Le 15 février dernier (épisode 1455), je vous relatais la publication d'une étude ébouriffante qui proposait le grossissement des trous noirs à cause de l'expansion de l'espace-temps, les propulsant alors comme l'origine de l'accélération de l'expansion à grande échelle grâce à cette caractéristique signant leur nature sous-jacente. Faisons donc le point sur cette étude 6 mois plus tard. Deux mois après la publication de Farrah et al., un astrophysicien américain publiait la démonstration observationnelle que ce phénomène (et donc la théorie sous-jacente) était impossible. Il a publié sa contre-étude dans The Astrophysical Journal Letters.
En février, Farrah et ses collaborateurs avaient conclu, à partir des données de leurs observations de l'évolution de la masse des trous noirs supermassifs vis à vis de la masse stellaire des galaxies en fonction du redshift, que la théorie du couplage cosmologique de Crocker et al., caractérisée par un facteur de couplage cosmologique k=3 était vérifiée :
Ce résultat a fait sursauter Carl Rodriguez (Université de Caroline du Nord), pour qui cette idée semblait inconcevable et facilement testable par des données d'observations, par exemple sur des trous noirs stellaires âgés, dont on connaît à la fois la masse et l'âge avec une assez bonne précision. Il s'est donc mis à la tache et a produit son analyse en moins de deux mois. Comme les amas globulaires font partie des populations stellaires les plus anciennes de la Voie lactée, ils abritent les plus anciens trous noirs de masse stellaire connus, ce qui permet de mieux comprendre la formation et l'évolution des trous noirs dans l'univers primitif. Rodriguez s'est intéressé à un amas globulaire qu'il connaissait bien : NGC 3201.
Cet amas globulaire contient en effet trois trous noirs qui ont été caractérisés récemment en 2019 par Giesers et al. grâce à des mesures de vitesses radiales anormales d'étoiles qui apparaissent toutes les trois tourner autour d'un objet invisible. Rodriguez part du fait qu'on connaît assez précisément l'âge de la population d'étoiles de NGC 3201. Il en existe différentes estimations, mais elles convergent vers un âge de 11,5 ± 0,5 Gigannées. Et ont connaît la masse minimale de ces trous noirs, dont deux ont été confirmés dynamiquement : BH1 a une masse minimale (correspondant à une inclinaison orbitale minimale (i=0°)) de 4,53 ± 0,21 M☉ pour un âge et BH2 a quant à lui une masse minimale de 7,68 ± 0,5 M☉. L'inclinaison orbitale est une inconnue pour chacune de ces binaires. Et la durée de vie d'une étoile massive qui produira un trou noir de 4,53 masses solaires n'est que de 12 millions d'années environ. On peut donc considérer que les trous noirs ont le même âge que les autres étoiles de l'amas globulaire : 11,5 milliards d'années. Cet âge correspond à une formation à un redshift z=2,8.
Rodriguez calcule donc quelle aurait du être la masse natale de ces deux trous noirs, ou bien quelle devrait être leur masse actuelle si ils étaient nés avec la masse minimale d'un trou noir (qui correspond à la masse maximale des étoiles à neutrons : 2,2 masses solaires), dans le cadre de la théorie du couplage cosmologique appuyée par Farrah et al. avec k=3. On aurait une évolution de la masse des trous noirs en fonction du redshift M(z) = Mb (1+z) k, ce qui, pour k=3 et z=2,8, fait un facteur de grossissement de 54,9 dans cette théorie.
Carl Rodriguez montre que, si le facteur k était supérieur à 2,5, cela nécessiterait que les masses actuelles des deux trous noirs soient de plus de 100 masses solaires, ce qui est toujours possible mais impliquerait alors que tous les deux soient vus avec une inclinaison orbitale maximale, ils seraient vus de face (i=90°). Or une telle configuration où les deux systèmes binaires sont vus exactement de face tous les deux a une probabilité de se produire au hasard qui est inférieure à 0,01%.... Dans l'autre sens, Carl Rodriguez prend le cas de BH1, le moins massif, en considérant que son couple est vu par la tranche et qu'il fait donc aujourd'hui 4,53 masses solaires. et il calcule quelle aurait du être sa masse à la naissance Mb en fonction du facteur k. Pour k = 3, il obtient une masse de 0,08 masse solaire ! Une telle masse, n'existe tout simplement pas pour les trous noirs stellaires formés par effondrement gravitationnel d'étoiles massives. En revanche, Rodiguez ne peut pas exclure une valeur non nulle pour le facteur k. Pour que la masse de BH1 à sa naissance soit supérieure à 2,2 masses solaires, qui est la masse minimale théorique pour un trou noir stellaire, le facteur k devrait être compris entre 0 et 0,5. On est dans tous les cas bien loin du facteur k=3,11 qui avait été trouvé par Farrah et al.
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