20/09/23

Découverte de 6 destructions explosives de naines blanches par des trous noirs massifs

Un duo d’astrophysiciens américains vient de trouver 6 supernovas de type Ia atypiques. Elles auraient été déclenchées à cause du trop fort rapprochement d’une naine blanche d’un trou noir très massif, mais pas supermassif. Ils publient leur découverte dans The Astrophysical Journal.

Toutes les destructions maréales d’étoiles (TDE, tidal disruption event) connues à ce jour, il y en a 70, impliquent la dislocation d'étoiles « normales », mais des TDE de naines blanches devraient également exister (comme l’avaient montré Luminet et Marck en 1985). Ils avaient montré que lorsqu'une naine blanche est perturbée lors d'une rencontre profonde avec un trou noir, la naine blanche peut être suffisamment comprimée par l’effet de marée pour déclencher une ignition thermonucléaire. Le transitoire observable résultant d’une telle explosion thermonucléaire devrait ressembler à une supernova de type Ia, mais être moins lumineux, étant donné que la dislocation d'une naine blanche par un trou noir n'exige pas forcément qu'elle ait une masse proche de la limite de Chandrasekhar (1,4 masse solaire) comme dans une SN Ia classique.

Et pour qu'une naine blanche soit détruite par l’effet de marée, le trou noir doit avoir une masse inférieure à 105 M parce que s’il est plus gros, la courbure de l’espace-temps qu’il produit n’est pas suffisamment forte pour disloquer l’étoile compacte. Dans ce cas, la naine blanche plonge directement dans le trou noir en restant intacte jusqu’à l’horizon des événements. Trouver un TDE Ia implique donc la découverte directe d'un trou noir de masse intermédiaire (de moins de 105 M).

Sebastian Gomez et Suvi Gezari (Space Telescope Science Institute), ont recherché spécifiquement de tels événements si insaisissables. Ils ont fouillé dans les données d’alerte de la Zwicky Transient Facility en limitant leur recherche aux événements transitoires étant apparus dans des galaxies naines, qui sont les sites les plus probables pour la présence d’un trou noir de masse intermédiaire. Ils ont trouvé un total de six candidats TDE Ia possibles. Parmi ces 6 supernovas, étant toutes apparues entre 2019 et 2021, SN 2020lrt est la candidate TDE Ia la plus probable, d’après eux, grâce à la forte ressemblance de sa courbe de lumière et de son spectre avec les modèles des TDE Ia publiés en 2016 par MacLeod et al. et qui font consensus aujourd’hui. MacLeod et al. avaient montré que la caractéristique qui rend les TDE Ia vraiment uniques par rapport aux autres types de supernovas Ia, c’est leur émission multi-longueur d'onde. Elle inclut en effet à la fois l'émission de rayons X d'un disque d'accrétion et l'émission radio de rémanence d'un jet, des caractéristiques liées à l’interaction avec le trou noir, qui n’existent pas dans les supernovas Ia classiques, et qui devraient être identifiables dans un délai d'environ un mois à un an après la dislocation/explosion. Une étude de suivi avec des télescopes X et radio est ainsi une approche réalisable pour vérifier leur nature.

Lorsqu’ils ont cherché des TDE Ia dans les archives en dehors de la zone des noyaux galactiques, donc dans la périphérie des galaxies, les chercheurs n’ont trouvé aucunes candidates plus robustes que celles qu’ils ont trouvé dans les noyaux galactiques. Ce simple fait fait dire à Gomez et Gezari que les candidats TDE Ia qu’ils ont identifiés sont des naines blanches comprimées par des trous noirs massifs au coeur des galaxies, par opposition aux supernovas Ia classiques qui peuvent se produire n'importe où dans une galaxie.

Parmi les 6 candidates TDE-Ia, deux étaient précédemment classées comme des SN Iax, une comme une SN II, une comme une SN Ib; les deux autres n’ayant pas reçues de classification. La plus probable, SN 2020lrt, est l’une des deux qui avaient été classées comme une SN Iax par Dahiwale & Fremling en 2020. Les SN Iax sont des supernovas très ressemblantes aux SN Ia typique, mais moins lumineuses et avec des vitesses d'éjecta plus faibles, on pense aujourd'hui qu'il pourrait s'agir d'explosions de naines blanches partielles, laissant derrière elles un morceau de la naine blanche. On comprend pourquoi une SN Iax peut être confondue avec un TDE Ia qui peut impliquer une naine blanche de faible masse... 

Gomez et Gezari ont également mesuré la masse stellaire des galaxies naines qui hébergent ces transitoires ressemblant à des supernovas Ia moins puissantes, et ils montrent qu’elles font toutes moins de 109 M. S'il est confirmé qu'elles abritent bien des trous noirs massifs, elles prouveraient l'existence de trous noirs de masse intermédiaire dans certaines des galaxies de plus faible masse connues.

À ce jour, seule une poignée de trous noirs a été découverte dans la gamme de masse dite intermédiaire, entre 100 et 100 000 masses solaires et leur distribution en dessous de 106 M est mal comprise. Optimiser les critères de sélection des transitoires pour rechercher des candidats TDE-Ia dans les études existantes et futures pourrait être le meilleur moyen de découvrir plus trous noirs intermédiaires et permettre leur suivi dans le temps.

Un calcul dynamique effectué en 2022 par le Monte Carlo Cluster Simulator (Tanikawa et al.) suggère que le taux de TDE provenant de trous noirs de masse intermédiaire dans les amas d'étoiles de l'Univers local serait suffisamment élevé pour que le sous-échantillon qui impliquerait des naines blanches avec une explosion thermonucléaire (donc un TDE-Ia) serait détecté à un taux compris entre 100 et 500 par an par le télescope Rubin, dont la première lumière est prévue en 2024…

 

Source

The Search for Thermonuclear Transients from the Tidal Disruption of a White Dwarf by an Intermediate-mass Black Hole

Sebastian Gomez and Suvi Gezari

The Astrophysical Journal, Volume 955, Number 1 (15 september 2023)

https://doi.org/10.3847/1538-4357/acefbc


Illustrations


1. Courbes de lumière et localisation des 6 candidates TDE Ia (Sebastian Gomez and Suvi Gezari)

2. Suvi Gezari

3. Sebastian Gomez


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