Des astrophysiciens ont trouvé un excès de jeunes étoiles à proximité de Sgr A*, dans l’amas SGR B1, où se trouvent plusieurs centaines de milliers d’étoiles qui se sont formées il y a environ 10 millions d’années. Ils publient leur étude dans Nature Astronomy.
Le centre de la Voie Lactée est le noyau galactique le plus proche et l'environnement le plus extrême de la Galaxie. Bien que son volume représente moins de 1 % de celui du disque galactique, jusqu'à 10 % de toutes les nouvelles étoiles de la Galaxie au cours des 100 derniers mégannées s'y sont formées. Il constitue un laboratoire parfait pour comprendre la formation d'étoiles dans des conditions extrêmes. Mais les deux seuls jeunes amas connus dans le Centre Galactique (Arches et Quintuplet) représentent moins de 10% de la masse stellaire jeune. C'est ce qu'on appelle le « problème des amas manquants ».
Francisco Nogueras-Lara (Max Planck Institut für Astronomie) et ses collaborateurs ont analysé l'histoire de la formation stellaire de Sgr B1, une région du Centre Galactique associée à une forte émission H II. Le centre de la Voie Lactée est grossièrement délimité par la zone moléculaire centrale et le « disque nucléaire stellaire ». Le disque nucléaire stellaire est caractérisé à la fois par de fortes densités stellaires, de puissants champs de marée, des champs magnétiques élevés et des niveaux élevés de turbulence ainsi que des températures élevées dans le milieu interstellaire. Le Centre Galactique émet ainsi plus de 10% du flux total du rayonnement de l’hydrogène galactique alors qu'il occupe moins de 1% du volume total de la Galaxie. A partir de différentes études, on estime que la formation des étoiles a atteint un taux de l'ordre de 0,1 masse solaire par an dans le Centre Galactique au cours des 10 à 100 derniers millions d’années.
Une explication plausible du problème des amas manquants est la dissolution rapide des amas, même les plus massifs, en raison du champ de marée dans le centre galactique et des rencontres entre les jeunes amas et les nuages moléculaires massifs. Mais il existe aussi une forte densité du fond stellaire, combinée à une grosse extinction interstellaire vers le Centre Galactique, ce qui entrave la détection de tous les jeunes amas, sauf les plus serrés et les plus massifs.
Nogueras-Lara et son équipe ont réussi à percer ce voile de lumière pour observer la structure de Sagittarius (Sgr) B1. Les observations dans l'infrarouge lointain suggèrent la présence d'étoiles chaudes très espacées qui excitent le gaz dans au moins huit sous-régions distinctes.
De plus, une cohorte de six jeunes étoiles massives y a été détectée en 2010 et 2021.Les chercheurs ont exploité le relevé GALACTICNUCLEUS qui fournit un catalogue à haute résolution angulaire (~0,2″) spécialement conçu pour observer le centre galactique. Ils étudient un champ de ~160 pc2 couvrant une partie de la région Sgr B1 et le comparent à un champ témoin de taille similaire dans la région du disque stellaire nucléaire interne.
Compte tenu de l'extinction très différente le long de la ligne de visée entre le Centre Galactique et le Disque Galactique, Nogueras-Lara et al. ont appliqué une coupure de couleur dans le diagramme couleur-magnitude pour éliminer les étoiles d'avant-plan. Ils ont ensuite construit des cartes d'extinction en utilisant les étoiles géantes rouges (dont la couleur intrinsèque est approximativement constante) pour corriger le rougissement et l'extinction différentielle. Enfin, ils ont créé une fonction de luminosité qui fournit le nombre d'étoiles par intervalle de luminosité. La fonction de luminosité d'une population stellaire contient des informations sur son histoire de formation.
Les astrophysiciens trouvent ainsi des preuves de la présence dans Sgr B1 de plusieurs centaines de milliers de masses solaires de jeunes étoiles qui se sont formées il y a environ 10 mégannées, et ils détectent également la présence d'étoiles d'âge intermédiaire, entre 2 et 7 gigannées) qui semblent être rares (ou absentes) dans les régions internes du disque stellaire nucléaire, et qui pourraient indiquer une formation interne.
