jeudi 24 novembre 2022

L'accélération des particules dans le jet du blazar Mrk 501


Une étude montre que dans un blazar, les particules du jet émanent du trou noir et de son disque d'accrétion sont accélérées par des ondes de choc se propageant le long du jet, ce qui produit in fine la luminosité extrême de ces objets. L'étude est publiée dans Nature

La plus grande partie de la lumière des blazars, des noyaux actifs de galaxie avec des jets de plasma magnétisé qui pointent presque le long de notre ligne de visée, est produite par des particules de haute énergie, jusqu'à environ 1 TeV. On sait que les jets sont alimentés par un trou noir supermassif et son disque d'accrétion, mais la manière dont les particules sont accélérées à des énergies aussi élevées reste une question sans réponse aujourd'hui, même si on se doute que les champs magnétiques doivent y jouer un rôle fondamental. 
Des ondes de choc sont générées naturellement lorsqu'un flux rapide de particules rencontre des matériaux plus lents se déplaçant le long du jet. La lumière émise par les jets des trous noirs supermassifs actifs est produite par des électrons par le biais du rayonnement synchrotron. Ce rayonnement est généré lorsque la trajectoire de particules chargées se déplaçant à une vitesse proche de celle de la lumière est déviée par un champ magnétique. Lorsque les particules changent de direction, elles perdent de l'énergie sous forme de lumière, et cette dernière est polarisée. 
Pour explorer ce qui se passe au plus près du site d'accélération, Ioannis Liodakis (université de Turku, Finlande) et ses collaborateurs ont mesuré la polarisation des rayons X dans le jet d'un blazar bien connu : Markarian 501 (Mrk 501) qui se trouve à 140 mégaparsecs de la Terre. Ils ont utilisé le télescope spatial IXPE (Imaging X-ray Polarimetry Explorer, lancé en décembre 2021), pour mesurer le degré de polarisation linéaire des rayons X d'énergie entre 2 et 8 keV. Il s'agit du premier blazar jamais observé à travers la lentille d'un polarimètre à rayons X.
Les astrophysiciens trouvent une valeur de degré de polarisation d'environ 10%, ce qui est un facteur d'environ 2 plus élevé que la valeur aux longueurs d'onde optiques, avec un angle de polarisation parallèle au jet radio. Cette particularité indique clairement l'existence d'un front de choc qui peut agir comme source d'accélération des particules, et d'après Liodakis et son équipe, cela implique également que le plasma devient de plus en plus turbulent avec la distance au choc. Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont comparé la polarisation des rayons X avec celle qu'ils ont mesurée au même moment (du 8 au 10 mars et du 25 au 28 mars 2022) dans le domaine visible, infra-rouge et radio avec de nombreux télescopes (le Nordic Optical Telescope, le Tohoku de 60 cm de l'observatoire de Haleakala, le télescope de 2,2 m de l'Observatoire de Calar Alto, le 1,5 m de l'observatoire de Sierra Nevada, le télescope AZT-8 de l'Observatoire de Crimée, le télescope LX-200 de l'Université de St Petersburg, et enfin le radiotélescope de 30 m de l'IRAM à Pico Veleta). 
Les chercheurs expliquent que les particules qui traversent l'onde de choc dans le jet perdent rapidement et efficacement de l'énergie par leur rayonnement sous forme de rayons X polarisés, et à mesure que les particules s'éloignent du choc, la lumière qu'elles émettent rayonne à des fréquences progressivement plus basses et devient moins polarisée. Cette évolution a pu être retracée en comparant la polarisation des différentes lumières observées.
Des milliers de blazars ont été détectés à ce jour, à toutes les longueurs d'onde accessibles, mais les mécanismes d'émission et d'accélération des particules restaient insaisissables. Les données polarimétriques multi-longueurs d'onde de Liodakis et de son équipe fournissent maintenant des preuves évidentes du mécanisme d'accélération des particules dans le jet même de Markarian 501, offrant un tournant dans notre compréhension des blazars.
La polarimétrie des rayons X va maintenant permettre d'étudier plusieurs de ces jets de quasars pour comprendre si ces chocs sont communs à toutes les sources. La grande inconnue qui existe encore est de savoir si les électrons produisent à eux seuls tout le rayonnement que nous voyons provenir des blazars, du rayonnement radio jusqu'aux rayons γ, ou si des protons y jouent également un rôle. La résolution de cette question sera une étape importante, et la polarimétrie X sera très utile dans cette quête.

Source

Polarized blazar X-rays imply particle acceleration in shocks
Ioannis Liodakis et al.
Nature (23 november 2022)

Illustration

La blazar Mrk 501 imagé en rayons X par IXPE (Ioannis Liodakis et al.)

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