La mise en commun de données de position d'étoiles provenant d'observations du télescope Hubble et du télescope européen Gaïa vient de fournir, pour la première fois, une cartographie des vitesses d'étoiles en 3D dans une galaxie naine satellite de la Voie Lactée.
C'est la galaxie naine Sculptor qui a servi de cible pour cette jolie mesure première du genre. Comme quelques dizaines d'autres galaxies naines, Sculptor se trouve en orbite de notre galaxie. Les galaxies naines comportent beaucoup moins d'étoiles que les grosses galaxies, et sont réputées être dominées par la matière noire. On connaissait assez bien le mouvement propre de cette galaxie naine autour de notre galaxie, mais très mal le mouvement interne des étoiles qui la composent. Davide Massari (Institut Astronomique Kapteyn de Groningen, Pays Bas), et son équipe ont eu l'idée de combiner les mesures exceptionnellement précises des premières données de positions stellaires livrées par le télescope Gaïa en 2015 avec des données de Hubble qui avaient été enregistrées dans la même région du ciel douze ans auparavant. Le décalage des positions des étoiles entre les deux jeux de données permet de déterminer les vitesses propres individuelles des étoiles.
Malheureusement, les vitesses de toutes les étoiles de la galaxie naine n'ont pas pu être évaluées, les deux champs imagés par Hubble en 2012 étant assez petits et en bordure de Sculptor. Massari et ses collègues ont ainsi mesuré le mouvement propre d'une centaine d'étoiles, et pour une dizaine d'entre elles, choisies parmi celles offrant les incertitudes les plus faibles, les astronomes ont retrouvé dans les archives leurs vitesses radiales (vitesses le long de la ligne de visée), ce qui leur a permis finalement de reconstruire leur vitesse en 3 dimensions. C'est la première fois qu'une telle reconstruction de vitesse en 3D a pu être effectuée dans une galaxie naine.
La connaissance de la vitesse des étoiles en trois dimensions est un élément très important car elle permet de tester les modèles de dynamique stellaire associés à la présence de matière noire, surtout dans les galaxies naines sphéroïdales comme Sculptor.
Les nouvelles données de vitesse indiquent que les étoiles de la galaxie naine se déplacent sur des orbites radiales plutôt allongées. A partir de là, Davide Massari et ses collaborateurs calculent la forme que doit avoir le halo de matière noire englobant Sculptor, et ils trouvent que la distribution de matière noire possède un pic de densité vers le centre. De tels profils à pics de densité sont prédits par des simulations de la distribution de matière noire à grande échelle dans le scénario cosmologique standard.
Bien que ces premiers résultats semblent prometteurs, l'échantillon exploité n'est pas très grand et des données plus nombreuses seront nécessaires pour placer des contraintes plus fortes sur la distribution de matière noire dans cette galaxie naine, les chercheurs le reconnaissent volontiers. Le point crucial est de pouvoir exploiter des données de positions stellaires typiquement à 10 ans d'intervalle, et ici, bien que Gaïa eut enregistré la position de milliers d'étoiles, Hubble n'avait imagé en 2002 qu'une centaine d'étoiles en commun dans cette zone.
Gaïa, lui, cartographie tout le ciel depuis son lancement en décembre 2013. Sa deuxième livraison de données, prévue en avril 2018, offrira non seulement les positions très précises de plus d'un milliard d'étoiles, mais aussi leur mouvement propre. Les mouvements individuels des étoiles dans Sculptor ne pourront pas encore y être déterminés avec une précision suffisante, mais on connaîtra déjà avec une bonne précision le mouvement d'ensemble de la galaxie naine autour de la Voie Lactée. Le mouvement propre d'autres galaxies naines sera également accessible dans ces futures données astrométriques de 2018.
Il faudra attendre les dernières livraisons de données de Gaïa, fondées sur plusieurs années de mesures de positions, pour obtenir les mouvements propres précis de plusieurs milliers d'étoiles individuelles dans plusieurs galaxies naines satellites.
L'agence spatiale européenne vient justement d'approuver la semaine dernière une extension de 18 mois de la mission Gaïa, initialement prévue pour durer 5 ans, ce qui mènera au moins jusqu'à 2020. L'étude des vitesses des étoiles individuelles dans les galaxies naines, qui requièrent de longues périodes de mesures, a visiblement pesé dans la balance...
Source
3D motions in the Sculptor dwarf galaxy as a glimpse of a new era
D. Massari, et al.
Nature Astronomy (27 november 2017)
Illustrations
1) La galaxie naine Sculptor (ESO)
2) Vue d'artiste du télescope astromètre Gaïa (CNES)
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