de l’étoile progénitrice qui est, elle, anisotrope, magnétisée et choquée et dans laquelle l'onde de choc de la supernova s'étend. Ils montrent que le milieu circumstellaire de l'étoile progénitrice qui est profondément soutenu par pression et par un champ magnétique de fond organisé, contraint ensuite la propagation de l'onde de choc de la supernova, ce qui induit de multiples réflexions du choc le long des directions normales aux champs magnétiques du milieu interstellaire.
Et les calculs révèlent que ces vestiges de supernova vus en rayons X peuvent au final, en raison d'effets de projection géométrique, apparaître comme des objets totalement rectangulaires. Ce mécanisme de mise en forme d'un vestige de supernova, selon Meyer et ses collaborateurs, est similaire à la production de nébuleuses planétaires bipolaires et elliptiques par l'interaction de vents stellaires entre deux étoiles de plus faible masse.
Les asymétries dans le reste de la supernova sont donc directement obtenues par l'interaction de l'onde de choc de la supernova avec le milieu circumstellaire magnétisé préformé de l'étoile de l'étoile progénitrice. Le modèle que les chercheurs ont produit colle très bien aux observations de Puppis A, à la fois sur sa forme observée en rayons X mais aussi avec d’autres propriétés comme l’énergie maximale de son émission gamma. Des données obtenues par Fermi-LAT et H.E.S.S. indiquent en effet que Puppis A est un site d'accélération de particules jusqu'à une énergie de l’ordre du GeV seulement, pas plus. Cela soutient le scénario d’une onde de choc de supernova qui n'interagit pas encore massivement avec les nuages moléculaires denses environnants, ce qui favorise aussi le fait que la morphologie rectangulaire soit principalement produite par l'onde de choc entrant en collision avec la matière circumstellaire, ce que proposent Meyer et al. dans leur modèle.
De nouvelles observations de résidus de supernovas rectangulaires seront intéressantes pour tester le modèle développé ici, et aussi pour mieux comprendre le passé et le devenir de Puppis A.
Source
Rectangular core-collapse supernova remnants: application to Puppis A
D. M.-A. Meyer et al.
Monthly Notices of the Royal Astronomical Society (4 july 2022)
Illustrations
1. Puppis A observé en rayons X (NASA/CXC/IAFE/G. Dubner et al & ESA/XMM-Newton)
2. Simulations numériques d'un résidu de supernova du type de Puppis A (évolution dans le temps) (Meyer et al.)
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