mercredi 7 septembre 2022

Détection de l'émission gamma de la galaxie naine Sagittarius


Une équipe internationale de chercheurs a découvert l'émission gamma de la petite galaxie satellite de la Voie Lactée appelée Sagittarius. Elle se trouve à l'intérieur d'une autre zone d'émission gamma bien plus vaste qui s'étend sur 50 000 années-lumière qu'on appelle les Bulles de Fermi. Les chercheurs attribuent cette émission gamma à une grande population de pulsars... L'étude est publiée dans Nature Astronomy.

Une sous-structure à l'intérieur des bulles Fermi avait été remarquée dans des études antérieures et avaient été interprétée comme la signature d'écoulements collimatés provenant du trou noir supermassif de la Galaxie. Mai, par le biais d'une analyse fine, Roland Crocker (Université Nationale d'Australie) et ses collaborateurs  montrent qu'une grande partie de l'émission de rayons γ associée à la région la plus brillante de la sous-structure qui est appelée le "cocon de Fermi", dans la bulle Sud, est probablement due à la galaxie naine sphéroïdale Sagittarius. Ce satellite de la Voie Lactée est vu à travers les bulles de Fermi depuis notre position. En tant que vestige dépourvu de torsion et de pression dynamique Sagittarius n'a pas de formation stellaire en cours, mais les astrophysiciens démontrent néanmoins que la population de pulsars millisecondes de la galaxie naine peut plausiblement fournir le signal γ que leur analyse associe à son modèle stellaire.
Il faut se rappeler qu'il existe deux origines possibles pour un rayonnement gamma qui provient du centre d'une galaxie naine : soit il s'agit de l'émission intégrée d'une grande population de pulsars, soit il s'agit de l'annihilation de particules/antiparticules de matière noire. Il n'existe pas aujourd'hui de troisième solution. 
Crocker et son équipe montrent que le spectre gamma mesuré s'explique naturellement par le processus de diffusion Compton inverse des photons du fond diffus cosmologique par les paires électron-positron de haute énergie qui seraient injectées par les pulsars millisecondes de Sagittarius, via leur émission magnétosphérique. Les électrons émis par les pulsars millisecondes entrent en collision avec les photons de faible énergie du fond diffus cosmologique, ce qui les propulse vers une énergie dans la gamme gamma de haute énergie. Pour en arriver à cette conclusion, l'équipe internationale de chercheurs a analysé les données des télescopes spatiaux GAIA et Fermi. En raison de son orbite serrée autour de notre galaxie et de ses précédents passages dans le disque galactique, Sagittarius a perdu la plupart de son gaz interstellaire et beaucoup de ses étoiles ont été arrachées de son noyau pour former des courants allongés. Mais la forme et l'orientation de ce qu'il reste de la naine Sagittarius correspondent parfaitement à celles du cocon de Fermi. 
Le cocon coïncide spatialement avec le noyau de la galaxie naine sphéroïdale. Crocker et son équipe expliquent que la probabilité fortuite d'un tel alignement est faible, de l'ordre de 1%, même avant de tenir compte du fait que le cocon et le Sagittarius ont des formes et des orientations similaires et que la galaxie naine est à la fois l'un des plus proches et des plus massives satellites de la Voie lactée (distance d = 26,5 kpc, masse M ≈ 108 masses solaires).

Leur découverte met en lumière le rôle des pulsars millisecondes en tant qu'accélérateurs efficaces d'électrons et de positrons hautement énergétiques, et suggère également que des processus physiques similaires pourraient être en cours dans d'autres galaxies naines satellites de la Voie lactée. La découverte d'un signal γ associé à Sagittarius a en effet un certain nombre d'implications à suivre. Premièrement, ces résultats motivent l'introduction de modèles stellaires dans l'analyse des données de toutes les galaxies produisant des rayons γ (M31 et les Grand et Petit Nuages de Magellan) pour sonder la contribution des pulsars millisecondes. De telles études pourraient confirmer (ou non) que le signal relativement fort que l'analyse a associé au modèle stellaire de Sagittarius peut être raisonnablement expliqué par l'émission des pulsars millisecondes. Deuxièmement, cette étude soutient l'argument selon lequel les pulsars millisecondes contribuent de manière significative au bilan énergétique des rayons cosmiques électrons/positrons dans les galaxies à faible taux de formation stellaire. Troisièmement, les chercheurs montrent qu'une extrapolation directe de la luminosité γ par unité de masse des pulsars millisecondes de Sgr à d'autres galaxies naines proches suggère qu'elles pourraient avoir des signatures astrophysiques γ considérablement plus importantes que les estimations précédentes, et suffisamment importantes pour être potentiellement détectables par une analyse minutieuse des données de Fermi-LAT. Inversement, ces signatures astrophysiques plus brillantes représenteraient un fond plus important que prévu avec lequel les recherches de signaux d'annihilation de la matière noire (dans la gamme de masse des dizaines de gigaelectronvolts) doivent se confronter, et qui pourrait submerger les signaux de matière noire dans certaines galaxies  naines proches.

Mais Crocker et ses collaborateurs rappellent en conclusion qu'il ne s'agit pas de prédictions en soi, mais d'extrapolations naïves qui ne tiennent pas compte des particularités de la Sagittarius par rapport à d'autres galaxies naines sphéroïdales qui peuvent la rendre anormalement efficace en émission γ (par exemple, sa formation stellaire relativement récente). Ces extrapolations motivent néanmoins la poursuite des travaux pour déterminer en détail comment la luminosité γ d'une population de pulsars millisecondes s'adapte aux paramètres bruts des étoiles hôtes (masse, âge, métallicité, etc.).

Source

Gamma-ray emission from the Sagittarius dwarf spheroidal galaxy due to millisecond pulsars
Roland M. Crocker et al. 
Nature Astronomy (5 september 2022)


Illustration

Le cocon de Fermi détecté par Fermi-LAT (Crocker et al. )

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