La région Sgr B1 est située à une distance radiale de 80 pc seulement du trou noir supermassif Sgr A*. Cela implique une période de rotation de 5 Mégannées pour sa population stellaire, en supposant une vitesse circulaire de 100 km s-1. L’estimation de l'âge de la jeune population stellaire détectée suggère donc qu'elle n'a pas été formée in situ et qu'elle a déjà tourné autour du trou noir supermassif au moins une fois. Pour les chercheurs, l'émission H II détectée est une conséquence de l'ionisation de l'enveloppe de gaz moléculaire et de poussière trouvée dans le complexe Sgr B par des étoiles répandues dans le champ.
D'autre part, la présence d'une cohorte de six étoiles émettrices de rayons X dans cette région suggère qu'elles constituent un groupe physiquement distinct. Une comparaison de cette population stellaire avec l'amas d'Arches, dont seulement quatre membres sont des émetteurs de rayons X connus, fait dire à Fransisco Nogueras-Lara et ses collègues que la cohorte d'étoiles massives chaudes de Sgr B1 pourrait être représentative d'une population stellaire massive riche comme celle d’Arches, ce qui est finalement en bon accord avec leurs résultats. De plus, les chercheurs notent la présence d'un candidat résidu de supernova dans la région de Sgr B1, à seulement 15 pc de l'association stellaire jeune détectée, cela fournit selon eux une preuve supplémentaire de la présence d'une population stellaire jeune.
Déterminer l'endroit où la jeune population stellaire détectée s'est formée est très difficile en raison de l'incertitude de son âge et de la distance inconnue le long de la ligne de visée, qui empêchent une reconstruction précise de l'orbite. Compte tenu de la masse élevée qui est estimée (de l’ordre de 100 000 M⊙), il semble peu probable que les jeunes étoiles se soient formées en tant qu'amas lié unique. De plus, des études théoriques indiquent une limite supérieure de 10 000 M⊙ pour la formation d'amas liés dans la zone moléculaire centrale. Par conséquent, les astrophysiciens concluent que la jeune population stellaire détectée s'est probablement formée sous la forme d'une association stellaire. Mais, en extrapolant l'efficacité de formation d'amas observée dans un autre nuage proche du centre galactique, Sgr B2 (où 40% des étoiles se forment en amas gravitationnellement liés), il est probable que certaines des jeunes étoiles de Sgr B1 auraient pu constituer plusieurs amas gravitationnellement liés.
Ceci peut être utilisé pour estimer une limite inférieure de l'âge de la population stellaire détectée (environ 10 mégannées).
Ces résultats peuvent indiquer quel sera le destin des amas d'Arches et de Quintuplet, qui sont environ 5 mégannées plus jeunes que la jeune population stellaire détectée. Ils contribuent à façonner une image plus générale de l'évolution des jeunes étoiles dans le Centre Galactique, dans lequel les étoiles se forment dans des associations stellaires massives qui peuvent contenir des amas, et se dispersent ensuite en orbitant à travers le disque stellaire nucléaire.
Source
Detection of an excess of young stars in the Galactic Centre Sagittarius B1 region
Francisco Nogueras-Lara et al.
Nature Astronomy (25 august 2022)
Illustration
La région Sgr B1 imagée par Spitzer en infra rouge (Nogueras-Lara et al.)
2 commentaires :
Encore un article fort intéressant qui augmente mes connaissances concernant l'univers dans lequel nous baignons! Une question m'est venue à la lecture de cet article : notre soleil est il considéré comme une "jeune" étoile?
Bonjour,
Non, une étoile "jeune" c'est une étoile qui a moins de 100 millions d'années, voire moins de 50 millions. Le soleil, avec ses 4,6 Gigannées, n'est ni jeune, ni vieux, il est milieu du gué...
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